Minitrip au sein d’un championnat qui compte encore quatre clubs en quarts de finale de la Ligue des Champions.

Quatre clubs encore présents en Ligue des Champions. Ce n’est pas la première année et ce n’est donc plus un hasard. Encore moins quand vous éliminez trois formations italiennes. Le championnat anglais domine l’Europe et chaque saison, le fossé semble s’élargir. Le football anglais a effectué une mue profonde. L’argent, l’arrivée d’investisseurs étrangers, de managers européens et de stars mondiales ont bouleversé ce championnat. En 1999, lorsque Manchester United s’adjugea la Ligue des Champions contre le Bayern Munich (2-1), seul sir Alex Ferguson considérait cette compétition comme un aboutissement. Il avait déjà engrangé toute une série de succès sur la scène nationale mais n’avait pas encore conquis l’Europe.

Les journaux anglais et les autres clubs préféraient encore se focaliser sur le championnat et la Cup. En 1999, Manchester portait l’étiquette d’outsider. Que ce soit en quarts contre l’Inter, en demi contre la Juventus ou en finale contre le Bayern. Le scénario de ce dernier match (Manchester inscrivit ses deux buts dans les arrêts de jeu) a séduit les derniers sceptiques. Dix ans plus tard, il suffit de voir la place prise, dans les journaux, par le tirage au sort des quarts de finale, éclipsant totalement la 30e journée, pour saisir cette transformation.

Le Sun ferme un dossier de quatre pages sur ce tirage par une photo de Ferguson qui s’étire et un titre évocateur, Rome, sweet Rome, référence à la ville où aura lieu la finale de la Ligue des Champions et au tirage clément pour les Red Devils.  » Les Anglais ne s’intéressent qu’aux choses qu’ils maîtrisent « , explique David Meek, éditorialiste au Guardian.  » Pendant des années, ils préféraient privilégier le championnat anglais. Désormais, ils savent qu’un succès en Ligue des Champions n’est plus illusoire. Ils savent qu’ils dominent cette compétition. D’où le basculement entre championnat et compétition européenne. Avant, Liverpool considérait un beau parcours européen comme un prix de consolation. Cette année, il est le symbole de leur puissance. Lorsque les Reds sont parvenus en finale en 2005 et 2007, ils étaient outsiders. Cette année, ils figuraient comme favoris contre le Real et personne ne voulait les rencontrer en quarts.  »

Il fallait donc approcher le phénomène, comme ces touristes venus du monde entier pour participer au spectacle. Chaque week-end, que ce soit en Belgique ou dans d’autres pays européens, des centaines de fans s’offrent un minitrip basé uniquement sur le concept championnat anglais. Samedi, nous avons été invité à accompagner à Tottenham-Chelsea quelques abonnés de BeTV, sortis victorieux d’un concours de la chaîne cryptée. Pour la plupart d’entre eux, il s’agissait d’une première. Aller-retour sur Londres en une journée. Mais ils n’étaient pas les seuls Belges attirés par la Premier League. Nous en avons croisés d’autres, attirés par Fulham-Manchester United. Pour ces derniers, le package de 350 euros comprenait le billet d’entrée au stade, le voyage et une nuit d’hôtel à Londres.

135 euros, le prix d’un match sans excès

Eurostar tôt le matin. Depuis que celui-ci arrive dans la gare remise à neuf de Saint Pancras, fini le transit par Ashford et l’arrivée en plein c£ur de Londres, accueilli par la tour de Big Ben. Désormais, c’est escale à Ebbsfleet, l’autre face du football anglais puisque cette ville comprend le Ebbsfleet United, club de Conférence (l’équivalent de la D5), racheté par une communauté d’internautes. Londres, dernier arrêt, première vitrine internationale. Les magasins de souvenirs ont compris l’attractivité du football. Les maillots de Chelsea, Manchester United, Liverpool ou Arsenal sont visibles dans toutes les petites échoppes et ont remplacé les répliques miniatures des bus à impériale ou les casques de bobbies.

De là, métro jusqu’à Seven Sisters ou train de Liverpool Street à White Hart Lane, objectif du jour pour le derby londonien opposant Tottenham à Chelsea. Finalement, c’est le train et ce n’est pas plus mal : comme le dit la publicité, c’est déjà un goût de voyage. A l’intérieur, c’est bondé. Cela chante, les cris de supporters de Tottenham se mélangeant avec ceux de Chelsea, tout cela dans une ambiance de printemps précoce. Il faut dire que quand vous sortez de la station et que vous tombez sur la Love lane, difficile de mal se comporter.

