Terminus Standard

La carrière professionnelle du Norvégien se terminera à Sclessin. En 2004 au plus tard.

Auteur de deux buts à Beveren lors de la dernière journée du championnat, Ole-Martin Aarst n’avait plus réalisé semblable performance depuis le 2 décembre 2001. Ce jour-là, le doublé de l’attaquant, à Bruges, avait permis aux Rouches de se mêler résolument à la course au titre. 17 jours plus tard, alors que le Standard se trouvait plus que jamais aux premières loges, le Norvégien fut victime d’une fracture du tibia consécutive à un choc avec le gardien de Lommel, Gert Davidts. Pour lui, du coup, la compétition était terminée. Et pour son club également.

Le Standard rentra singulièrement dans le rang, dès ce moment, au point de perdre en fin de campagne le bénéfice d’un premier tour absolument superbe. Cette saison, en l’absence de son forward nordique, toujours convalescent, le porte-drapeau du football liégeois entama les débats de manière catastrophique, avant de se ressaisir lors de ses quatre dernières rencontres en engrangeant neuf points sur douze avec le concours de son buteur. Une simple coïncidence ou bien les Principautaires ne peuvent-ils pas se passer de leur puncheur scandinave?

Ole-Martin Aarst: Je ne suis pas plus important qu’un autre. Au contraire, personne n’est aussi dépendant de ses partenaires que moi. Je suis tout bonnement tributaire des services qu’ils m’adressent. Mais si ces bons ballons-là font défaut, il ne faut pas attendre de moi que je fasse la différence. Car je n’ai malheureusement pas la faculté de pouvoir orienter le cours d’un match grâce à une action géniale. Sans quoi je ne jouerais probablement pas en Belgique à l’heure actuelle.

Si vous minimisez votre impact dans la dégringolade du Standard, ces derniers mois, quelle en est alors la cause principale, d’après vous?

A mes yeux, le staff technique et les joueurs ont tout simplement succombé à la pression. L’an dernier, il a suffi que nous nous retrouvions dans une position très avantageuse, au terme des matches aller, pour que dirigeants et entraîneurs s’éveillent subitement aux plus hautes ambitions. Alors que le mot « titre » n’était prononcé que du bout des lèvres, en tout début d’exercice, il n’en finissait soudain plus de revenir dans les conversations. Même chez moi, pourquoi le cacher. Franchement, au vu des événements, j’étais persuadé à ce moment-là que le Standard allait renouer avec ce titre de champion qui lui échappait depuis près de 20 ans. Et je crois que dans l’entourage de l’équipe, la plupart ne pensaient pas de façon différente. L’erreur, d’après moi, aura été de vouloir brusquer les événements lors de la trêve. Au lieu de poursuivre sur le même mode, les séances de préparation, en stage hivernal à la côte, furent beaucoup plus poussées. Mes coéquipiers durent supporter un plus lourd fardeau, tant sur les plans physique que mental. C’est là que l’effectif a commencé à perdre de sa superbe.

Cette saison, il n’en est pas allé autrement. La présence de Robert Waseige à la tête du groupe a dopé l’enthousiasme. Pour beaucoup, la campagne 2002-2003 devait être la bonne. Et une fois encore les joueurs ont croulé sous le poids des responsabilités. A présent qu’une victoire finale en championnat, ou même une accession européenne, ne sont plus qu’un doux rêve, je remarque un retour à la sérénité chez la plupart des joueurs. J’en conclus que les Standardmen supportent nettement mieux une pression négative, inhérente aux mal lotis, qu’une pression positive, qui est le lot de ceux qui briguent une grande consécration. Pour assumer cette dernière, il aurait peut-être fallu aussi un noyau plus fort. Pour certains postes, il n’y avait pas toujours de solution de rechange valable. A cet égard, les départs en cours de saison dernière de Vedran Runje et Daniel Van Buyten ont créé un vide qui n’a jamais été comblé. Si ces deux-là avaient encore fait partie de l’effectif cette année, jamais nous n’aurions été aussi malmenés. Détenir la lanterne rouge, comme ce fut le cas à un moment donné, c’est impensable quand on se nomme le Standard. It’s a shame. « Ici, tout se sait! »

Ce n’est pas la première fois, dans votre carrière, que vous déteniez une position peu enviable. Avec Anderlecht aussi, en 1998-99, vous aviez pris un départ catastrophique en championnat. Y a-t-il des similitudes entre ces deux cas?

