Tape à l’oil ukrainien

Comment Kharkiv vit le début de l’EURO.

Des stades du 22e siècle, une fille de joie par hectomètre carré, une chasse aux peaux sombres, des routes d’un autre âge : c’est la carte postale d’Ukraine la plus souvent postée avant l’EURO. Bluff ou réalité ? Sur place, on voit qu’il y a du vrai, mais aussi de l’intox. Impressions depuis Kharkiv, deuxième plus grande ville du pays, à deux pas de la frontière russe et à quelques kilomètres de la geôle de Ioulia Timochenko – dont personne ne parle ici !

 » Des autoroutes ? Mon ami, on n’en a que trois pour toute l’Ukraine.  » L’homme qui nous remet une voiture à l’aéroport nous enlève quelques illusions.  » Tu devras aller à Donetsk ? Ça ne fait pas plus de 300 bornes mais compte cinq heures.  » On comprend vite. Dès qu’on quitte les grands axes, il faut slalomer entre les nids de poule, quand c’est asphalté.

Un journaliste de Kharkiv :  » A l’ouest de Kiev, tu peux avoir l’impression que tu es en Europe. De ce côté-ci, c’est encore l’URSS.  » Les Ukrainiens ont réussi où nous avons échoué en 2000 : aménager des stades ultra-modernes. Grâce à l’EURO, six clubs de D1 ont un nouveau bâtiment (les villes qui accueillent des matches, mais aussi Odessa et Dniepropetrovsk). C’est impressionnant mais si on se met en mode panoramique, oui, c’est encore l’URSS. Autour du Metalist Stadium de Kharkiv, on a les typiques buildings gris et ocre. Les pignons ont été recouverts de bâches gigantesques (à la gloire du FC Metalist et de l’UEFA) mais ça ne le fait pas. Et les beautés féminines tarifées en rue ? On ne voit rien. Par contre, les chiens errants… Les autorités ont mené une campagne d’empoisonnement mais des milliers des clébards sont passés à travers les mailles du filet.

Elton John et les Playmobil

Le matin du match d’ouverture, une télé ukrainienne diffuse un reportage sur le concert d’ EltonJohn à Kiev. Ce n’est pas innocent. L’Anglais est un porte-parole de la communauté homo, et quand il faut défendre les minorités, l’UEFA sait y faire. Dans le guide officiel, Michel Platini insiste sur la lutte contre toutes les discriminations. A Kharkiv, aucune trace de racisme, malgré ce qu’on a pu lire depuis quelques semaines. La ville recense 25 minorités, les Juifs sont bien présents, on trouve ici le plus grand temple bouddhiste d’Europe et aucune couleur de peau n’est regardée avec un air agressif.

L’UEFA a de nouveau joué la carte du mélange des races dans le recrutement des volontaires, ces Playmobil bleus placés dans le périmètre des stades. Dommage que les hôteliers ukrainiens (traités de bandits par Platini il y a quelques mois) ne jouent pas le jeu de l’ouverture. Les arnaques annoncées sont bien là : c’est souvent hors de prix pour ne pas avoir grand-chose et beaucoup de supporters étrangers ont été refroidis. Cela explique que deux jours avant Pays-Bas – Danemark, on trouve encore des billets en vente au stade.

Un reporter local nous dit :  » Tu comprends pourquoi trois équipes seulement ont choisi de séjourner chez nous ? Quand les délégations ont visité les camps de base potentiels, il restait beaucoup à faire alors que les Polonais étaient prêts.  » Et les chances ukrainiennes d’aller en quarts ?  » On reste sérieux. Fais la liste des clubs où jouent les internationaux français et anglais. Donetsk et Kiev, c’est quoi par rapport au Real, au Barça, aux Manchester, à Chelsea, à Milan ? On a l’EURO. C’est déjà ça de pris, on ne peut rien espérer d’autre. « 

PAR STÉPHANE VANDE VELDE, ENVOYÉ SPÉCIAL EN POLOGNE

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