Terminus Anderlecht

Bruno Govers

Le gaucher des Mauves se sent pousser des ailes. Le mèneront-elles sous peu à l’étranger?

En l’espace d’une semaine, Anderlecht a perdu deux des sept points d’avance qu’il comptabilisait sur le Club Brugeois, en raison de ses deux draws successifs contre Westerlo et le Lierse. Même si le nul brugeois contre Harelbeke arrange ses affaires, le Sporting bruxellois marquerait-il le pas?

Bart Goor : Disons plutôt qu’on ne marque pas de buts. A l’image de ce qui s’était passé au Kuipje, nous nous sommes une fois encore créé une kyrielle d’occasions, au Lisp, sans parvenir à les concrétiser. Même si l’écart s’est réduit, il n’y a toutefois pas lieu de paniquer. Je me range à l’avis de l’entraîneur : le véritable baromètre de l’état de forme d’une équipe sont ses chances de but. Et elles ne manquent pas chez nous. Nous devons simplement faire en sorte de mieux les traduire au marquoir. Comme la Belgique contre Saint-Marin.

Avec deux buts et six assists, vous êtes entré dans le Livre des Records ce jour-là?

Sur l’instant, je n’ai pas réalisé l’impact de ma performance. Avec le recul, je la mesure d’autant mieux. Elle ne sera pas égalée ou améliorée de sitôt. Un jour pareil, je ne le vivrai jamais plus. Alors, c’est vrai, je savoure mon plaisir.

Pourtant, vous n’étiez pas au mieux de votre forme ces derniers temps…

Mes tout derniers matches avec le Sporting ne m’avaient pas donné entière satisfaction. Non pas que j’étais passé tout à fait à côté de mon sujet. Mais j’estimais tout simplement ne pas avoir été suffisamment impliqué dans le jeu. Face à Saint-Marin en revanche, un nombre incalculable de ballons m’ont été adressés.

Avec un total provisoire de sept buts et autant d’assists, vous avez déjà égalé votre bilan final de la saison passée. Pourquoi êtes-vous plus déterminant encore cette année-ci par rapport aux précédentes?

Mon épanouissement a probablement coïncidé avec la titularisation de Didier Dheedene comme arrière gauche. Auparavant, j’étais fréquemment livré à moi-même sur mon flanc et j’y manquais parfois de points de repère. Depuis que le coach a troqué le 5-3-2 ou le 3-5-2 pour une double occupation des flancs au tout début de l’année dernière, je constate une progression évidente. Je me suis vraiment senti pousser des ailes depuis lors.

Il vous faudra composer sans Didier Dheedene, à Anderlecht, en 2001-2002. Pour autant, bien sûr, que vous soyez encore au Parc Astrid…

Adolescent, j’avais trois rêves : faire du football mon métier, devenir international, et jouer un jour hors frontières. Les deux premiers se sont réalisés et j’aimerais que le dernier se matérialise également, je l’avoue. Et pourquoi pas cette année encore?

Cette ambition n’est-elle pas étonnante dans le chef d’un joueur qui avait opté de rempiler jusqu’en 2005 voici moins d’un an?

Je suis très heureux au Sporting mais il y a des opportunités qui donnent parfois à réfléchir.

L’année passée, le FC Nantes s’était manifesté mais vous aviez préféré rester à Anderlecht. Si la même opportunité se représentait, réagiriez-vous encore d’une manière analogue?

Je ne pense pas. A l’époque, j’étais davantage obnubilé par l’Ajax, qui faisait montre d’intérêt plutôt que par le club français dont je ne savais trop que penser. Il me paraissait préférable de continuer ma carrière au Parc Astrid avec la perspective de participer à la Ligue des Champions. A présent, la situation est différente : j’ai goûté à cette compétition avec le Sporting en y réussissant au-delà des espérances et j’ai l’impression qu’il ne sera pas possible de faire mieux la saison prochaine. Dans ces conditions, pour peu que le club français, brillant dans son championnat cette saison, me témoigne de nouveau sa sollicitude, il est sûr que je lui prêterais, cette fois, une oreille très attentive.

Avez-vous été approché de manière concrète par l’un ou l’autre club ces derniers temps?

Oui. Par les Blackburn Rovers. Mais si l’élite anglaise recueille ma pleine adhésion, je ne m’imagine nullement dans un club de deuxième division où la plupart des ballons me passeraient par-dessus la tête. Je sais ce qu’endure Gilles De Bilde à Sheffield. Et je n’ai pas envie de vivre la même chose. En revanche, la Premier League ne serait nullement pour me déplaire. J’ai toujours la chair de poule, aujourd’hui, en songeant aux deux matches que j’ai livrés avec Anderlecht à Manchester et Leeds en Ligue des Champions, cette saison. Et je me dis qu’il doit être fabuleux de vivre pareille ambiance chaque semaine.

Vos qualités ne s’exprimeraient-elles pas mieux dans un championnat à dominante technique, comme dans le sud?

Je pense pouvoir m’adapter partout en Europe. A priori, c’est vrai que le football académique de l’Ajax ou de Nantes serait taillé sur mesure pour moi. Je présume d’ailleurs que c’est en raison de ce profil que ces clubs ont songé à moi par le passé. D’un autre côté, je ne rechigne jamais à la tâche sur une pelouse. Et ces qualités de battant doivent me permettre de tirer mon épingle du jeu aussi dans un environnement beaucoup plus physique. Je me rends compte que la première prise de contact, à Old Trafford, n’aura pas été un succès (il rit). Mais la deuxième, à Elland Road, fut déjà nettement meilleure. Je pourrais fort bien suivre le mouvement là-bas.

