Test de Cuper

Le club milanais livre sa meilleure saison de la décennie. Quel est le secret du coach argentin?

« Faire les courses, c’est l’affaire des femmes », répondit l’entraîneur. « Les joueurs ne doivent penser qu’au football ».

Taiseux et doté d’un sens très pointu des sous-entendus, Cuper pourrait bien être l’homme dont l’Inter avait tellement besoin. Car au cours des trois dernières saisons, il s’est passé pas mal de choses à Milan. De Mircea Lucescu à Marco Tardelli, en passant par Marcello Lippi, le club a consommé les entraîneurs avec une régularité impressionnante, sans toutefois parvenir à remporter le moindre trophée. En championnat, l’Inter termina respectivement huitième, quatrième et cinquième: sale temps pour les supporters qui attendent le titre depuis 1989 et qui, de plus, assistèrent, impuissants, au feuilleton Ronaldo. Un match joué, des semaines de repos…

Mais cette saison, les supporters de l’Inter n’en croient pas leurs yeux: tout au long du premier tour, leur équipe a occupé la tête du classement ou, à tout le moins, talonné l’AS Roma. De plus, aucun fait sensationnel n’est venu troubler le quotidien du club: pas la moindre polémique à se mettre sous la dent alors qu’au cours des dernières années, c’était devenu habituel à La Pinetina.

Comment cela est-il possible? Plus d’insultes comme celles que s’échangèrent Roberto Baggio et Lippi, plus de bagarres dans le vestiaire après les matches… Où est l’époque où, directement après un match, un joueur menaçait d’accrocher Lucescu au porte-manteau? A l’époque de Tardelli, les histoires de sexe, de drogue et de rock and roll étaient monnaie courante. Aujourd’hui, les journalistes en mal de sensation en sont pour leurs frais.

Coups de chance?

Inflexible, décidé, visionnaire du football: Cuper est fait pour avoir du succès en Italie. L’Argentin adopte volontairement le profil bas et s’y cramponne envers et contre tout. Il n’a toujours pas pris la peine d’apprendre l’italien et donne ses interviews dans un mélange d’espagnol et d’italien pour débutant.

« Si j’ai amené quelque chose à l’Inter, c’est une dose d’optimisme », déclare-t-il à La Gazzetta dello Sport. « En Argentine, tous les clubs -même ceux qui n’ont pas l’ombre d’une chance de l’emporter- entament le championnat en se disant que cette saison sera la leur ».

Evidemment, il serait naïf de n’attribuer le retour au plus haut niveau de l’Inter qu’au seul Cuper. Son arrivée, l’été dernier, a été conjuguée à plusieurs facteurs positifs. D’abord, il y eut le retour de Christian Vieri, blessé depuis longtemps. Avec la forme dont il fait preuve cette saison, tout est possible.

Cuper est le premier à le reconnaître: « C’est un joueur qui est né pour gagner et tout le reste n’en est que la conséquence. A l’entraînement, il travaille jusqu’à l’épuisement; il montre la voie à suivre à l’équipe et tout le vestiaire se réfère à lui ».

Autre pilier: le défenseur Marco Materazzi, engagé avant Cuper. Il n’a pas l’expérience de son prédécesseur, Laurent Blanc, mais il est plus rapide et bouche les trous beaucoup plus facilement que le Français (les supporters de Manchester United peuvent en témoigner). L’acquisition de Francesco Toldo à la Fiorentina semble également être un coup dans le mille: Toldo est, avec Gigi Buffon, le meilleur gardien d’Italie.

Autre transfert réussi: celui de Cristiano Zanetti, l’homme dont Cuper avait besoin dans un entrejeu de travailleurs. Ce n’est pas un hasard si des médians créatifs comme le Hollandais Clarence Seedorf et l’Uruguayen Alvaro Recoba éprouvent de grosses difficultés à se faire une place dans le 11 de base. Et ce n’est pas pour rien non plus que Fabio Capello, le coach de l’AS Roma, entra dans une colère noire lorsqu’il apprit que son club avait cédé Zanetti à l’Inter.

Si Cuper n’est pas pour grand-chose dans le retour de Vieri et dans les transferts de Materazzi, Toldo et Zanetti, il peut par contre s’enorgueillir de la haute conjoncture que le club traverse actuellement. Voyez l’attaquant sierra-léonais Mohammed Kallon… La saison dernière, l’Inter l’avait prêté à la Reggina et à Vicenza, où il avait fait preuve de son talent en inscrivant respectivement 11 et huit buts. Cet été, l’Inter le rappela et Cuper lui donna une chance car il avait compris que l’absence de Ronaldo pourrait durer un certain temps. Kallon fit parler de lui et devint une des révélations du championnat. Aujourd’hui, le duo Vieri-Kallon est plus dangereux que le duo Vieri-Ronaldo ne l’a jamais été, même si c’est dû en grande partie aux blessures du Brésilien.

Une vision précise

La vision que Cuper a des choses du football forme un autre élément du puzzle. On le critique pourtant parfois pour son jeu trop prudent et on affirme qu’il mise trop sur l’instinct de buteur de Vieri.

« Pour celui qui aime vraiment le football, un match où les espaces sont trop nombreux peut devenir ennuyeux », dit-il, comme s’il avait inventé le catenaccio. « J’aime me souvenir du 0-0 obtenu face à la Roma: ce fut l’exemple parfait d’un football qui oblige à penser et à jouer très rapidement, à faire basculer le match sur un éclair et dans un espace très restreint. Nous pouvons prendre le temps qu’il faut pour arriver au rectangle adverse. J’aime que mon équipe fasse circuler le ballon et le conserve le plus longtemps possible ».

En théorie, l’Inter de Cuper ne peut que progresser. Le coach s’est adapté à son nouvel environnement et l’équipe a retrouvé le goût du succès. De plus, à l’inverse de la Roma et de la Juventus, ses rivales pour le titre, l’Inter a l’avantage de ne pas disputer la Ligue des Champions. Evidemment, il est toujours qualifié en Coupe UEFA mais cette compétition l’oblige moins à puiser dans ses réserves physiques et mentales.

Cuper sait tout de la Ligue des Champions. Avec Valence, il a atteint deux fois d’affilée la finale, où il s’inclina à chaque fois. Peut-être la troisième fois, avec l’Inter, sera-t-elle la bonne.

Remportera-t-il le titre en attendant? Il refuse de se prononcer prématurément même si, à l’Inter, tout le monde n’est pas aussi modeste. Quand on lui demande ce que Cuper a apporté à l’Inter, Toldo répond: « Je préfère songer à ce qu’il va nous rapporter: le titre ».

Paddy Agnew (World Soccer, ESM),

« Un match où il y a trop d’espaces peut vite devenir ennuyeux »

« J’ai ramené l’optimisme à l’Inter »

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