Exception faite de la place occupée, la différence est énorme. Au Sporting, le véritable problème, à l’époque, c’était Arie Haan. Le coach hollandais n’avait manifestement pas foi en son groupe et celui-ci le lui rendait bien, tant cet homme paraissait avoir perdu le feu sacré. Après deux mois de travail en commun, tous les joueurs plaidaient chaudement en faveur d’un changement d’entraîneur et la nomination de Jean Dockx répondait aux aspirations de tous. Ici, il n’y avait pas de problème relationnel entre Robert Waseige et nous. Pour moi, un changement à ce niveau ne s’imposait pas, en tout cas. Contrairement à ce qui s’était passé à Anderlecht, où le linge sale a été lavé en famille, au Standard, tout a malheureusement été étalé sur la place publique, tant la saison passée que cette fois-ci. Ce n’est pas l’idéal. Des joueurs qui traînent quelques kilos superflus, il y en a aussi au Parc Astrid. Mais là-bas, vous n’entendrez jamais Roger Vanden Stock en faire un plat. Et des retards de paiement, j’en ai connu aussi au RSCA, en matière de cotisations pour la caisse de pension notamment. Mais rien n’a jamais filtré. A Sclessin, c’est différent. Lorsque les résultats ne répondent pas à l’attente, certains s’épanchent à tout propos dans la presse. Pourquoi s’émouvoir à propos du poids d’Eric Van Meir au moment du fléchissement de l’équipe, alors que le même joueur pesait exactement la même chose trois mois plus tôt, quand le Standard carburait à plein régime, je me le demande. Quand tout allait soi-disant bien, on aurait pu trouver, malgré tout, 50 raisons de se lamenter chez nous. Mais personne ne l’a fait. Dès lors, pourquoi ne pas respecter cette ligne de conduite en tous temps? S’il y a des problèmes, ils doivent être résolus de manière interne. Et pas par l’intermédiaire des journaux. Les responsables du club se plaignent parfois d’un manque d’unité ou de professionnalisme chez les joueurs. Mais donnent-ils toujours le bon exemple à ce propos? On peut se poser la question.

Les joueurs ont observé un long silenzio stampacette saison. Etiez-vous personnellement favorable à cette démarche?

Elle n’aura pas changé grand-chose pour moi, dans la mesure où mes rapports avec la presse liégeoise sont limités, en raison de la barrière de la langue. D’autre part, hormis le télétexte, je ne prends guère connaissance de l’actualité sportive dans les journaux. J’essaie de faire mon métier le mieux possible, mais dès que j’ai quitté le stade, j’ai d’autres centres d’intérêt que le football. De toute façon, quand la situation sportive laisse à désirer, je suis d’avis qu’il faut ameuter le moins de monde possible. Car on ne peut jamais être honnête à 100% dans ces conditions. De plus, en ressassant constamment les mêmes problèmes, on reste enfermé dans une même spirale négative.

Malgré un début de saison catastrophique, Anderlecht était parvenu à remonter la pente sous la houlette du duo Dockx-Vercauteren au point d’échouer en définitive de très peu dans la course au titre. Que peut espérer le Standard à présent?

Une chose est sûre: nous occupons actuellement une place qui ne reflète pas notre réelle valeur. L’équipe vient de prendre neuf points sur les 12 derniers mis en jeu. Si nous persévérons sur cette voie, les plus beaux espoirs nous seront toujours permis. J’ai cru comprendre que, pour Anderlecht, les 11 points de retard sur Bruges ne constituaient pas un handicap insurmontable. Dans cet ordre d’idées, les huit points qui nous séparent du Sporting ne sont pas la mer à boire non plus. Mais davantage qu’une fixation sur la position à atteindre, j’estime plus important de faire honneur au maillot et à ceux qui nous soutiennent contre vents et marées. Pendant mon indisponibilité de huit mois, j’ai eu à plusieurs reprises l’occasion de me mêler aux supporters. C’est dans ces moments-là que j’ai pleinement mesuré leur attachement pour leurs couleurs. Ils vivent le Standard à fond, 24 heures sur 24. Et je comprends qu’ils soient déçus si les joueurs ne témoignent pas d’un même engagement sur le terrain. »Le jeu en vaut-il la chandelle? »

Après la défaite au Lierse, ils se sont acharnés sur le car des joueurs. Et dernièrement, face à La Louvière, ils ont tourné le dos au terrain. Votre penalty raté aurait pu être lourd de conséquences si Moreira n’avait pas inscrit le but salvateur en fin de match.

C’est vrai que l’après-match aurait pu être beaucoup plus difficile. Avec le Standard, j’en suis à mon troisième club en Belgique après Anderlecht et Gand. Je suis donc bien placé pour dire que nulle part, les victoires n’ont plus de saveur qu’ici. Mais nulle part ailleurs aussi, les défaites ne sont plus lourdes à supporter qu’à Sclessin. C’est terrible. En revenant de Lierre, j’ai eu peur pour la première fois de ma vie. J’ai vraiment cru que je ne rentrerais pas indemne à la maison ce soir-là. Heureusement, la police a pris les devants. Après quoi, la direction du club a eu la bonne idée d’organiser une entrevue entre les joueurs et quelques-uns de leurs inconditionnels. La bombe a été désamorcée à ce moment. Il n’empêche que cet épisode m’a marqué. Certains collègues, qui évoluent dans mon pays natal et en Autriche, n’en croyaient d’ailleurs pas leurs oreilles. Pour eux, de telles scènes étaient possibles en Italie ou en Grèce, mais pas en Belgique. Moi-même, j’ai été désagréablement surpris. Si le football mène à de telles dérives, le jeu en vaut-il vraiment la chandelle? Je me pose parfois la question.