Avez-vous l’impression d’être arrivé au bout de votre apprentissage en Belgique?

A peu de choses près. Ma carrière a épousé une trajectoire ascendante : Geel d’abord, puis Genk et enfin Anderlecht avec qui j’ai obtenu l’essentiel, sauf un succès en Coupe de Belgique. A près de 28 ans, je me dis que j’ai peut-être davantage à perdre qu’à gagner en demeurant au Sporting. Et celui-ci aussi en ce sens qu’il pourrait vraisemblablement réaliser une bonne affaire financière en me vendant. Dans quelques mois, la conjoncture sera peut-être tout à fait différente. Si le club ne franchit pas le tour préliminaire de la Ligue des Champions, ses joueurs diminueront de valeur. Et cette perte irait également de pair, pour eux, avec un recul sur le plan sportif. Car ce n’est pas un hasard si beaucoup au Sporting ont effectué un énorme bond qualitatif, cette saison, grâce à cette compétition. A défaut d’y participer une nouvelle fois, leur progression s’en trouverait entravée. Or je suis à un âge où je veux encore me bonifier. Dès lors, si une offre alléchante se présentait au cours des semaines à venir, j’espère que le bon sens l’emportera.

Votre motivation personnelle n’est-elle pas dictée aussi par le fait que tout pourrait être à refaire pour vous, sur le flanc gauche du Sporting, la saison prochaine? Car Tomasz Radzinski aimerait imiter l’exemple de Didier Dheedene…

Par un concours de circonstances, toute l’aile gauche semble effectivement prisée. Mais il m’étonnerait quand même très fort que tout doive être reconsidéré de fond en comble dans ce secteur. Les dirigeants ne l’admettraient pas et je ne puis leur donner tort.

Didier Dheedene a signé un contrat lucratif à Munich 1860. Dans quelle mesure l’argent influe-t-il votre propre désir de partir?

Pour moi, l’aspect sportif primera toujours sur l’argent. Je ne pourrais m’accommoder d’un salaire mirobolant tout en n’ayant guère l’occasion de m’exprimer sur le terrain. J’ai autrefois été réserviste durant une certaine période, à Genk. Ce fut la période la plus horrible de ma carrière. Aussi, je préfère de loin jouer pour un montant honorable dans un club de très bon niveau que faire office de troisième garniture chez un ténor européen où je serais payé rubis sur l’ongle. Le jeu est ma richesse.

Didier Dheedene a quitté naguère le bureau de management SEM pour en rallier un autre, ISM, avec les conséquences heureuses que l’on sait. Vous-même avez imité son exemple récemment en rejoignant ce groupe alors que Fernand Goyvaerts avait géré vos intérêts jusque là. Ce changement est-il dicté par la même envie de forcer certaines portes à l’étranger?

Oui et non. Je sais gré à Fernand Goyvaerts d’avoir parfaitement géré mes intérêts pendant huit ans en Belgique. Anderlecht, c’est immanquablement le terminus ici. Je ne vois pas où

je pourrais encore trouver meilleur dans ce pays. Et à cet égard, j’ai préféré m’en remettre à d’autres personnes, qui ont prouvé la valeur de leur travail. Fernand Goyvaerts l’a parfaitement compris.

Face au Lierse, vous venez de disputer votre 43e rencontre depuis le début de la saison. Seules ces forces de la nature que sont Jan Koller et Yves Vanderhaeghe peuvent en dire de même. Votre apparence frêle cacherait-elle une grande solidité?

J’en ai bien l’impression. Aussi loin que je me souvienne, je n’ai jamais eu le moindre problème physique. Peut-être est-ce dû au fait que, dès mon plus jeune âge, je me suis solidarisé à des tas de disciplines sportives différentes : le football, le volley et même le jiu-jitsu. Après mes humanités, j’ai entamé un régendat en éducation physique, où je me suis attelé à d’autres activités encore. Au moment de faire carrière dans le monde du ballon rond, la plupart de mes muscles avaient pour été sollicités. C’est pourquoi, malgré un aspect très fin, je n’ai par exemple jamais eu de pépins en matière de pubalgie, un mal dont souffrent bon nombre de joueurs de constitution légère.

Quels sont les domaines où vous avez encore une marge de progression?

On me fait quelquefois remarquer que la qualité de ma dernière passe laisse singulièrement à désirer. Avec mes six assists contre Saint-Marin, je pense avoir prouvé que je suis sur la bonne voie. En réalité, mes centres du pied gauche trouvent souvent un destinataire. Mais avec le droit, il y a encore trop de déchets. Or, il m’arrive quand même, par moments, de devoir rebrousser chemin sur mon aile et, dans ce cas, je n’ai pas vraiment d’autre ressource que d’utiliser mon moins bon pied. J’y travaille et l’amélioration est sensible.

Avez-vous jamais marqué un plus beau but que ce lob, en un temps, contre Saint-Marin?

Il valait le détour, mais ce n’était peut-être pas le plus important cette saison. Celui-là, je l’ai probablement inscrit lors des ultimes péripéties de notre première rencontre à domicile face à Westerlo. Le 3-2 obtenu ce jour-là pourrait être lourd de conséquence lors du décompte final.

Que vous inspire le mano a mano face à Bruges?

Comme Aimé Anthuenis le soutient, la lutte sera chaude jusqu’au bout. D’autant plus qu’il nous reste l’un ou l’autre déplacements difficiles à négocier. Comme à La Gantoise, Lokeren et Bruges. Au train où vont les choses, ce match au Club pourrait bel et bien se révéler décisif en mai prochain.

Bruno Govers

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