The Italian job

La direction a donné deux mois à Roberto Di Matteo pour sauver la saison de Chelsea. Après la FA Cup, il pourrait être le premier coach italien à remporter la CL à la tête d’une équipe étrangère.

L’histoire de Roberto Di Matteo a les apparences d’un conte : alors qu’il a dû arrêter très tôt sa carrière parce qu’il risquait l’amputation d’une jambe suite à une triple fracture, le voilà entraîneur ad intérim en passe de gagner la Ligue des Champions avec Chelsea. Une mission que des coaches patentés comme José Mourinho et Guus Hiddink ont loupée…

Après sa victoire en FA Cup le 5 mai contre Liverpool, la presse anglaise a pris son parti au point de demander le prolongement de son contrat même en cas d’échec à Munich.  » Il a ressuscité l’équipe, que doit-il faire de plus ? », s’est interrogé le London Evening Standard. RomanAbramovitch appréciera, lui qui aimerait tant que PepGuardiola – derrière lequel il court depuis un bon bout de temps – revienne sur sa décision de prendre une année sabbatique. L’oligarque russe nie mais pourquoi son assistante, MarinaGranovskaia, a-t-elle rencontré Guardiola le 29 avril à Paris ? Mardi dernier, le Daily Mirror a même annoncé que l’Espagnol aurait refusé 20 millions de dollars pour une année !

En attendant, Di Matteo savoure le fait d’être le 11e entraîneur italien à disputer une finale de CL et le premier à la tête d’une équipe étrangère. Ce que n’ont pas réussi Fabio Capello, Giovanni Trapattoni et Carlo Ancelotti, des coaches dont le palmarès ne se limite pas à un SMS. Depuis qu’il a remplacé André Villas Boas, Chelsea a empilé les victoires. Comment expliquer cette métamorphose ? Pour le coach, par les tête-à-tête qu’il a eus avec tous les joueurs du noyau. Cinq longues journées de discussions afin de faire comprendre à tous que quand un club ne fonctionne pas, la responsabilité est commune : staff technique, joueurs et direction sont tous responsables. En évoquant la direction, Di Matteo a sans doute fait allusion aux rumeurs selon lesquelles c’est elle qui a imposé à Villas Boas d’aligner des jeunes et d’écarter John Terry ou Frank Lampard voire Didier Drogba.

La même tactique que Mourinho en 2010

Ces trois vieux briscards n’ont pas facilité la tâche du coach portugais et ont un meilleur feeling avec Di Matteo, puisqu’il les a remis dans le onze de base. Le coach n’en dit pas plus, prétextant  » qu’il n’aime pas s’attarder sur le passé « . Impensable probablement aussi qu’il reconnaisse avoir soufflé sur le feu de la contestation :  » Je n’ai pas scié la chaise de Villas Boas. Avec lui est née une vraie amitié « , affirme-t-il. En tout cas, le changement est évident à Birmingham (2-0) en huitièmes de la Cup le 6 mars, soit deux jours après sa nomination. Puis, il enchaîne avec un succès contre Stoke avant de continuer sur la scène européenne avec les éliminations de Naples, après une défaite 3-1 à l’aller, et Benfica.

Ce n’est encore rien par rapport à la qualification au détriment de Barcelone, le 24 avril. Une victoire étriquée (1-0) contre le cours du jeu à l’aller (Barcelone a pris une transversale, un poteau et Gary Cahill a repoussé à même la ligne un envoi de Cesc Fabregas) et un 2-2 au retour après avoir joué à 10 contre 11 pendant 53 minutes : Di Matteo a utilisé la même tactique que Mourinho en 2010 si ce n’est que l’Inter s’est rendu au Camp Nou avec un avantage mérité de deux buts (3-1). Lorsqu’à la 28e, Thiago Motta s’est fait exclure, le Portugais a dressé un double rideau et a fait descendre Samuel Eto’o, à l’arrière droit et Diego Milito à gauche. Quand Terry a vu rouge (37e), Di Matteo a appliqué la même recette avec Drogba et son remplaçant Fernando Torres, qui est parti de son flanc pour aller égaliser dans le temps complémentaire.

