TEMPÊTE N°7

Chez les Zèbres, on a l’habitude de combattre les éléments mais on s’en sort toujours. Cette fois, on compte sur l’Ecossais Tommy Craig pour remettre le navire à flot.

Crises, idoles décapitées, moments de calme avant des tempêtes qui balayeraient les plus grands tankers du monde dans la Manche : depuis dix ans, c’est le lot de Charleroi qui trouve toujours le moyen de se sortir des mauvais grains. Cette instabilité chronique a joué des tours pendables au Sporting rayé, une des rares équipes de D1 n’ayant aucun trophée individuel ou collectif à son palmarès ! Il y a désormais aussi peu de public à Charleroi que dans les églises à la messe du dimanche matin. Et, comme le relevait un confrère, même saint Nicolas n’avait pas jugé bon pousser une petite pointe jusqu’au Mambourg.

Pourtant, un cadeau du ciel aurait été le bienvenu en ces temps de disette pour les Carolos afin de venir à bout de l’impeccable Simon Mignolet, le gardien de but des Limbourgeois. Samedi soir, les Hennuyers se sont forgé assez d’occasions de but pour remporter deux matches. Les Zèbres méritaient de clore leur série de neuf matches… Mais ce nul blanc annonce-t-il la fin de la famine ? On peut le penser car les problèmes actuels font penser à d’autres situations tendues vécues au cours de ces dix dernières années.

TEMPÊTE N°1 EN 1999-2000 Peruzovic est remplacé par Mommens puis Manu Ferrera

On ne le sait pas encore mais c’est la fin d’une époque. Jean-Paul Spaute cherche des investisseurs et déniche le milliardaire américain d’origine yougoslave Milan Mandaric. Ce dernier sort le portefeuille avant de se retirer car il ne comprend pas la politique de la Ville. Il investit alors ses billes à Portsmouth. Spaute démissionne. Le ton monte entre son successeur, Luc Frère, et quelques joueurs, dont Philippe Albert.

Dans des conditions difficiles, Luka Peruzovic construit une équipe. Il est défenestré en décembre 1999, après une défaite à domicile contre Alost. Les Zèbres comptent 17 points sur 48 et sont 12e. Raymond Mommens, son successeur, récolte 4 points sur 30. Charleroi est 16e quand il est démis en mars 2000, après une victoire à domicile contre Beveren. Manu Ferrera termine la saison : 10 points sur 24 et Charleroi hérite de la 16e place au classement final. La Ville annonce avec fracas qu’ Enzo Scifo jouera au Sporting en 2000 et qu’il en sera le président. Les Hennuyers sauvent leur peau en fin de saison contre Anderlecht, dans une ambiance de feu.

 » Je me souviens de cette saison folle « , dit Philippe Albert.  » J’étais revenu d’Angleterre pour boucler la boucle où tout avait commencé : à Charleroi. Je devais bien cela à Spaute et à Gaston Colson. Spaute était venu me chercher à Bouillon et ce fut la chance de ma vie, je ne l’oublierai jamais. A mon retour, j’ai découvert un club désemparé. Peruzovic a livré un gros travail, unissant des gars venant d’horizons différents. A un moment, Marjan Mrmic, un grand gardien de but, a eu des petits soucis : personne n’a pu l’aider ou le conseiller et il est parti. Peruzovic se retrouva sous tension. Un titulaire influent, qui se reconnaîtra, ne l’a pas soutenu car il rêvait de devenir joueur entraîneur. Charleroi lâcha Peruzovic. C’était une fameuse bourde car, si Luka était resté en place, les Zèbres n’auraient jamais vécu une fin de saison aussi stressante et chaotique. Blessé, j’ai pris du recul durant le second tour. En mai, je savais que ma carrière était terminée. Il y a eu l’épisode Mommens, l’arrivée de Ferrera, le sauvetage sur le fil, etc. Toute cette nervosité aurait pu être évitée.  »

TEMPÊTE N°2 EN 2000-2001 Ferrera est défenestré et Scifo devient entraîneur

C’est la saison de toutes les cicatrices. Abbas Bayat est président, ne cache pas ses ambitions, fait sans cesse référence au foot anglais, a des relations tendues avec ses confrères de la Ligue pro, etc. Ferrera perd le fil avec son président et est remercié en novembre 2000 après une défaite à Malines, 24 points sur 42 et une cinquième place au classement général. Il est remplacé par Scifo qui empoche 23 points sur 60 et la 9e place au classement final. A la fin de cette saison-là, Dante Brogno met fin à sa carrière en plein championnat pour devenir adjoint. Charleroi éprouve du mal à obtenir sa licence. La presse régionale entre en guerre contre Scifo et ne soutient pas sa gestion sportive.

