Le défenseur belge a rassuré son club avec ses deux buts à Milan et semble avoir redoré son image allemande. Car là-bas aussi, il était critiqué.

Pour mieux entendre les acclamations du public, pour encourager celles-ci aussi, il a porté les mains à ses oreilles, après son second but égalisateur. Il a ensuite éclaté de rire, à une remarque manifestement enjouée de Youri Baskakov, l’arbitre russe de la rencontre. Daniel Van Buyten est contesté chez des Diables Rouges en perdition mais il a été le héros du Bayern au Giuseppe Meazza en quarts de finale de la Ligue des Champions contre le Milan. Peu avant minuit, à son entrée dans la salle de banquet du Grand Hôtel Brun, les VIP du Bayern se sont même levés pour acclamer leur champion.

Son nom a barré la une de tous les journaux Outre-Rhin. A deux reprises, le défenseur central a égalisé, chaque fois du pied gauche, avec un parfait sang-froid. Selon sa mauvaise habitude, le Bayern avait tardé à entrer dans le match.  » C’est trop lent, on dirait qu’ils effectuent un jogging dans les bois « , s’est exclamé Franz Beckenbauer, président du conseil d’administration, à la mi-temps. Il a fallu l’entrée au jeu de Christian Lell et de Claudio Pizarro, à la place de Willy Sagnol, touché au genou, et de Lukas Podolski, invisible, pour rendre de la consistance au Bayern. A la 78′, profitant d’une inattention des Milanais, Pizarro a servi Van Buyten, proche du but, de la tête. Dans les arrêts de jeu, notre compatriote a encore frappé.  » Je pensais bien que le coup franc d’ OwenHargreaves serait prolongé. Je me suis placé au second poteau. J’ai tiré sans réfléchir. Ces deux buts font du bien au Bayern comme à moi-même « .

Van Buyten a placé le Bayern dans une position idéale pour le match retour, à l’ Allianz Arena. Nul, en Allemagne, ne doute plus de la qualification du club, redoutable à domicile. Les deux buts de Van Buyten pourraient surtout délivrer le Bayern de la malédiction AC Milan et laver l’affront essuyé il y a un peu plus d’un an, quand il avait été rossé 1-4 en huitièmes de finale. A quatre reprises, le Bayern Munich a été éliminé par l’AC. Uli Hoeness, le manager du Bayern, estime à 60 % les chances de qualification. Il est plus prudent que les Allemands, qui sont plus de 80 % à avoir répondu par l’affirmative dans différents sondages en ligne.

 » Le plus grand joueur du Bayern (1,96 mètre) est le plus grand joueur du match « . Cette phrase était sur toutes les lèvres, de la Bavière au Schleswig-Holstein. Ottmar Hitzfeld, l’entraîneur du Bayern, est fier de l’éclosion de son poulain :  » Au-delà de la position dans laquelle il nous place, je suis très heureux pour lui car il était critiqué. Or, le voilà buteur. Comme au HSV, il inscrit des buts décisifs, grâce à sa technique et à son sang-froid « .

Comme à Hambourg. Le mot est jeté. Durant ses deux saisons au HSV, Daniel Van Buyten s’est épanoui, sportivement et humainement. Il est devenu un leader, un Führungsspieler. Son engagement, sa rage de vaincre et son assurance ont séduit. Sous sa direction, la défense du HSV était devenue une muraille. En 61 matches, le défenseur a inscrit sept buts. S’il sait jouer avec le public quand le moment s’y prête, il fait aussi preuve d’un sang-froid remarquable. Ainsi, au FC Cologne, en pleine bagarre, il a pris dans ses bras Alexander Laas, blessé au bras, pour le faire soigner. Van Buyten a rapidement été promu capitaine. Lorsqu’il a réalisé qu’il suscitait la jalousie de Sergej Barbarez, le monument du club, il a proposé à Thomas Doll, l’entraîneur, de rendre le brassard. Le coach a refusé. Le défenseur axial n’avait pas besoin de ce morceau de tissu pour s’exprimer en capitaine.  » Contrairement à d’autres, qui n’aspirent qu’à un transfert encore un peu plus lucratif à l’étranger, Van Buyten raffole de la Bundesliga, son nirvana personnel « .

Bizarre, la Belgique !

