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Tapie et les Belges

Homme d’affaires, politicien, dirigeant sportif, chanteur, amuseur, manipulateur. Bernard Tapie, c’était tout cela à la fois. Il est décédé dimanche dernier, à 78 ans. Et il a souvent croisé le chemin des Belges.

On associe toujours Bernard Tapie à Marseille, suite à son implication dans les affaires de l’OM. En réalité, Tapie est un Parisien qui gagne d’abord sa vie comme chanteur dans les années 60, sous le nom de Bernard Tapy. Sur la pochette de ses disques, on peut lire qu’il s’adonne au sport automobile, mais ce n’est pas vraiment la vérité. En fait, à cette époque, il vend des voitures et plus tard, des téléviseurs. Sa première société est d’ailleurs un magasin de télés. Il se spécialise ensuite dans le rachat et la vente d’entreprises en difficulté.

Après un passage par la case cyclisme, Tapie se tourne vers le football dans les années 80. En 1986, il reprend l’Olympique de Marseille pour un franc symbolique à la demande de l’épouse du maire de la cité phocéenne. Le Club Bruges fait immédiatement connaissance avec le nouveau patron. Jean-Pierre Papin reste sur une brillante saison en Belgique et l’OM le veut. Tapie atterrit en jet privé à Ostende et déclare qu’il ne dispose que de trois heures pour négocier le transfert. Les deux émissaires du Club, Michel D’Hooghe et Michel Van Maele, en profitent. Van Maele fait semblant de ne pas comprendre le français. Les traductions ralentissent la discussion. Résultat, Tapie s’énerve et le prix grimpe.

Quelques mois plus tard, Tapie est l’invité d’honneur de… Sclessin. Le Standard affronte le Swarowski Tirol en Coupe d’Europe et l’homme d’affaires français se profile comme l’investisseur-repreneur des Rouches. Le stade est en fusion, les Liégeois dominent leur adversaire, mais ne convertissent pas leurs occasions. Le 3-2 est insuffisant. Pour la qualification comme pour Tapie. D’autres businessmen devront reprendre le club liégeois.

Deux ans plus tard, il découvre un autre produit wallon: Donnay. La marque, qui possède en Björn Borg un formidable porte-drapeau, impute ses problèmes financiers aux distributeurs étrangers, qui n’ont pas versé un dixième des royalties dus pour la vente des chaussures, sacs et vêtements. Un mois après la faillite en 1988, les curateurs choisissent un repreneur: Bernard Tapie, qui reprend 51% des actions. Il parvient à lier Andre Agassi à la marque. L’Américain oscille entre vêtements fluo, longs cheveux qui flottent au vent et contrat trop dispendieux: six millions de dollars pour cinq ans. Il s’adjuge Wimbledon en 1992 avec la Donnay Pro One. Tapie, lui, a déjà revendu ses actions à la Région wallonne.

Sous son égide, l’OM devient une grande puissance en France. En 1990, le club part à la recherche d’un entraîneur qui puisse lui permettre de jouer un rôle en Coupe d’Europe. Tapie parle avec Tomislav Ivic, son bras droit Jean-Pierre Bernès avec Raymond Goethals, mais Marseille enrôle finalement Franz Beckenbauer, le sélectionneur de l’Allemagne. Celui-ci échoue et six mois plus tard, Goethals, qui entraîne Bordeaux, débarque sur la Canebière. Une collaboration qui aboutit au succès… et à la tragédie.

L’OM croise à nouveau le chemin du Club Bruges, qui redécouvre l’arrogance du Parisien. Le banquet officiel donné à l’occasion du match européen s’apparente plus à un bal populaire, qui doit servir la campagne électorale du patron. À Bruges, Tapie quitte la loge en plein dîner pour suivre le match de Bordeaux à la télévision de la cantine, assis sur un bac de bière.

En 2001, Daniel van Buyten rejoint l’OM. Tapie le prend parfois à l’écart juste avant la présentation tactique des grands matches. Il lui dit: « Tu sais ce que j’ai fait, Daniel? J’ai invité des gens de Milan, de l’Inter, du Real. Ils viennent tous pour toi. Si tu veux te produire pour un de ces clubs, tu dois tout donner demain! » Un mois plus tard, il remet le couvert, en changeant le nom des clubs. Il s’agit alors de la Juventus ou de Barcelone. Parfois, il lui raconte: « Tu sais que j’ai obtenu des résultats grandioses en Ligue des Champions avec Carlos Mozer et Basile Boli, pour ne citer qu’eux? Et tu sais où nous avons gagné nos matches? Dans le tunnel, avant de monter sur le terrain. Quand tu es dans le tunnel et que tu vois un attaquant adverse, prends-le à la gorge. Menace-le: Eh, l’ami, n’essaie pas de m’avoir! Et en même temps, bam, tu lui donnes un coup de tête sur la poitrine. Dis-lui que tu vas lui casser les jambes s’il ose démarrer une action. Ne te fais pas de souci: personne ne le verra. Il n’y a ni micro ni caméra. »

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