Tattoo or not to be ?

Hier, quelle que soit la température ambiante, les maillots étaient majoritairement à manches longues. Nombre de footballeurs cultivaient même le tic de conduire leur ballon en enserrant du bout des doigts les bouts de leurs manches : comme si s’y agripper pouvait ajouter à leur style, ou stabiliser leurs dribbles… Ils imitaient Georgie Best. C’est beaucoup moins le cas aujourd’hui, vu que les manches courtes sont fashion, même en plein hiver pour certains. Ce qui entraîne un phénomène people dont il faut que je cause : sur nos écrans/télé révélant les avant-bras nus de nos idoles en pleine action, les tatouages en tous genres prolifèrent comme des métastases !

Raul Meireles, par exemple, me fiche la trouille. S’il surgit soudain en gros-plan, j’ai l’impression d’avoir zappé sans le vouloir, d’être passé d’un match de foot à un film d’horreur, et de me retrouver face à un mutant couvert de végétations qui lui débordent de partout : ça sort des manches, ça sort par le cou, ça n’arrête pas, ça va sortir du calebard et par les trous du nez, au secours, sortez-moi de ce cauchemar et rendez-moi mon foot ! Une autre fois, j’ai rêvé d’ Ezequiel Lavezzi : ses deux bras étaient en peau de serpent, il me courait après sur un terrain de foot rose, j’étais tout nu et je hurlais, il allait me rattraper vu qu’y avait pas photo entre sa pointe de vitesse et la mienne, sa grande langue fourchue me léchait déjà l’échine.

Je rigole, j’ai pas peur. Le tatouage est vieux comme le monde et, du moment qu’il n’est pas infligé par contrainte, que chacun décore son corps à loisir, s’il n’est pas satisfait de ce dont la nature l’a doté ! J’admets même qu’un joli petit tattoo bien planqué tout à coup découvert peut s’avérer émouvant… Mais de là à dire que les footballeurs tatoués m’émeuvent en exhibant plutôt qu’en camouflant, et que les imiter m’attire, y a marge ! Car se garnir la peau à ce point, ça doit faire mal à donf, pire que 90 minutes de semelles à répétition sur ma cheville en conduite de balle : très peu pour ma p’tite nature, même s’il faut souffrir pour être beau (ou moins laid) ! Maboul peut-être, maso pas question.

Certes, je peux m’abstenir de tatouage sur ma couenne à moi, et trouver ça beau sur la couenne des autres. Je pourrais même me réjouir de ce que nos stars du ballon soient aussi amateurs d’arts graphiques : pas au point d’acheter des tableaux (faut dire que ceux-ci coûtent… la peau des fesses !), mais en devenant eux-mêmes des peintures ambulantes tout en pratiquant l’art du dribble ! Mouais. Via Google ou la télé, les footballeurs me refilent rarement des éblouissements esthétiques quand ils me révèlent la déco cutanée de leurs avant-bras et du reste.

Ce n’est pas que les motifs soient moches, il en est même de joliment élaborés, mais c’est si surchargé ! C’est comme une addiction, un impératif : « Tattoo or not to be » ! La moindre surface libre est progressivement squattée, la croix de Jésus finit par côtoyer un prénom de gosse, un motif gore, une paire de nichons, un dragon, une maxime latine foireuse, une calligraphie asiatico-gothico-tribale, un p’tit c£ur évidemment fléché… Perso, ça me donne une impression dérangeante de bras en désordre : ces gars-là ont peur du vide alors qu’ils pratiquent un jeu où il faut chercher l’espace ; leurs tattoos sont un fourre-tout sans ligne directrice, alors que rien n’est plus beau qu’ avoir un fonds de jeu !

Où va le monde footeux, et faut-il craindre l’escalade ? Car pourquoi nos stars ne tripoteraient-elles pas demain autre chose que leur peau ? Imaginons que Meireles, épris de Body Art, s’enjolive demain en se mutilant : qu’il se fasse un troisième trou de nez, se coupe une oreille ou s’implante un unique roploplo,… le Board devra-t-il sévir ? ! Qui vivra verra. En fait, la beauté du tatouage, du vrai, celui forever, plus que le motif même, c’est ce concept d’irrévocabilité : tu changeras peut-être de femme, de club, de passion ou de religion, mais tu es persuadé que non et que c’est pour la vie, au moment où le dermographe se met à picoter ! C’est candide mais c’est attendrissant : plus désintéressé, plus courageux et plus idéaliste que quand, contraint par tes dirigeants, tu te fais seulement tatouer le nom d’un sponsor sur le col de chemise de ton costard. Je ne citerai pas de nom.

Raul Meireles me fiche la trouille.

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