Tchantchès Bosman

15 décembre 1995 : l’ancien joueur du FC Liège gagne son combat devant la Cour de justice des communautés européennes. Plus rien ne sera jamais comme avant…

Le journaliste du Sun, comme celui du Times un mois plus tôt, n’en revient pas. Jean-Marc Bosman (46 ans) est venu le chercher à la gare des Guillemins. L’interview se déroule dans la maison de ses parents, sur les hauteurs de Cointe ; cet endroit stratégique de la vie du plus célèbre des footballeurs liégeois qui, ado, pouvait apercevoir les lueurs du stade qui le faisait rêver : Sclessin.

Sa maman s’active dans la cuisine et prépare des pâtes pour ces reporters venus de loin :  » Ils doivent avoir faim « . L’envoyé spécial est touché par ces gens simples. Cela tranche par rapport aux stars internationales adulées, qui gagnent des montagnes d’or, se font désirer et laissent souvent sur le coin de la table l’addition des deux tasses de café bues durant l’interview. Le combat pour la liberté du joueur en fin de contrat constitue un immense pas en avant, un progrès, mais les épreuves subies face aux grandes instances du football ont marqué cet homme. Il fallait être un Tchantchès liégeois pour s’attaquer à des montagnes comme l’Union belge et l’UEFA.

Même si la victoire est au bout du chemin, il y a un prix à payer : solitude, dépression, alcoolisme. Ces soucis-là sont dans le rétro mais Bosman ne peut pas se contenter de l’aide du CPAS et cherche un travail pour améliorer le quotidien des siens. Pas facile car son passé de footballeur a martyrisé ses hanches et ses chevilles. Toutes les lettres de recommandation n’ont rien donné.

Le Liégeois songe souvent au monde qui se pressait autour de lui et de l’équipe d’avocats emmenée par Maître Luc Misson le 15 décembre 1995, à Luxembourg. Bosman et le procès du siècle, Bosman et la liberté, Bosman et la haine des clubs, Bosman et la célébrité…

 » Je n’étais pas habitué à tout cela « , dit-il.  » Pour moi, le foot, c’était le terrain. Rien que le terrain. Avec la liberté d’exercer son métier où et combien de temps un homme le désirait. On m’a parfois traité comme une bête rare ou un pestiféré mais j’ai osé, je me suis levé, j’ai dit non, moi, le petit Liégeois. Même si c’est dur 15 ans plus tard, et que je rêve d’un job comme tout le monde, je ne regrette rien. Mon combat a enrichi les autres. Je suis inquiet pour moi, pour mes enfants. Mais si c’était à refaire, je referais la même chose. Le soir, quand je prends l’air dans mon jardin, je réfléchis, je pense à l’une ou l’autre erreur. Mais je suis surtout très fier. Le statut du footballeur professionnel a changé. En plus de la libéralisation des transferts, mon arrêt permet aux clubs de recruter autant de joueurs de l’Union européenne qu’ils le souhaitent. C’est ma victoire et si quelqu’un osait la contester, en réduire les effets, je n’hésiterais pas à remonter sur les barricades. « 

Le journaliste du Sun écoute, note, apprécie.  » Vous reprendrez encore un peu de pâtes ? », demande Madame Bosman, toujours de bonne humeur et optimiste même quand son fils a le vague à l’âme. Est-ce que la maman de Wayne Rooney cuisine aussi bien ?

PAR PIERRE BILIC

 » On m’a parfois traité comme un pestiféré mais j’ai osé, je me suis levé. « 

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