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Ce dimanche 23 août, le Thalys de 18h43 a tout d’un train comme les autres. Il est en retard. 25 minutes, selon le panneau d’affichage, un peu plus selon le chef de bord, qui déplore un incendie, quelque part entre l’Allemagne et la Belgique. À bord, des gens parlent fort, comme s’ils voulaient être entendus. Puis deux hommes arrivent à 19h11, en courant, juste avant que le train ne parte. Ils posent leurs fesses dans un carré de quatre, juste en face de la jeune femme au niveau sonore trop élevé. Grâce à eux, elle ne hurlera plus au téléphone. Ils parleront fort ensemble. Les deux hommes, la trentaine, viennent de Rotterdam. Elle, vit en Belgique, mais vient de Paris. Ils viennent pour  » vivre l’ambiance de la finale dans la capitale française « . Elle a  » parié 150 euros sur le Bayern, parce que c’est sûr qu’ils vont gagner « . Assis juste derrière, avec mon 1% de batterie et ma prise qui ne marche pas – on est dans un train normal – je pense à la finale, mais pas que. Ce train m’emmène de Bruxelles à Paris, mais aussi de Zulte Waregem – Waasland-Beveren à la finale de la Ligue des Champions. En 1h22.

Ce train m’emmène de Bruxelles à Paris, mais aussi de Zulte – Waasland à la finale de la Ligue des Champions.

C’est assez pour repenser au sens de sa vie, donc largement suffisant pour revenir sur un long week-end de foot. Il a commencé vendredi, quelque part entre un Séville-Inter (3-2) un peu fou et un Courtrai-Eupen (0-0) un peu mou. La vanne est aussi facile que la comparaison est malhonnête. D’un côté, une finale européenne entre deux grosses équipes ayant repris la compétition depuis des semaines. De l’autre, la troisième journée d’un championnat qui reprend sur des bases prévisibles, entre manque de rythme logique, préparation physique tronquée, ou en cours, et ambiance de matches amicaux donnée par le huis clos. Il suffit d’ailleurs de jeter un coup d’oeil à la reprise de la Ligue 1 pour comprendre que les stigmates du Covid-19 s’inscriront dans le temps. Ces rencontres, comme beaucoup des rencontres de Liga et de Premier League qui nous ont été proposées après le lockdown, ont un goût d’inachevé, de trop peu, de  » c’est pas comme avant « . C’est donc avec un carton de bienveillance, rangé avec mes chemises, que je débarque samedi pour mon premier vrai samedi de Jupiler Pro League, avec, au menu, le fameux Zulte Waregem-Waasland-Beveren, à l’heure du goûter. L’occasion de retrouver Gianni Bruno, que j’avais quitté avec une touffe de cheveux sur la tête, Jelle Vossen, dont j’ai l’impression qu’il joue depuis que je suis enfant, et de palper, enfin, les quelques inquiétudes que certains m’avaient glissé à l’oreille quant au niveau technique de certaines équipes. Lors de ce 4-1, j’ai vu des équipes en difficulté physique après l’heure de jeu, j’ai vu une équipe de Zulte assez largement supérieure et j’ai surtout vu une équipe de Waasland en grande difficulté dans l’utilisation du ballon. Le match suivant fut plus plaisant. Je ne me l’explique pas, mais il y a quelque chose chez OHL qui me plaît. Pas suffisant pour empêcher Charleroi de faire le neuf sur neuf (1-3) et de m’offrir le premier bon pronostic télévisé de ma carrière. Probablement le dernier. C’est en voyant ce match que j’ai compris ce qu’il a manqué au précédent, au-delà de la qualité technique : des idées. Décousu, le Malines-Cercle Bruges (2-3) a eu le mérite d’offrir un peu de spectacle, un agréable scénario et un débat arbitral dont j’ai désormais compris qu’il serait l’équivalent du poulet-patates hebdomadaire chez mamie : un rituel.

Contrairement à ce délicieux plat familial, ma première venue à Sclessin a manqué de goût. La faute au manque de supporters dont on m’a tant parlé. La faute, aussi, à cette sempiternelle qualité technique. Ce sont Philippe Montanier et Jere Uronen eux-mêmes qui l’ont reconnu en interviewes d’après-match. Ni le Standard ni Genk n’ont eu le niveau technique requis pour rendre leurs pensées concrètes. Il a manqué la dernière transmission. Le bon contrôle orienté. La qualité de centre. Alors, en dépit des prestations convaincantes des jeunes Raskin et Kouassi et d’un retour en forme d’un Bongonda qui semblait être le seul à pouvoir créer l’étincelle, c’est bel et bien avec un 0-0 en poche que je file prendre ce fameux Thalys. Sur le chemin de la gare, je pense à la finale du soir. Un autre foot. Celui où on a souvent les moyens de ses idées. Celui où deux équipes jouent et où le reste du monde regarde. Un foot rare, en somme.

C’est à 20h35 que ce train normal arrive à quai à la Gare du Nord de Paris. Il l’est tellement que, comme d’habitude, les gens se ruent vers la porte avant même qu’il ne soit totalement arrêté. En face de moi, un quadragénaire trépigne, maillot du PSG 1998-1999 sur les épaules. Une fois sorti, il court vers la bouche de métro comme s’il courait vers son destin. Il ne sait pas encore que dans un peu plus de deux heures, le seul pari à avoir triomphé sera celui de la jeune fille du train.

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