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The Beast

L’international nigérian Anderson Esiti est un bloc de granit. Transféré d’Estoril fin août, comme doublure de Renato Neto, le médian défensif de 22 ans a rapidement progressé.  » Mon engagement est mon principal atout.  »

Le T2 Peter Balette frappe à la vitre et frotte son crâne chauve avant de montrer la tête d’Anderson Esiti, également rasée. The Beast, comme on le surnomme à Gand, rit.  » Ici, même un garçon aussi timide que moi s’épanouit. Ils ont même réussi à me faire chanter. Je suis très heureux chez les Buffalos.  »

Esiti nous raconte sa vie pendant une heure et demie.  » Je viens de Warri, au sud du Nigeria et j’appartiens à la tribu des Urhobo. Mon père, polygame, a trois femmes. Ma mère a mis huit enfants au monde, dont quatre garçons. Je suis le plus jeune, son préféré. Elle m’a beaucoup chouchouté.

Blessing, ma soeur aînée, est décédée en 2012 alors que je venais de partir au Portugal. Elle était une mère de substitution. Nous vivions chez papa, dans une maison à deux chambres à coucher. Mes demi-frères et soeurs vivaient ailleurs. Nous étions heureux, même si nous ne pouvions pas nous permettre d’achats coûteux.

Mon père était agent de sécurité. Son départ à la retraite, il y a quelques années, a été dur car sa pension était maigre. Warri est une ville prospère, le Nigeria est riche mais tout le monde n’en profite pas de la même façon. Nous n’avons manqué de rien. Nous avions deux repas chauds par jour, ce qui n’était pas le cas de toutes les familles.

Force de la nature

Le football n’a pas toujours régi ma vie. Nous jouions pieds nus, dans les quartiers, mais l’école était prioritaire. J’étais un bon étudiant, je voulais être le premier de classe. Passionné par les sciences, je voulais devenir médecin ou ingénieur.

Nos compétitions de rues attiraient du monde et des équipes amateurs ont insisté pour m’enrôler. J’ai cédé mais je ne supportais pas les chaussures et j’ai perdu mon sens du ballon. J’ai stoppé. Je préférais jouer pieds nus, en rue.

Un jour, j’ai trouvé une chouette chaussure pour un euro. Une Adidas. J’ai cherché une seconde. L’ami d’un oncle qui jouait en Allemagne m’a offert une Puma. J’ai joué un mois en championnat, à 15 ans, pour l’école catholique de Warri. Au dix ou en pointe, comme mes idoles Ronaldo et Ronaldinho.

Je voulais un rôle libre, qui me permette d’abattre beaucoup de terrain, comme en rue. Je marquais facilement. Mon équipe partageait le terrain avec une meilleure, le Bobbies United FC, que j’ai rejoint. Mes débuts ont été difficiles car j’étais trop individualiste.

Je cherchais ma place et j’étais barré par Fegor Ogude, qui a joué pour Valerengen, à Oslo, et qui est maintenant à l’Amkar Perm, en Russie. L’entraîneur me répétait que je disposais des mêmes qualités physiques et m’a offert ma chance. Puis, on a divisé l’équipe et c’est en B que j’ai trouvé ma place, au milieu défensif. Je dois ma force à la nature. Mes frères sont aussi musclés mais plus gras.

Homme du match

Rio Ave, un club portugais, a invité Lucky Emariojake et moi à passer un test. Notre manager nous a finalement casés en D2, au Leixoes SC. Lucky a été renvoyé après un jour : insuffisant. J’étais très triste. Je passais mes journées à admirer Yaya Touré sur YouTube. Je cherchais ses statistiques. Je voulais l’imiter car je possédais les mêmes qualités athlétiques que lui.

J’ai été versé en U19. Je vivais en appartement avec sept Portugais et un garçon du Cap-Vert. Le loyer et la nourriture me coûtaient 250 euros par mois. J’en gagnais 500. Mais l’argent n’avait pas d’importance et je voudrais faire passer le message aux jeunes : il ne compte pas en début de carrière.

J’ai été élu joueur du match à plusieurs reprises et le VfB Stuttgart a voulu m’engager, pour un salaire mensuel de 15.000 euros, mais je n’avais pas de permis de séjour pour l’Allemagne. L’été 2014, Estoril m’a transféré pour 250.000 euros.

José Couceiro a amélioré ma technique et ma souplesse. Son renvoi, en mars 2015, a été un sale coup mais l’année passée, j’ai disputé 25 matches et apporté un plus. L’été, j’avais trois possibilités : Braga, Nantes et Gand. Mon agent m’a dit :  » Prends Gand si tu veux jouer le titre.  »

Il m’a aussi dit que j’y serais avec Moses Simon. L’accueil de Gand m’a convaincu : le club m’a invité à venir voir ses installations et m’attendait à l’aéroport, plein d’espoir. La Ghelamco Arena m’a plu et voilà !

Un tir perfectible

Je dois être plus discipliné et faire preuve de plus de vitalité, ici. Je dois tenir ma position au lieu de courir partout, récupérer le ballon, gagner des duels, pour que l’équipe ait plus de chances de gagner. Ma mission la plus importante est de protéger la défense et de communiquer, puisque je suis un homme de liaison. J’aime ça mais ça a requis du temps. J’ai dû apprendre à bien exécuter mes tâches. Ceci dit, on ne m’interdit pas de relancer le jeu, d’effectuer une belle transversale, par exemple. Au Portugal, ça m’était interdit. Mon tir est perfectible.

L’entraîneur me demande aussi de me déplacer avec plus de précision car je gaspille encore trop d’énergie. Nous y travaillons avec des images vidéo. Grâce à l’entraîneur, j’ai déjà amélioré ma lecture du jeu et je me suis défait d’une partie de mon impulsivité. Au début, j’arrivais parfois trop tard parce que je ne me contrôlais pas assez.

Je suis devenu un homme à Gand. Je n’ai pas peur de le reconnaître. On me confie plus de responsabilités et je dois être un patron. Cette équipe est tellement forte mentalement qu’elle ne recule devant aucun défi. Dieu déterminera jusqu’où cette force nous mènera à l’issue des play-offs. Tout reste possible. Ce qui compte, c’est de décrocher un billet européen. Si nous le loupions, nous serions terriblement déçus.  »

par Frédéric Vanheule – Photos Belgaimage

 » Victor Wanyama, qui a construit sa carrière pas à pas, est mon modèle.  » Anderson Esiti

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