Roc de la défense, leader d’un club rival, il avait tout pour séduire le Bayern, tracassé par une défense vacillante et le départ de sa figure de proue, Michael Ballack. En 2001, des premières négociations n’avaient pas abouti, Van Buyten s’étant présenté dans le plâtre, pour une blessure insignifiante. Il n’avait pourtant pas renoncé à son rêve : se produire pour son club favori. S’il était la star d’une équipe bourrée d’ambition mais en cours de formation, au Bayern, il a découvert le club de tous les superlatifs, pisté par la presse à sensation. Le montant de son transfert, dix millions d’euros, l’a mis sous pression. Durant le stage estival, en remarquant qu’il fallait se lever vraiment tôt, il s’est attiré les foudres d’un journal local. Le Tarzan du Tegernsee – le lac au bord duquel avait lieu le stage – était devenu un  » millionnaire fainéant « .

Hoeness résumait sa situation en ces termes :  » Lorsqu’on effectue un transfert d’un million, on peut assumer un certain risque. Un footballeur qui en coûte dix doit réussir « . Felix Magath, alors entraîneur du Bayern, n’a pas mis de gants lors de sa première conférence de presse :  » Daniel est un agent double. Il doit assurer la stabilité de la défense et pallier le vide laissé par Ballack « . Le nouveau chef devait diriger Phillip Lahm, héros du Mondial, Lucio, champion du monde avec le Brésil, et Sagnol, finaliste malheureux du Mondial 2006. Et puis, il devait marquer.

 » En réclamant un chef, Magath a vexé Kahn et Sagnol, respectivement capitaine et vice capitaine, qui ont beaucoup d’influence « , relève Bernd Salamon, qui suit le Bayern au quotidien pour le Kicker.  » Daniel, lui, a rétorqué qu’il devait d’abord s’adapter à son nouveau club, comme Podolski. Sportivement, Daniel n’est absolument pas contesté mais son arrivée, comme parfois son comportement, ont provoqué quelques grincements de dents au sein du groupe, pas en-dehors. Il réalise une bonne première saison malgré tout. L’année prochaine, il devra être un leader. Il lui arrive de s’énerver. Il a été prié de se calmer. Daniel est un Einzelgänger, un homme qui suit sa propre voie. Il est un peu isolé au sein du groupe mais il est très poli, disponible, agréable « .

A l’instar d’Oliver Kahn mais sans l’autorité naturelle de ce monument, il s’est fâché, devant les lacunes récurrentes de l’équipe :  » J’essaie de la réveiller. On se tue à la tâche puis une mauvaise passe balaie tous nos efforts. Contre le Real, nous n’avons pas été suffisamment rapides pour pratiquer le hors-jeu. On l’a d’ailleurs vu à Milan aussi. C’est comme ça que nous avons encaissé le premier but. A ce niveau, de telles erreurs se paient cash « . Pourtant, vainqueur du groupe B, le Bayern n’a encaissé que trois buts lors de la première phase de la Ligue des Champions.

Van Buyten fait preuve d’une belle régularité. Il est un des éléments les plus sollicités du Bayern et ne commet pas de gaffes comme en équipe nationale, même s’il n’a plus des notes aussi brillantes qu’à Hambourg, victime sans doute du mauvais parcours du Bayern jusqu’au limogeage de Magath.

 » Il n’est ni mauvais ni brillant, il joue chaque match, il fait son boulot « , explique Salamon.  » Comme mes collègues, je suis très étonné qu’il soit contesté en Belgique. J’ai suivi Portugal- Belgique. C’est bizarre. Je compte me pencher sur ce problème bientôt. Ici, c’est Lucio qui a posé problème. Très têtu, il veut absolument monter, attaquer. Au premier tour, il n’était absolument pas en forme, en plus. Son jeu ne convenait pas à celui de Van Buyten. Du coup, la défense a commis des erreurs de placement. Hitzfeld a remis les choses à plat. Il a convoqué ses deux défenseurs centraux pour une analyse vidéo. Il a pointé du doigt leurs erreurs. Si Van Buyten semble commettre des bourdes techniques avec la Belgique, alors qu’il a un excellent bagage, ce n’est pas le cas au Bayern. Mais, comme Lucio montait, il se retrouvait en porte-à-faux. Hitzfeld a enjoint le Brésilien de rester davantage en arrière. Il ne doit monter qu’à bon escient. Van Buyten, lui, monte sur les phases arrêtées, pour utiliser sa taille. Il aimerait attaquer en cours de jeu aussi, comme au HSV, mais il est hors de question que les deux arrières filent en même temps. Depuis quatre ou cinq semaines, la défense est nettement plus stable, elle encaisse peu de buts « .

Van Buyten lui-même a souvent plaidé pour une meilleure communication avant l’arrivée salvatrice d’Hitzfeld :  » C’est une notion essentielle dans le football moderne. Nous avons très peu de temps. Parler, se comprendre permet d’économiser des forces « .

par pascale piérard

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