 » La page est tournée et il ne sert à rien de retourner le couteau dans la plaie « , estime Brogno.  » La direction était jeune et a eu du mal à voir d’où venait le vent. La mise à l’écart de Ferrera ne s’imposait pas du tout car les résultats étaient excellents. Charleroi disputait une bonne saison. Ferrera a peut-être eu tort d’évoquer publiquement ses problèmes. Une erreur de jeunesse à une époque où Scifo a raccroché. Ferrera a dû plier bagage alors qu’il méritait un coup de chapeau. Le groupe s’est effiloché. Construire, c’est compliqué. C’est ce qu’Abbas Bayat a dû se dire… « 

TEMPÊTE N°3 EN 2002-2003 Delangre cède sa place à Notaro et Karama suivis de Brogno

Etienne Delangre est évacué après la 11e journée, et un nul contre St-Trond. Il a récolté 4 points sur 33 et est 18e. Mario Notaro et Khalid Karama dépannent pour un match. Le duo est suivi par Brogno : 23 points sur 60 (seulement 32 matches cette saison-là vu l’arrêt de Lommel, radié le 10 mai 2003). Classement final : 16e, devant le FC Malinois au bord de la faillite et dont les joueurs n’étaient pas payés.

 » L’effectif n’était pas taillé pour tenir facilement la route en D1 « , explique Delangre.  » Je me suis embarqué dans une aventure plus que périlleuse. C’était dur et il n’y avait pas de sous pour des renforts. J’ai été limogé le 5 novembre. A la trêve, Brogno a reçu cinq renforts, dont Bertrand Laquait et Adekamni Olufade principalement. Ils ont fait la différence mais Charleroi a aussi été sauvé par les problèmes de Lommel et de Malines. A partir de ce moment-là, Charleroi a de plus en plus recruté en France.  »

TEMPÊTE N°4 EN 2003-2004 Brogno est renvoyé au profit de Waseige, qui cédera la place à Mathijssen

Brogno est viré après la 8e journée (4 points sur 24, classement : 16e).

Robert Waseige tient jusqu’à la 31e journée (22 points sur 69, Classement : 17e) avant de céder le témoin à Jacky Mathijssen : 7 points sur 9. Classement final des Zèbres : 15e. Charleroi s’habitue aux caves de la D1. Mogi Bayat fait de plus en plus parler de lui et ses relations avec Waseige sont détestables. Charleroi s’en sort par la petite porte et a trouvé un merle blanc avec Mathijssen, débauché en cours de saison à Saint-Trond.

TEMPÊTE N°5 EN 2006-2007 Mathijssen est viré en fin de saison et remplacé par Vande Walle

Mathijssen a signé au Club Bruges et Abbas Bayat ne supporte pas cette décision. Le coach est saqué après la 30e journée (48 points sur 90, classement : 5e). Philipe Vande Walle signe un 12 sur 12, classement final : 5e. Au lieu de calmer le jeu, c’est la crise. Vande Walle dit tout de suite que ce poste ne cadre pas avec ses ambitions. Charleroi ne comprend pas le message.

Mauvaise perception qui se répercutera la saison suivante. L’ambiance est désormais électrique autour du club mais Charleroi reste en D1. Ce qui fait dire à Philippe Albert :  » On peut penser ce qu’on veut mais sans Abbas Bayat, qui a assaini les comptes du club, Charleroi ne figurerait plus en D1. « 

TEMPÊTE N°6 EN 2007-2008 Vande Walle cède le témoin à Siquet

Vande Walle démissionne après 14 matches (20 points sur 42, 10e). Thierry Siquet achève la saison : 26 points sur 60, classement final : 8e.  » Philippe avait annoncé la couleur : ce job n’était pas sa tasse de thé. Même si l’effectif était entré dans une phase plus délicate, l’outil était bon. J’étais son adjoint et je peux témoigner de la qualité de son travail. A la trêve, nous avons bien travaillé avant de livrer un deuxième tour intéressant.  »

TEMPÊTE N°7 EN 2009-2010 Demol s’en va, intérim Notaro-De Wolf-Mommens et arrivée de Craig

Sensation : Stéphane Demol quitte le navire après 12 matches, 13 points sur 36, classement : 13e. Tommy Craig prend la relève après un intérim de deux matches du trio Mario Notaro- Michel De WolfRaymond Mommens (deux défaites contre Gand et à Mouscron). Craig coache au Club Bruges (défaite) et contre Saint-Trond : 0-0, 15 points, 14e au classement). Charleroi a reculé au classement depuis le départ inexpliqué de Demol. Mais, calme et expérimenté, Craig a réorganisé son équipe :  » Je suis satisfait du comportement de mes joueurs. Ils ont certes raté beaucoup d’occasions de but. Mais j’ai noté des progrès significatifs.  »

Il a placé sa phalange en 4-4-2 et ce schéma semble convenir à cet effectif qui a bien préparé le match. Reste à éliminer un excès de précipitation dans le chef de la plupart des joueurs. Après neuf matchs sans succès, ils étaient animés par le désir de sortir du trou. Cette nouvelle envie a un peu brouillé les idées, la circulation du ballon, la précision dans le dernier geste et le désir de déjouer le piège du hors-jeu. Charleroi ne dispose pas d’une formation haut de gamme, loin de là, car trop d’éléments doivent être affinés ou n’ont jamais baigné dans la culture de la gagne. Mais cela ne devrait pas empêcher les Zèbres, placés sous le commandement d’un bon Adlane Guédioura contre Saint-Trond, de s’éloigner progressivement de la zone dangereuse.

par pierre bilic – photos: reporters/ gouverneur

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