TÉMOINS NON COUPABLES

Que peuvent faire les arbitres lorsqu’ils constatent des comportements racistes ?

Quel rôle peuvent jouer les arbitres dans la lutte contre le racisme ? Jean-Claude Jourquin, président de la CCA (Commission Centrale d’Arbitrage), n’est pas insensible au sujet.  » Mais plus on donne de la publicité à ce genre de choses, plus cela donne des idées à certains énergumènes « , estime-t-il.  » J’ai un peu l’impression que la campagne Ne faites pas le singe, qui a été lancée dans les stades, a eu le résultat inverse de celui recherché. Car, depuis le lancement de cette campagne, les manifestations racistes se sont multipliées. Cela dit, j’ai aussi l’impression que ces agissements dépassent le cadre du racisme. C’est davantage de la provocation d’un groupe de supporters envers un joueur adverse. Le fait que le joueur en question soit blanc, noir ou jaune de peau n’y change pas grand-chose, même si les Africains ou les Asiatiques constituent des cibles privilégiées. J’étais présent au match opposant le Germinal Beerschot à Westerlo, et un groupe de supporters anversois a pris à partie un joueur campinois, BerntEvens dont le seul tort n’était pas d’être noir ou jaune, mais d’avoir porté jadis le maillot de l’Antwerp. L’objectif est simplement de déstabiliser l’adversaire. Ces provocations sont-elles plus fréquentes aujourd’hui qu’autrefois ?

Personnellement, je ne le pense pas. Elles ont toujours existé, même si elles prenaient peut-être une autre forme, jadis. La différence, c’est qu’aujourd’hui, elles reçoivent plus d’écho dans les médias. Chaque match de D1 est filmé et le moindre incident est abondamment relaté. C’est le rôle des médias, mais est-ce une bonne chose ? C’est un autre débat « .

Roulers blanchi faute de preuves

Les directives données aux arbitres, lorsqu’ils constatent des comportements racistes, sont très claires.  » Elles ont été répétées aux arbitres après les incidents constatés récemment, mais il n’y a rien de nouveau. Ils doivent simplement suivre la procédure existante. KarimSaadouni l’a parfaitement suivie lorsque le joueur du FC Brussels EbouSillah a été victime du comportement raciste de certains spectateurs, lors d’un match à Roulers : il a demandé au speaker du stade de lancer un appel au calme, a interrompu temporairement le match, puis l’a repris. Il a mentionné l’incident dans son rapport, mais après, la sanction n’est plus de son ressort. La copie du rapport a été transmise au comité compétent, qui a statué « .

Le procureur de la fédération avait requis une lourde amende à l’encontre de Roulers, mais le comité sportif a blanchi le club flandrien, faute de preuves ! On croit rêver…

 » En fonction des lois du jeu, l’arbitre doit diriger la rencontre sur le plan technique « , poursuit Jourquin.  » Une intervention, telle que l’interruption d’un match pour un comportement raciste, n’est pas reprise dans les lois du jeu. C’est simplement une demande faite aux arbitres pour assurer la sécurité dans les stades. Il arrive aussi que les capitaines répondent à l’arbitre : – Ce n’est pas grave, on peut continuer le match ! A ma connaissance, jusqu’ici, on n’a jamais été jusqu’à l’interruption définitive d’un match de D1, en Belgique « .

Mais il arrive aussi l’inverse : un joueur qui signale à l’arbitre le comportement raciste d’un adversaire à son égard et l’arbitre qui décide de continuer le match, parce qu’il juge que l’incident n’est pas grave ou qu’il n’a tout simplement… pas compris ! Ce fut le cas, récemment, lors d’un match entre Zulte Waregem et Westerlo. PatrickOgunsoto s’est plaint d’un comportement raciste de StefaanLeleu à son égard, mais l’arbitre DidierDeBock n’aurait pas compris le terme anglais monkey (singe). Leleu nie avoir tenu de tels propos.  » Mais je connais suffisamment Ogunsoto pour être sûr qu’il ne se serait pas plaint s’il ne s’était rien passé « , rétorque l’entraîneur campinois Herman Helleputte.  » D’ailleurs, mon attaquant voulait quitter le terrain « .

 » C’est un autre cas « , précise Jourquin.  » Ce sont des paroles d’homme à homme. D’abord, il faut que l’arbitre les entende et les comprenne. S’il n’a rien entendu ou rien compris, il ne peut évidemment rien mentionner dans son rapport. Maintenant, s’il a effectivement entendu et compris des propos racistes, il est bien sûr de son devoir de les mentionner dans son rapport. Il peut aussi prendre des sanctions techniques, pour conduite antisportive, mais cela n’arrive que de façon tout à fait exceptionnelle. Dans le cas précis de ce match entre Zulte Waregem et Westerlo, je ne peux pas témoigner puisque je n’étais pas présent « .

 » Sarr a estimé que l’on pouvait continuer le match  »

Dernier cas en date : le comportement dont a été victime le joueur du Standard, Mohammed Sarr, au Germinal Beerschot (encore une fois, faut-il le souligner).  » Dans ce cas-là, l’arbitre a lancé un appel au calme, mais le joueur a estimé qu’on pouvait poursuivre le match et on n’a pas lancé toute la procédure « , explique Jourquin.  » D’éventuels incidents après le match ? Ce n’est pas l’arbitre qui les a constatés, mais les stewards. C’est encore différent. J’ai aussi l’impression que ce genre d’incidents a tendance à se répéter dans certains clubs bien précis. Il appartient aux dirigeants de ces clubs-là de prendre les dispositions nécessaires envers leurs supporters. Si j’en crois ce que j’ai lu dans la presse, les dirigeants du Germinal Beerschot sont conscients du problème et essaient de combattre le mal à la racine. Je crois que c’est le mieux à faire : il faut que chacun prenne ses responsabilités. C’est trop facile d’accuser les arbitres, car ce ne sont pas eux les coupables. Il faut, bien sûr, qu’ils interviennent lorsqu’ils constatent des faits répréhensibles, mais leur intervention ne résoudra pas le problème « .

DANIEL DEVOS

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