Tank-erlecht

18 sur 18, 22 buts marqués, 4 encaissés : Anderlecht ne lâche plus rien en championnat depuis plus d’un mois. Qui gagne ? Qui perd ? Explications.

Charleroi – Anderlecht, fin octobre : 2-0 et une presse qui se déchaîne. Le champion a été indigne, il boucle un mois catastrophique. Malaga, Zenit, Standard, Charleroi, ça fait quatre claques. Forcément, on tire la gueule. En tribune d’honneur, le trio Roger Vanden StockPhilippe CollinHerman Van Holsbeeck est blême, ça n’échappe pas aux réalisateurs TV qui intercalent à l’occasion l’un ou l’autre gros plan. Dans le vestiaire, l’ambiance est un peu plombée. Dans la foule, on parle de début de crise. Et dans le bureau de l’entraîneur aussi, ça bout. John van den Brom est dur en quittant Charleroi :  » On aurait encore pu jouer une heure, on n’aurait quand même pas marqué.  » A ce moment-là, Dieumerci Mbokani est suspendu, mais pour le Hollandais, ça n’explique pas tout.  » La direction sait qu’il nous manque des buteurs, il faudra agir en janvier.  »

Anderlecht n’est alors qu’un des quatre leaders de la D1, avec seulement 22 points sur 36. Comme Zulte Waregem, à peine mieux que Courtrai et Louvain. Mais un bon mois plus tard, il n’y a plus qu’un seul meneur et il crèche à Bruxelles. Tout a changé via un enchaînement de six victoires (souvent convaincantes) et des chiffres qui affolent (voir encadré). Samedi dernier, contre le Cercle, les Mauves n’avaient pas pris leur habit de lumière. Ils étaient en mode minimum syndical mais ont quitté le terrain avec trois nouveaux points.

Cette métamorphose a deux grandes explications : Anderlecht joue désormais chaque match dans le même concept, et l’équipe de départ ne bouge plus – sauf indisponibilité d’un incontournable. Tactiquement, la première moitié de saison des Mauves se décompose en trois étapes.

1. Un 4-3-3 lors du premier match, à Courtrai (voir illustration  » Le 4-3-3 foireux « ). Dans le milieu, un triangle sur sa pointe. Au final, un résultat décevant (1-1).

2. Un 4-4-2 qui est resté en place pendant un paquet de semaines ( » Le 4-4-2 hésitant « ). Avec du bon (des victoires nettes au Cercle et contre Lokeren, un succès sur le terrain de Zulte Waregem) et du moins bon (nul au Lierse, défaite au Standard).

3. Le 4-3-3 actuel, triangle sur sa base. La formule qui marche ( » Le 4-3-3 victorieux « .) Le fruit de recherches, de cogitations, de chipotages parfois. Dans le noyau, tout le monde ou presque a reçu sa chance depuis début août. Aujourd’hui, ce n’est plus qu’un groupe d’une bonne quinzaine d’hommes qui fait tourner le Sporting. Pour les autres gars du noyau, le train est passé. Ils ont eu quelques chances mais ne les ont pas prises. On a la méchante impression que Mister John les a classés.

Les gagnants

DENNIS PRAET.

 » Ce gars-là est fantastique. Il est resté trop longtemps sur le banc, il était la victime de notre système à deux attaquants.  » Signé Van den Brom. Le petit blond a tout : présence, élégance, efficacité. Gunther Jacob, le DT de Genk, a récemment dit sur la RTBF :  » Dennis Praet est parti de chez nous pour l’argent.  » Pour sûr : des pépettes, il en rapportera au Sporting quand il signera dans un gros championnat. Epargné jusqu’en octobre, Praet crève l’écran depuis lors. Il joue énormément, fait marquer, marque, est une plaque tournante. En championnat mais aussi contre des calibres comme le Zenit et Milan. Seul bémol : il commence à ressentir une fatigue physique qui s’explique.

GUILLAUME GILLET.

Peut-être que maintenant, il l’a définitivement compris : s’il doit faire une grande carrière, ce sera probablement au back droit, un poste qu’il a souvent occupé en faisant la tête dans le passé. Il serait stupide s’il visait encore une autre place sur le terrain. Van den Brom l’a utilisé plus haut dans le jeu en début de saison (comme médian offensif dans un 4-3-3 puis comme milieu droit dans un 4-4-2) et ça n’a pas toujours été concluant. Depuis la septième journée, Guillaume Gillet n’a plus décollé de la position de back. Là aussi, il a connu l’un ou l’autre soir sans – point d’orgue : la démonstration du Milanais Al Shaarawy au Parc Astrid -, mais quand on a l’occasion de faire partie, comme seul joueur du championnat belge, du grand projet de MarcWilmots, on s’accroche et on ne se pose pas de questions. Comme Praet, il souffre un peu depuis quelques semaines. Le week-end passé, Eidur Gudjohnsen a commencé comme avant de pointe. Mais comme il se faisait croquer par la vitesse et le marquage de CheikhouKouyaté, il s’est décalé vers le côté gauche, pensant probablement qu’il aurait moins de mal face à Gillet. C’est révélateur de la période un peu compliquée du Diable.

MASSIMO BRUNO.

 » Si la Juventus vient, c’est non « , a déclaré récemment son entourage, après la prolongation de son contrat. Il n’y a pas eu d’offre de la Juve mais c’est clair qu’on le connaît maintenant un peu en Europe, notamment du côté de Milan. On a découvert ce flanc droit déroutant quand il a été décisif en préliminaires de la Ligue des Champions. En championnat, il a dû attendre la septième journée pour vraiment entrer dans les plans du coach, mais il s’y est entre-temps bien installé. Massimo Bruno déborde, centre, dribble, fait marquer, tente sa chance au but, marque (4 fois déjà depuis qu’il est titulaire) et est toujours souriant. Il était encore à l’origine de l’égalisation contre le Cercle : il a expédié un obus que Bram Verbist n’a pu que boxer, le premier penalty a découlé de cette phase.

BRAM NUYTINCK.

Quand il a signé, le dernier jour du mois d’août, on a soupçonné un petit arrangement entre amis : Van den Brom a un pote et ex-adjoint aux Pays-Bas (Peter van Vossen) dont le frère est l’agent de ce défenseur, ça a fait un peu jaser. Roger Vanden Stock a parlé d’un  » cadeau au coach  » suite à la qualification pour les poules de la Ligue des Champions – Nuytinck serait le deuxième défenseur le plus cher de l’histoire du club après Nicolas Pareja. Il y a eu des commentaires parfois ironiques parce que le gars n’était pas connu chez nous. Titulaire à Nimègue, qu’est-ce que ça représente pour l’amateur de foot en Belgique ? Mais depuis qu’il est entré dans l’équipe (septième journée, au Lierse), ses stats sont parfaites : 100 % du temps de jeu possible. Le responsable de la disparition de Marcin Wasilewski, c’est lui. Et le meilleur duo de défenseurs centraux du championnat, c’est aussi lui qui le forme, avec Kouyaté. On commence même à le citer comme renfort pour l’équipe nationale hollandaise.

Les perdants

BEHRANG SAFARI.

Un perdant alors qu’il a joué quatre des six matches de la série victorieuse en cours ? Oui ! Parce qu’il sait maintenant qu’il ne peut plus être sur le terrain que si Olivier Deschacht a des soucis physiques. En début de saison, Behrang Safari était le numéro 1 attitré au back gauche et Deschacht jouait dans l’axe. Aujourd’hui, c’est la paire Kouyaté / Nuytinck au centre et Deschacht à gauche s’il est opérationnel, point à la ligne. Van den Brom dit pourquoi :  » J’attends d’un arrière latéral qu’il prenne plus d’initiatives, qu’il ait un apport offensif.  »

MARCIN WASILEWSKI.

C’est clair, son horizon est archi-bouché à Anderlecht. Ce week-end encore, il y avait dans une tribune un drapeau polonais avec son nom dessus. Mais sa seule présence s’arrête là. Il a eu sa chance en début de saison, il a joué intégralement six des sept premiers matches, toujours dans l’axe. Il a ensuite été la victime directe de l’arrivée de Nuytinck. Il n’a pas joué une seule minute lors des cinq derniers matches.

DENIS ODOI.

Pour lui, le monde a arrêté de tourner début septembre, après six journées. Autant de titularisations au back droit où il fut rarement convaincant. Lors des 12 matches suivants, Denis Odoi a joué moins d’un quart d’heure au total. Il paie pour le retour de Gillet à ce poste.

KANU.

Pendant le premier tour, on n’a pas compté le nombre de personnes qui s’interrogeaient sur la confiance que Kanu recevait de John van den Brom. Le début de saison s’est fait avec lui dans l’équipe de base. Il est resté jusqu’au non-match charnière à Charleroi. Après cela, il n’a plus jamais été titulaire, c’est Praet qui a pris sa place dans cette zone du terrain. On ne parle plus de la même chose ! Pour le match contre le Cercle, il n’était même plus sur la feuille.

TOM DE SUTTER.

Il a l’impression qu’on le maltraite, qu’on ne tient pas compte de son ratio minutes de jeu / buts et on ne peut pas lui donner tort. Quand il joue, il marque (régulièrement). Lors des six matches consécutifs s’étant achevés sur une victoire, il a été le meilleur réalisateur : cinq buts. En jouant 40 minutes en moyenne. Mais son seul salut passe par le 4-4-2. Dans le 4-3-3 de Van den Brom, la place en pointe est évidemment pour Mbokani. Prochain espoir pour De Sutter : l’absence du Congolais en janvier à cause de la CAN.

SACHA IAKOVENKO.

Il était le back-up désigné de Milan Jovanovic en début de saison. Son horizon aurait pu s’éclaircir quand Gillet a quitté définitivement la droite de l’entrejeu. Pas de chance pour Sacha Iakovenko : Massimo Bruno s’y est installé. Bruno flambe et Jovanovic est toujours indispensable (pour ses assists essentiellement). Donc, l’Ukrainien reste réserviste.

RONALD VARGAS.

Quand verra-t-on enfin avec les Mauves l’artiste du Club Bruges ? Ronald Vargas a disputé son premier match complet à Charleroi, puis il y a eu une nouvelle blessure. L’équipe actuelle est tellement performante qu’il devra encore patienter. Positif pour lui : son but décisif face au Cercle.

GUILLERMO MOLINS.

Même problème que Vargas : un match complet à Charleroi, puis une nouvelle traversée du désert. Guillermo Molins a enfin rejoué (un quart d’heure) contre le Cercle.

FERNANDO CANESIN.

Son sort semble réglé à Bruxelles. Une heure et demie de jeu fin août à Louvain, à peine 25 minutes entre-temps. Et lui n’a pas la circonstance atténuante de problèmes physiques. Il est si loin, le temps où Fernando Canesin avait ébloui pendant quelques semaines avec ArielJacobs.

ROLAND JUHASZ.

Encore une victime de l’affirmation du duo Kouyaté / Nuytinck. Une anecdote. Après le match contre Milan, un journaliste étranger (hongrois ?) interpelle Van den Brom :  » Vous pouvez me dire pourquoi Roland Juhasz n’était pas sur le terrain ?  » Réponse sèche du Hollandais :  » Parce qu’il n’est pas dans la liste pour les matches de Ligue des Champions.  » Au moment où le coach quitte la salle, ce journaliste le suit à la trace :  » Je peux vous poser deux ou trois questions en plus sur Juhasz.  » Van den Brom :  » Non !  » Juhasz a joué plus de 200 matches de D1 avec les Mauves. Bilan cette saison : un seul match complet et deux montées au jeu.

OSAMA HAWSAWI.

Et le meilleur pour la fin ! La terreur des bacs à sable a regagné son terroir après 76 minutes sur les pelouses belges. Au moment de reprendre l’avion, le Saoudien s’est confié au journal du club :  » Ne jugez pas mon niveau. Le système défensif mis en place par l’entraîneur demande aux défenseurs centraux d’être très rapides et de défendre très haut. Kouyaté le fait à merveille. Ce n’est pas mon style, ni celui de Juhasz d’ailleurs.  » Une imposture, on s’en doutait. Mais Monsieur l’agent gardera un bon souvenir du bref passage de ce joueur chez nous.

PAR PIERRE DANVOYE – PHOTOS : IMAGEGLOBE

Kanu recevait une confiance aveugle avant d’être remplacé par Praet : on ne parle plus de la même chose…

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