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Tendance floue

Ça doit être ça, devenir Belge. Se lever un vendredi matin et prendre son GSM avant son café pour écouter Alexander De Croo, afin de savoir à quelle sauce on va être mangé, Brasil étant d’assez loin ma préférée. Paris étant aligné sur le même créneau que Bruxelles, celui du « tout sauf le reconfinement », je ne suis pas sorti surpris de ma chambre et au final, il n’y a guère eu que le nom de Jan Jambon pour nous apporter, à moi et mes douze ans d’âge mental, un peu de gaîté dans cette matinée. Le lendemain devait se poursuivre mon processus d’apprentissage du football belge, au cours d’une journée supposée chargée qui s’est finalement révélée légère. Car si le Premier Ministre a réclamé « une équipe solidaire de onze millions de Belges », certaines escouades de D1A, amputées par le Covid-19, ont dû déclarer forfait. De mon menu entrée-plat-dessert, il ne restera que le sucré, un OHL-Club Bruges, Eupen-Malines et Cercle Bruges-Mouscron ayant été reportés. Un sort funeste tout sauf belgo-belge, puisqu’outre le Charleroi -Waasland-Beveren de dimanche, lui aussi déplacé, Lens-Nantes en France, ou Sion-Servette en Suisse, ont connu le même sort. Des morceaux de journées déplacés qui sont difficilement assimilables à autre chose que les premiers dominos qui tombent d’un scénario que l’on a déjà vu, vécu et redouté. Le président de la Pro League, Peter Croonen, a beau tenter de rassurer au micro de la RTBF, en annonçant que « le but est vraiment de pouvoir continuer à jouer », il a tout de même admis que « la réalité Covid va nous poursuivre ». Une imprévisible réalité que vivent les clubs amateurs depuis la première vague, et qui menace aujourd’hui sérieusement le football belge et le football tout court.

Il y a, depuis l’apparition du virus dans nos vies, comme une impression que ce football qui allait toujours plus vite et plus fort a ralenti.

Je ne connais pas Nils Van Brantegem et pourtant, j’ai beaucoup d’empathie pour lui. N’étant moi-même pas assez organisé pour m’occuper de mon propre emploi du temps, je me demande comment le calendrier de notre cher championnat va être géré. Si, on l’a bien compris, l’objectif est d’éviter de décaler une journée complète, la tâche s’annonce aussi ardue que celle qui consiste à conserver une certaine équité sportive. Mais mes inquiétudes sont plus globales. La première est financière. Puisque les matches seront à nouveau joués à huis clos et ce pour au moins un mois, les portefeuilles des clubs commencent petit à petit à trembler. Déjà touchés par la fin prématurée du dernier exercice, les clubs n’auront ni recette de billetterie ni de buvette, alors même que les sponsors commencent à faire la gueule. D’autant plus que le dernier étage de la pyramide des gains des clubs professionnels, les droits télés, ne goûteraient que peu un arrêt momentané du championnat. Que se passera-t-il si le championnat est à l’arrêt? Que va-t-il se passer plus globalement? La tendance sportive est comme la tendance sociétale, extrêmement floue, mais pas dénuée d’un pessimisme qui tend vers la raison.

Ce qui m’amène à parler de ballon, la deuxième raison de mon inquiétude. « Pas de football sans supporters ». C’est ce que l’on peut voir placardé sur des banderoles dans des stades de Belgique et d’ailleurs qui sonnent creux. Pas de football tout court, depuis un moment, serais-je tenté de dire. Car quand beaucoup de footballeurs pros évoquent leurs capacités à donner le meilleur d’eux-mêmes dans un cadre qui rappelle celui d’un match amical, le constat est aujourd’hui le suivant: que ce soit lors de matches de Ligue des Champions, de Ligue Europa, de Premier League, de Liga ou de Pro League, assez rares ont été les fois où l’on s’est tapé le cul par terre devant la qualité d’un match. La faute à des préparations physiques tronquées, à la peur des blessures, la peur du virus, mais aussi au fameux flou qui entoure le football actuel. Il y a, depuis l’apparition du virus dans nos vies, comme une impression que ce football qui allait toujours plus vite et plus fort a ralenti. C’est une impression visuelle. C’est aussi une impression comptable, quand on voit des championnats plus serrés qu’à l’accoutumé – et ce n’est pas une mauvaise chose dans l’absolu, des cadors qui se font surprendre et les meilleurs joueurs du monde qui ne sont pas toujours aussi bons. Alors, pour tout un tas de raisons, qu’elles soient financières ou parce que le foot est ce fameux « opium du peuple », the show must go on. Mais qu’est-ce qu’il est difficile de l’apprécier quand on ne sait même pas de quoi le week-end prochain sera fait.

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