L’hiver passé, suite à ma fracture de la jambe, j’ai passé six semaines à Tromsö, la ville dont je suis originaire dans le Grand Nord de la Norvège. A ce moment-là, j’ai réalisé pour la première fois combien ma famille et mes véritables amis me manquaient. Et ma décision est prise: le Standard sera mon dernier club professionnel. Mon contrat expire le 30 juin 2004. Sitôt passée cette date, voire plus tôt si le Standard en décide autrement, je remets le cap sur mon pays. J’ai déménagé pas moins de 18 fois dans ma vie. J’en suis à un âge où j’aspire à la stabilité. Même si cela peut surprendre pour un footballeur de 28 ans.

Le Standard est-il au courant de votre décision?

En signant ici, j’avais prévenu que je ne ferais pas de vieux os dans le football. Mais je ne pense pas que les dirigeants m’avaient pris au sérieux. En lisant cette interview, ils mesureront donc que ce n’étaient pas des paroles en l’air (il rit).

Il y a un an, Luciano D’Onofrio avait tenté de vous aiguiller vers le Sporting Lisbonne. Si le Standard veut monnayer votre talent, tout porte à croire que son manager récidivera.

Je suis allergique au soleil et aux fleurs. Qu’irais-je faire au Portugal dans ces conditions? Si cela ne tient qu’à moi, je veux donner le meilleur de moi-même au cours du temps qu’il me reste au Standard afin, je l’espère, de pouvoir rentrer avec l’une ou l’autre distinction au pays: une victoire en championnat ou en Coupe de Belgique.

Que manque-t-il au Standard pour pouvoir y prétendre?

Un club qui nourrit certaines aspirations doit impérativement conserver ce qu’il a de meilleur tout en veillant à se renforcer chaque année. Ce jugement ne vaut pas seulement pour le Standard. Il est tout autant d’application pour d’autres mais seuls Bruges et Genk l’ont parfaitement compris. D’après certains commentaires, il faut s’attendre à une certaine activité chez nous lors du mercato d’hiver. C’est normal compte tenu des déboires que nous avons connus.

Une injection de sang neuf au sein de l’effectif s’impose-t-elle davantage qu’un nouvel entraîneur?

Les joueurs sont toujours responsables des résultats au premier degré. C’est donc là, en priorité, que des retouches s’imposent.

Ces dernières années, le Standard a changé d’entraîneur comme de chemise sans trouver la panacée. De quel type de coach le club a-t-il besoin?

Il y a tant de caractères différents dans le noyau que le meneur d’hommes parfait n’existe pas. A Anderlecht, j’en avais déjà eu un aperçu. Ici, c’est plus compliqué encore. Mais cette difficulté n’en rend le défi que plus exaltant. A choisir, Trond Sollied aurait d’ailleurs préféré aller au Standard qu’à Bruges. C’est dommage qu’il n’ait pas abouti à Sclessin, car je pense qu’un gars de sa trempe aurait été en mesure de remettre le Standard sur les bons rails. Même si son approche n’aurait peut-être pas plu à tous les éléments du noyau. Ceci dit, je connais pas mal d’entraîneurs en Norvège qui ramperaient pour pouvoir entraîner les Rouches. Bon, je ne dévoilerai pas leurs noms (il rit).

Si cette saison devait malgré tout tourner à la déconfiture, quelle leçon faudrait-il en tirer?

Tout d’abord, rien n’est encore perdu. Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. Et je me battrai jusqu’au bout pour faire mieux que l’an passé. Si cette saison se soldait malgré tout par un échec, il s’agirait de rebondir au plus tôt. Reculer est permis, selon moi, pour peu que l’on saute mieux par après. Personnellement, cette attitude aura été mon fil conducteur tout au long de ma carrière: après Tromsö, je suis passé en D2 à Skarp pour revenir par la grande porte dans mon club d’origine. Et après Anderlecht, j’ai eu l’occasion de retrouver mes sensations à Gand avant d’aboutir au Standard. La direction peut s’inspirer de mon exemple.

Bruno Govers

« En revenant de Lierre, j’ai eu peur pour la première fois de ma vie »

« Dommage que Sollied n’ait pas abouti à Sclessin »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire