« Tant qu’on marque… »

Le Costaricain marque moins qu’avant mais délivre plus d’assists : l’attaque gantoise est la deuxième de D1. Reste à régler des problèmes défensifs …

Un petit chien blanc talonne Bryan Ruiz (23 ans) lorsqu’il ouvre la porte de son appartement moderne, proche de Gand. L’animal n’a pas encore de nom car Jocelyn, la femme de Bryan, l’a reçu la veille, en cadeau d’anniversaire. La salle de séjour est sobre, meublée en noir et anthracite. Le coin de jeux de Mathyas, surnommé Mati, âgé de 13 mois, tranche par ses couleurs. Sur une table, deux cours de français. Bryan :  » Jocelyn et moi suivons des cours une fois par semaine et nous comptons doubler la fréquence…  »

Préparez-vous un transfert en France ?

Bryan Ruiz : Non, c’est par intérêt. Beaucoup de gens parlent français en Belgique et nous avons le temps de l’apprendre. Peut-être cette langue nous sera-t-elle utile plus tard… Avec Jocelyn, nous avons opté pour le français car c’est une langue qu’on parle dans le monde entier et elle est proche de l’espagnol.

Le Costa Rica ne vous a pas sélectionné pour le match de qualification pour le Mondial contre le Salvador, match remporté 3-1, parce qu’il est déjà assuré de la qualification pour le 4e tour… Etiez-vous content d’échapper à cette navette ?

J’aurais aimé faire partie de la sélection mais d’un autre côté, je n’ai pas raté l’anniversaire de Jocelyn… et Gand joue des matches importants ces temps-ci.

Vous manquez de régularité cette saison. Brillant, vous devenez soudain invisible. Est-ce dû aux nombreuses navettes entre la Belgique et le Costa Rica ?

En un mois et demi, je me suis produit trois fois pour le Costa Rica. Il y a un décalage horaire de huit heures et le voyage dure une journée environ. Cela a donc un impact. Je ne dirais pas que je suis fatigué mais je manque parfois de fraîcheur. En outre, nous voyageons en classe économique. Mais je m’arrange parfois avec le club pour payer le supplément en business class, ce qui me permet de dormir un peu.

 » Je dois m’habituer à Michel Preud’homme « 

Y a-t-il d’autres raisons à votre irrégularité ?

Je dois également m’habituer au nouvel entraîneur. La différence par rapport à l’année passée est énorme. J’ai d’autres tâches, qui m’empêchent de marquer autant. D’autre part, j’ai déjà délivré sept assists alors que je n’en avais réussi que cinq sur l’ensemble de la saison précédente. Je ne trouve pas que je joue mal mais comme je marque moins, les gens ont l’impression que je ne retrouve pas mon niveau. Je veux d’ailleurs inscrire plus de buts !

Vous devez aujourd’hui plus travailler pour l’équipe ; Preud’homme estimant qu’ainsi, vous allez devenir un footballeur plus complet.

En effet. J’ai davantage de travail défensif, ce qui me coûte de l’énergie pour monter et marquer. J’en ai discuté avec Michel et je suis entièrement d’accord quand il dit qu’ainsi, j’élargis mon registre. Quand je rejoindrai un autre club, je serai plus polyvalent.

Suite à la blessure de Zlatan Ljubijankic, Gand perd sa seule alternative à Dominic Foley au poste d’avant-centre. Que va-t-il se passer si Foley se blesse ?

Quelqu’un qui n’en a pas l’habitude devra assumer ce rôle. Michel sait que je n’aime pas cette position mais s’il le faut, j’y jouerais.

Preud’homme a modifié le système, passant du 4-4-2 au 4-2-3-1. Vous occupez un rôle central derrière Foley. Vous y sentez-vous bien ?

Oui. Quand j’évolue dans l’axe médian d’un 4-4-2, j’ai davantage de tâches défensives. Dans le système actuel, je suis couvert par deux éléments qui s’occupent de la récupération. Je peux me mouvoir plus librement et je suis plus en contact avec le ballon.

Début octobre, vous avez déclaré que vous vouliez partir et que le 4-3-3 de Sollied vous convenait mieux que le 4-4-2 de Preud’homme. Celui-ci a rétorqué :  » Je suis ici pour faire progresser Gand, pas pour augmenter le prix du transfert de Ruiz. Il doit jouer là où il est utile à l’équipe.  » Qu’en pensez-vous, avec le recul ?

Sa réaction est justifiée. L’équipe ne doit pas jouer à mon service, c’est le contraire. Mon système de jeu préféré, c’est une autre paire de manches. Un journaliste m’a placé devant ce choix : le 4-3-3 ou le 4-4-2 ? J’ai répondu le 4-3-3 et on a gonflé l’affaire. Je ne voulais pas dire que le 4-4-2 ne me plaisait pas. J’ai toujours été ouvert à l’égard de la presse mais les journalistes qui m’ont critiqué cette saison n’ont pas raison, selon moi. Je n’ai pas l’impression d’avoir disputé un seul mauvais match. J’ai toujours réussi des actions. Je dois évidemment accepter les critiques. Je ne joue d’ailleurs pas pour les journalistes mais pour moi, ma famille et mon club.

 » Je partirai en décembre ou en mai « 

Pourtant, la presse vous a aussi encensé. Après votre match à Tubize, un journal a titré :  » Que serait Gand sans Ruiz ? »

Je ne comprends pas. Un jour, on me critique et le lendemain, on écrit que l’équipe ne serait rien sans moi.

Gand peut-il se passer de vous ?

(il rit) Je l’ignore, je ne suis pas l’équipe. Sans elle, je ne suis rien mais je suppose que Gand se prépare à mon départ.

Sans doute. N’avez-vous pas déclaré vouloir évoluer dans une meilleure compétition dès janvier 2009 ?

Je n’ai pas formulé les choses ainsi mais si en décembre, je reçois une offre intéressante pour le club et moi-même, j’aimerais partir. Si je ne reçois rien, je resterai jusqu’au terme de la saison, en espérant taper dans l’£il d’autres formations au second tour.

Les deux Michels gantois, Louwagie et Preud’homme, affirment pourtant que vous resterez jusqu’à la fin de la saison.

Michel Louwagie m’a dit que je pouvais partir pendant la trêve hivernale si une belle opportunité se présentait… Ne me comprenez pas mal. Je suis heureux à Gand et je voudrais y rester jusqu’à la fin de la saison. Mais je suis footballeur professionnel, je nourris certaines ambitions et j’aspire à évoluer dans une meilleure équipe la saison prochaine.

Vous comprenez donc que Steven Defour et Axel Witsel veulent quitter le Standard ?

Je les comprends. En Belgique, on y réalise un apprentissage mais à un moment donné, on sent qu’on est capable d’évoluer à un niveau supérieur. Si Anderlecht, la meilleure équipe belge, se fait éliminer par BATE dans les tours préliminaires de la Ligue des Champions, c’est que le championnat belge a manifestement ses limites.

Ne craignez-vous pas qu’un de vos équipiers réagisse comme Mohamed Sarr, le défenseur sénégalais des Rouches, qui a dit que les deux médians avaient manqué de respect à l’équipe et aux supporters du Standard ?

Je veux simplement progresser. Le Standard a signé de brillantes prestations contre Liverpool et Everton mais son niveau est malgré tout inférieur à celui des compétions anglaise, espagnole ou italienne. Or, un footballeur aspire à jouer pour les meilleurs. Cela dit, ce n’est pas une raison pour le confier à la presse. Vous ne m’entendrez jamais affirmer que Gand ne peut plus rien m’apporter mais un joueur franchit différents caps. J’espère clôturer mon séjour ici par un titre.

Des clubs comme l’Olympiacos, Heerenveen et Naples, vous convoitaient l’été dernier mais Gand n’a pas voulu vous lâcher. Pour quel championnat nourrissez-vous une préférence ?

Le championnat français, néerlandais, russe ou italien constituerait une bonne transition. Ces championnats sont plus relevés que le belge mais pas aussi bons que l’espagnol ou l’anglais, que je considère comme le meilleur.

Louwagie exige un minimum de huit millions d’euros. Il y a deux ans, Anderlecht a versé trois millions et demi à Gand pour Mbark Boussoufa. Vous valez donc deux Boussoufa ?

Ce prix est excessif. Je n’ai pas signé de grandes performances dans un championnat plus coté comme l’espagnol ou l’anglais. En outre, je viens d’un petit pays, le Costa Rica. Ce serait sans doute différent si j’étais Brésilien ou Argentin. Ils produisent énormément de bons footballeurs mais qui connaît le Costa Rica ? Pour valoir huit ou dix millions, je dois pouvoir évoluer dans une équipe supérieure. Je veux dire que Gand n’a encore rien gagné avec moi. Si Everton était prêt à débourser vingt millions pour Marouane Fellaini, c’est évidemment partiellement parce qu’il a été champion avec le Standard et qu’il jouait en coupe d’Europe.

 » Je crois toujours au titre « 

Vous affirmez depuis le début de la saison viser le titre. Y croyez-vous toujours ?

Oui, mais désormais, je le garde pour moi. Nous ne sommes pas très éloignés de la première place. Ce sera évidemment très difficile. Le championnat est très serré. Beaucoup d’équipes se valent.

Nous avons perdu des points à cause de détails. Si nous continuons à travailler, nous pouvons aller loin, à condition de ne plus perdre à domicile contre Malines ni faire match nul contre Dender et Lokeren. Nous devons gagner tous nos matches à domicile. Il y a aussi ce match au Germinal Beerschot, où Silvio Proto marque de la tête le but égalisateur, dans la dernière minute, parce que personne ne le surveillait. Des détails.

Après votre match contre Zulte Waregem, Francky Dury a déclaré que selon lui, Gand était la meilleure équipe de Belgique. Il appréciait particulièrement votre entrejeu. Vous êtes médian, cela a dû vous faire plaisir ?

Les compliments d’un autre entraîneur sont agréables mais nous avons également une bonne défense et une attaque de qualité.

La défense n’est-elle pas perfectible ?

Elle n’a pas encaissé de buts trois matches de suite, contre Tubize, le Club Bruges et Zulte Waregem puis nous avons fait match nul 1-1 contre Dender et avons été battus 3-2 par Westerlo, par manque de concentration. L’ensemble de l’équipe doit travailler cet aspect, pas seulement la défense.

Comment s’y prend Preud’homme ?

Tout le groupe visionne la vidéo du match. Il nous explique ce qui était bon ou mauvais et comment éviter les fautes commises. Un professionnel doit assimiler ces enseignements et les transposer dans le match suivant.

Vous avez gagné en assurance. Vous imposez-vous davantage au sein de l’équipe ?

J’ai acquis de l’expérience. Je ne suis plus un bleu. Quand, gamin, vous débarquez dans une équipe, vous devez respecter la hiérarchie. Par exemple, pendant l’entraînement, vous devez aller chercher les bouteilles d’eau. On débute en bas de l’échelle et on gravit les échelons progressivement. Si j’y suis parvenu, c’est grâce à mes buts et à mon rôle pour l’équipe.

Etes-vous maintenant en haut de l’échelle ?

Je l’ignore ! Par contre, je sais qu’un profond respect m’unit à mes collègues.

Ne redoutez-vous pas d’afficher trop d’assurance, un jour ?

Si, car cela peut être fatal. Un exemple : je suis très bon en billard mais parfois, je rate les balles les plus faciles…

Pensez-vous être resté les pieds sur terre ?

Oui, grâce à mon éducation. Ma mère et mon grand-père m’ont appris à rester modeste. Je ne changerai pas.

Comment va votre grand-père ?

Il doit bientôt subir une opération cardiaque bénigne mais ça va. Il n’a encore jamais pris l’avion et il rêve toujours d’aller en Espagne, pour voir le stade Bernabeu…

Bryan RuizGonzalez est né le 18 août 1985 à San José (Costa Rica)

Surnom : la Belette

Attaquant, 1,85m, 78kg

Ses clubs : Formé au Deportivo San Felipe (1993-1997) et à Deportiva Alajuense (1997-2002), l’un des grands clubs du Costa Rica, il débute en équipe Première en 2002 (67m/25b) avant d’atterrir à La Gantoise durant l’été 2006 (60m/17b)

Palmarès : 3 x champion du Costa Rica (2002, 2003, 2005), Coupe des Champions Concacaf 2004, Coupe UNCAF 2006.

Appelé à 22 reprises (10 buts) en équipe nationale.

Par Steve Van Herpe

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