White Hart Lane pointe son nez. Quartier typique de banlieue anglaise. Les marchands de kebabs laissent leur place aux vendeurs ambulants de burgers au fur et à mesure que vous vous rapprochez du stade. La boutique est prise d’assaut : 54 livres (57 euros) pour un maillot (mais vous en recevez un gratuit !), vous rajoutez 15 livres pour le floquer du nom de Robbie Keane ou Jermaine Jenas. Quelques mètres plus loin, les brocanteurs font des affaires : un vieil agenda officiel de la saison 1972-1973 à 10 livres ou la biographie de Jimmy Greaves, le plus grand buteur de l’histoire de Tottenham, à 5 livres. Un peu plus loin, le programme du match à 3 livres. Le football anglais est devenu une manne financière inépuisable mais l’essentiel est toujours présent : l’amour du club, du maillot et de ceux qui l’ont porté. La légende renforce le mythe et plus le mythe est fort, plus il est rentable. Dans le programme du match, vous trouvez toutes les statistiques possibles et inimaginables. Les confrontations entre les deux clubs sont décortiquées de A à Z. On rappelle le nom des joueurs ayant évolué dans les deux clubs et on ressort un portrait de deux pages de Vivian Woodward, footballeur n’ayant connu que ces deux formations-là. Ah oui, précision, la période de gloire de Woodward : 1901-1915.

Un match en Angleterre a son prix : le ticket à 63,70 livres, le hamburger à 3,50 livres, la pinte de bière (mais uniquement dans les couloirs, vous ne pouvez pas l’emmener dans les tribunes) à 3,60 livres, le programme à 3 livres et le maillot à 54 livres. Total d’un match sans excès : 127,80 livres (135 euros). Et comme le fan anglais aime les excès…

Dans un club anglais, on n’oublie jamais les légendes

White Hart Lane n’est ni le stade le plus vétuste d’Angleterre, ni le plus moderne. Il dégage un charme typiquement british. Les 36.000 spectateurs sont proches de la pelouse et les enceintes crachent le dernier tube de Peter Doherty, The last english rose. Et si c’était le football, le dernier bastion anglais, la dernière rose ? A l’entraînement, les gardiens font venir leur propre but mobile pour s’échauffer. Une fois tout le monde rentré aux vestiaires, un arrosage automatique de la pelouse se met en route, vénération du gazon oblige.

Tottenham n’a peut-être pas les lettres de noblesse récentes, ni la notoriété de Chelsea mais c’est tout de même 50 millions d’euros dépensés lors du dernier mercato, soit 7,6 millions de moins que Manchester City, le plus gros acheteur hivernal. Au total, le football anglais aura encore davantage dépensé que les saisons précédentes, et ce, malgré la crise. 197,25 millions d’euros. Avec 55 millions d’euros, le football espagnol paraît bien pauvre.

Pour se sauver, les Spurs ont fait revenir Keane, Pascal Chimbonda et Jermaine Defoe. Dans un club anglais, c’est bien connu, on n’oublie jamais ses légendes. Face à cette frénésie, même Chelsea, qui fait aujourd’hui office de baron désargenté n’a pas pu suivre. Seul mouvement en janvier : l’arrivée de Guus Hiddink. On disait les Blues revigorés, les journaux n’avaient-ils pas trouvé un nouveau surnom au buteur ivoirien de Chelsea ( Didier Drogback) pour attester le retour au premier plan de Didier Drogba et de toute son équipe ? Pourtant, samedi, c’est la forme actuelle de Tottenham qui a primé. Transportés par les Come on your Spurs ou Oh when the spurs, go marching in, les hommes de Harry Redknapp ont plié le match sur un centre d’ Aaron Lennon repris par Luka Modric. Un peu plus au sud, l’ Old fashioned Craven Cottage de Fulham aura également vibré. Manchester United y a mordu la poussière. C’est aussi cela un samedi en bord de Tamise…

17 heures, il est temps de rentrer. Un steward extérieur nous demande le score et le nom du buteur.  » Luka Modri ? Unbelievable ! C’est son second but en championnat !  » Ah, cette manie des statistiques…

par stéphane vande velde

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