 » Je joue à l’italienne ? Ben, je suis Italien, non ! »

Alors que cela n’a pas été le cas de GianlucaVialli et Gianfranco Zola, ses prédécesseurs transalpins à la tête de Chelsea, Di Matteo a été accusé de jouer à l’italienne. Une remarque qui ne l’a pas choqué :  » Quand tu joues contre Barcelone, tu dois avant tout bien défendre parce que cette équipe se crée un nombre incroyable d’occasions. Je joue à l’italienne ? Ben, je suis Italien, non ! Et puis, c’est quoi le jeu à l’italienne ? Disons que seul compte le résultat. De toute façon, en seconde période, il n’a plus vraiment été question de tactique mais de passion, de fierté et de motivation pour atteindre la finale.  »

Bien que né en Suisse, Di Matteo a la nationalité italienne et a refusé d’être sélectionné avec les Espoirs suisses. Puis, quand un représentant de la fédération lui a conseillé de prendre la nationalité suisse  » parce qu’il aurait ainsi plus de chance de disputer un grand tournoi « , il a directement riposté :  » Je préférerais encore travailler dans une usine en Italie « . Arrivé en Angleterre en 2006, Di Matteo baigne dans la culture anglaise mais il précise directement :  » La philosophie qui domine à la maison est italienne. C’est clair que je suis influencé par la culture anglaise notamment à cause de mon épouse, Zoe et de mes trois enfants. Mais j’ai aussi influencé Zoe, qui est désormais presque italienne.  » Avant d’ajouter avec humour :  » A mon arrivée l’été dernier, la première chose que j’ai demandée c’est une machine à espresso et pas un joueur ! »

Le catenaccio de Chelsea est toutefois la chose la plus italienne dans le bagage génétique de Di Matteo, qui n’a pourtant vécu que trois ans en Italie.  » Je ne suis pas défensif, je n’aime tout simplement pas encaisser de but « , argue-t-il, comme s’il était le seul dans le cas. Pendant sa carrière, Robbie n’a jamais songé à devenir entraîneur. Ironie du sort, c’est précisément en Suisse que sa carrière a été brisée le 28 septembre 2000 lors d’un match de Coupe de l’UEFA avec Chelsea contre Saint-Gall. Un choc avec Daniel Imhof lui occasionne une triple fracture à la jambe gauche et, après 18 mois de souffrance, d’infections et une dizaine d’opérations, il annonce sa fin de carrière… sous peine de perdre sa jambe.

Six ans pour avoir de nouveau une envie incroyable de football

Di Matteo a d’abord dû se remettre d’une dépression et, ensuite, il n’a pas trouvé le même plaisir dans ses études en business et management, son job de consultant pour la télé suisse, la gestion de ses deux restaurants à Londres et ses affaires en Thaïlande. Ce n’est qu’en 2008, qu’il passe sa licence auprès de la fédé anglaise, un choix dirigé par le fait qu’il réside à Londres.  » S’il m’a fallu tant de temps pour prendre ma décision c’est probablement dû au fait que j’ai quitté les terrains d’une sale manière. Ce n’est qu’après quelques années que m’est revenue une incroyable faim de football. « 

Que ce soit à Miton Keynes Dons ou à West Bromwich Albion, Di Matteo reste fidèle à sa philosophie. Dans son premier club, la direction n’est pas trop déçue de le voir rater de peu la montée en D2 alors qu’au moment où il remplace Paul Ince, l’équipe lutte contre la relégation. La première année à WBA, grâce à ce système, il termine deuxième, décrochant la montée en Premier League, La deuxième année, les choses tournent moins bien et alors que son équipe n’occupe jamais les sièges basculants, il est remercié après une défaite à Manchester City, un candidat au titre. Evidemment, les Baggies n’ont engrangé que quatre points en 8 matches et la direction du club des West Midlands a de quoi trembler.

L’ Italian job de Di Matteo a donc eu de bons résultats en appliquant la tactique des faibles : tous en défense, partir le plus souvent possible en contre, frapper dès qu’on en a l’occasion et Dame Chance fait le reste. C’est ainsi que Barcelone, malgré ses 72 % de possession de ballon, a été vaincu au retour : Lionel Messi, qui a loupé un penalty, et ses équipiers n’ont cadré que 5 de leurs 17 tirs alors que les Blues en ont placé 3 sur 7. Cette façon de faire est sans doute plus adaptée à l’actuel noyau de Chelsea. La vieille garde n’est plus très réceptive aux acrobaties tactiques du Special Two. Et quand les vieux se rebiffent, le coach n’a plus son sort en mains.

 » Je devais rendre confiance à un groupe déphasé « , a rappelé Di Matteo. Il a mené sa mission à bien au point que les leaders du vestiaire demandent sa confirmation. Mais cela ne met pas forcément dans l’embarras Abramovitch, qui a déjà sous la main une liste de successeurs possibles ( DidierDeschamps, JoachimLöw, Jürgen Klopp et Laurent Blanc).  » Que doit encore faire Di Matteo ? « , a également titré The Mirror. Peut-être battre le Bayern Munich dans son antre sans Terry, Ramires, BranislavIvanovic et RaulMeireles, suspendus.

PAR NICOLAS RIBAUDO

Le catenaccio de Chelsea est la chose la plus italienne dans le bagage génétique de Di Matteo.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire