Tchèque barré

L’attaquant vedette des Dragons en D2 voit sa carrière se terminer en eau de boudin.

Ghlin, ce n’est pas Miami. Plusieurs stars de l’Albert résident dans cette commune proche de Mons, mais le cadre n’est pas vraiment enchanteur. Pas un problème quand on connaît chaque week-end les joies de la victoire et /ou d’un stade copieusement garni. Dans ces cas-là, on oublie facilement le décor dans lequel on est installé. Par contre, le risque de déprime pointe le bout du nez quand on sent que l’entraîneur a d’autres priorités.

Dans une petite rue, une rangée de maisons identiques. Les Golf aux couleurs de Mons, soigneusement parquées, indiquent que trois joueurs du club occupent trois demeures consécutives. L’une d’elle est habitée par Dieudonné Londo. Celle du milieu par Jean-Pierre La Placa. La troisième par Tomasz Herman. On devine que l’ambiance est à la fête chez le Gabonais et chez le Suisse. Par contre, l’atmosphère est plutôt morose entre les murs du Tchèque. Il y a quelques mois, c’était encore St-Tomasz. Aujourd’hui, il faut le voir sur le terrain pour croire qu’il existe encore. Son premier tour fut difficile. Il ne fut que très rarement dans l’équipe. On le sent triste. Et, à la limite, résigné. Plusieurs joueurs du Mons vice-champion, que l’on croyait trop courts pour l’élite, ont fait mentir les pronostics. En début de saison, qui connaissait Londo, La Placa, Gorniak ou Berquemanne? Il y avait un seul talent reconnu dans cette équipe. Un buteur. Tomasz Herman! Aujourd’hui, la star montoise des rectangles, c’est Cédric Roussel.

Tomasz Herman (33 ans) est arrivé chez nous en 1999. Il signa à Turnhout après avoir fait un joli parcours en D1 tchèque. C’est sa quatrième saison en Belgique, mais certainement la moins enthousiasmante. « Je pensais que j’allais jouer souvent cette année », lance-t-il immédiatement. « Je sortais d’un très bon championnat en D2 et d’un tour final très réussi. J’avais marqué 19 buts, je croyais que cela m’offrirait certaines garanties. Mais les problèmes physiques que j’ai connus en fin de saison dernière m’ont finalement coûté très cher. A trois semaines de la fin du championnat, on m’a enlevé l’appendicite. J’ai été retapé juste à temps pour jouer le tour final. Malheureusement, je me suis blessé au mollet lors du match décisif. Je me suis soigné pendant les vacances, mais je n’étais pas prêt pour la reprise des entraînements. Je n’ai pu donner ma pleine mesure qu’au cours de la dernière semaine de préparation. L’équipe s’est mise en place et a commencé à gagner: que pouvais-je encore espérer? »

« J’ai pris des risques pour faire monter Mons »

Marc Grosjean reconnaît que l’intervention des médecins fut bien nécessaire pour permettre à Herman d’être utilisable pendant le tour final. « On a un peu joué avec le feu », dit le coach. « On a vraiment fait ce qu’il fallait pour qu’il soit sur le terrain. On n’aurait pas pris les mêmes risques pour un simple match de championnat ».

Aujourd’hui, Herman estime qu’il est victime de la disponibilité manifestée à ce moment-là. « J’ai accepté de jouer en sachant que ce n’était sans doute pas recommandé. Je l’ai fait pour le club, pour la montée. Je n’avais que cinq jours d’entraînement dans les jambes quand le tour final a commencé, mais j’ai quand même joué tous les matches. Et j’ai marqué. On m’a fait pas mal de piqûres à l’époque. Et j’ai fini par m’occasionner une autre blessure. Ma disponibilité, je l’ai ensuite payée au prix fort. Il faut comprendre mon désarroi: je fais tout pour que Mons puisse monter en D1, puis je ne fais plus partie de la belle aventure. Je suis surtout triste de ne pas recevoir une chance de montrer ce que je vaux encore. Je dois me contenter de monter au jeu un petit quart d’heure de temps en temps. Ce n’est pas comme ça qu’on peut se mettre en évidence. J’ai pu jouer dès le coup d’envoi en Coupe contre Lokeren, parce que Roussel était blessé. J’ai fait un bon match et j’ai marqué. Alors que je n’avais plus disputé un match complet depuis plusieurs mois. Depuis cette qualification, plus rien ».

Herman est contraint d’assister en spectateur, semaine après semaine, aux prestations 18 carats de Roussel. « Je suis d’accord avec l’entraîneur quand il dit que nous avons le même style de jeu. Nous prenons beaucoup de ballons de la tête, nous savons le conserver en attendant la montée des médians, et nous sommes dangereux devant le but. Et je ne suis pas aveugle:je vois que Roussel tient la forme de sa vie. Mais qui peut dire avec certitude que nous ne pourrions pas jouer ensemble? Je me sens très bien, je travaille à l’entraînement comme si j’étais titulaire.Je sais ce qu’est le professionnalisme puisque le foot est mon métier depuis une quinzaine d’années. Je n’ai vraiment pas l’impression d’être trop limité pour la D1. Il faudrait toutefois qu’on m’offre des occasions de le prouver. En début de saison, quand Roussel cherchait ses marques, les supporters ont plusieurs fois réclamé ma montée au jeu. Au fil des semaines, j’ai constaté qu’ils pensaient de moins en moins à moi. éa fait mal parce que j’adore ce club ».

Lorsque Strombeek l’a appelé, il y quelques semaines, Tomasz Herman a réfléchi. « J’ai discuté avec Marc Grosjean et j’ai finalement décidé de rester à Mons. Le coach est, comme moi, convaincu que je peux tirer mon épingle du jeu en D1. Donc, je continuerai à attendre une chance. En trois ans, j’ai disputé trois fois le tour final de D2. Deux fois avec Turnhout, puis avec Mons. Aujourd’hui, je suis enfin en D1 et je n’ai pas voulu retourner à l’étage inférieur avec Strombeek ».

Le salut du Tchèque, sous contrat jusqu’en juin 2004, passera-t-il par le départ de Roussel, plus que probablement à la fin de cette saison? Le réserviste a un petit sourire et hausse les épaules: « Peut-être… »

« Huit déménagements, ça suffit »

Des expériences communes à Turnhout et à Mons ont fait de Tomasz Herman et de Pascal De Vreese deux grands amis. Aujourd’hui, le lutin est en rééducation alors que son compère traîne sa déception de ne pas pouvoir s’exprimer. Laquelle de ces deux situations est-elle la plus difficile à vivre?

« De Vreese est blessé mais, au moins, il sait qu’on compte vraiment sur lui à Mons », lance le Tchèque. « Je trouve que mon destin est encore moins drôle que le sien parce que je suis physiquement en ordre. De Vreese est entré dans l’équipe après le match catastrophique à Beveren, lors de la première journée. Il a saisi sa chance et n’a plus quitté le 11 de base jusqu’à sa blessure. Moi, je suis entré dans l’équipe contre Lokeren et je me suis bien débrouillé aussi, mais j’ai dû retourner sur le banc dès la semaine suivante. C’est tellement gai de travailler avec un entraîneur qui vous fait totalement confiance.Regardez Roussel: malgré ses prestations moyennes en début de championnat, il a pu rester sur la pelouse et il a fini par éclater. Il était conscient que le coach croyait toujours en lui et a continué à travailler comme un pro. Cela lui a permis de devenir le meilleur joueur de l’équipe ».

Si Herman a refusé l’offre de Strombeek, c’est aussi pour des raisons familiales. « A 33 ans, j’ai déjà déménagé huit fois. éa suffit! Moi, je supporte plus ou moins bien les changements de cadre de vie. Mais ma femme en a assez. Elle se plaît ici. Nous côtoyons des familles de militaires tchèques du SHAPE et nous nous sommes bien intégrés dans la région ».

De Turnhout aussi, Herman conserve de très bons souvenirs.  » Egoïstement, c’est la saison dernière, parmi les trois et demie que j’ai déjà passées en Belgique, qui m’a laissé les meilleurs souvenirs. Ce n’était pas la D1 comme aujourd’hui, mais au moins, j’étais sur la pelouse. A Turnhout, j’ai pu travailler avec trois monstres sacrés du football belge: Demol, Claesen et Pfaff. Nous avions une magnifique équipe qui serait à coup sûr montée en D1 et aurait pu s’y maintenir si le club n’avait pas connu de graves problèmes financiers. J’avais été séduit par la proposition de Turnhout. J’avais 30 ans et j’étais décidé à tenter une expérience à l’étranger. Turnhout m’offrait un plus beau salaire que les clubs de D1 dans mon pays. Je me suis directement intégré là-bas et j’ai marqué plus de 30 buts en deux ans ».

Herman venait de terminer à la deuxième place du championnat tchèque, avec Teplice, au moment où il signa à Turnhout. Il dut choisir entre une participation aux tours préliminaires de la Ligue des Champions et une expérience dans un club belge qui voyait très grand. L’appel du large fut le plus fort. Il imita ainsi quelques compatriotes prestigieux avec lesquels il avait joué dans son pays: Smicer, Berger, Sukoparek, Vlcek et Kuka!

Pierre Danvoye

« Les supporters me réclament de moins en moins: c’est dur »

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