Surpris par lui-même !

Une saison de tous les diables pour un jeune de 22 ans, étudiant en sciences po de surcroît !

C’est ce qu’on appelle une belle patate : au référendum du Gardien de l’Année, Simon Mignolet (22 ans) a récolté plus de 200 points en plus que Silvio Proto. Et Stijn Stijnen est encore beaucoup plus loin. On ne parle même pas de Sinan Bolat ou de Glenn Verbauwhede.

C’est le beauf idéal pour son physique, son caractère, son niveau sportif et son parcours universitaire toujours en cours :  » Faire dans le glamour, c’est bien mais ça te revient au visage au premier coup dur.  » Le métier particulier de gardien vu par ce fils de militaire qui, petit, voulait lui aussi travailler à l’armée.  » Tous les gosses aiment quand même jouer à la guerre, non ? »

Son titre de Gardien de l’Année

Simon Mignolet :  » Je n’ai même pas voté pour moi ! J’ai donné mes points à Stijnen, Proto et Bojan Jorgacevic. Proto et Stijnen ont été fantastiques en Coupe d’Europe. Moi, c’est avec Saint-Trond que j’ai été bon, on ne parle pas de la même chose. Je trouve aussi que Verbauwhede a réussi un très bon championnat. Et il faut citer quelques matches européens de Bolat. Donc, je ne m’attendais pas à être dans les trois premiers. Et quand j’ai su que j’y étais, je ne me faisais pas d’illusions. Mon succès m’a énormément surpris.  »

Sa progression

 » J’ai l’impression d’avoir progressé en permanence depuis deux ans. Il y a eu mes débuts en D1 avec un Saint-Trond qui a finalement basculé, ensuite le titre en D2 avec un très bon rapport personnel, puis cette saison très réussie. Je me suis habitué progressivement, et chaque semaine, j’ai rempli mon bac de confiance ! Je ne me suis jamais senti abandonné. J’ai été moins bon dans quelques matches mais mes coéquipiers et les supporters m’ont toujours relancé. Maintenant, je dois encore plus affirmer ma personnalité. Guido Brepoels m’en parle souvent, il dit que je dois devenir un vrai leader : pas toujours facile à mon âge. J’ai commis l’une ou l’autre erreur dans ma relation avec mes coéquipiers. Après un match où nous n’avions pas été bons, je leur ai fait des reproches : je mets ma réaction sur le compte d’une erreur de jeunesse.  »

Son match référence

 » J’hésite entre Courtrai et Charleroi. Les deux fois, j’ai pris des points en arrêtant une douzaine de ballons chauds. J’avais par moments l’impression de jouer tout seul contre 11 types, tellement ça canardait. Et le penalty d’ AxelWitsel que j’arrête au Standard rend aussi cette soirée particulière. C’était le premier match du championnat mais déjà une phase clé pour notre saison. Si nous avions perdu en prenant trois ou quatre buts, tout le monde aurait trouvé que c’était normal. Au lieu de cela, nous avons prouvé que nous n’étions pas si petits. Pour mon mental et la suite des opérations, je ne pouvais rêver mieux. J’ai directement forcé le respect dans le groupe et vite accumulé un peu de crédit. Quand tu fais une erreur après plusieurs matches ternes, on risque de ne pas te rater. Mais si tu fais ta floche après quelques semaines de grâce, on te pardonne et tu repars tranquillement.  »

Ses points faibles

 » Mes sorties sur les ballons hauts sont à améliorer. Mais je me suis déjà bonifié cette saison vu la taille moyenne limitée de mes défenseurs, je devais souvent quitter mon petit rectangle et aller à la rencontre des centres hauts. On a bien vu dans le dernier match des play-offs, à Anderlecht, que j’avais fait des progrès : contre les énormes formats mauves, je me suis très bien débrouillé. Je dois aussi apprendre à mieux gérer le jeu au pied, à faire circuler le ballon plus vite. Et il faut que j’augmente ma vitesse de course d’un piquet à l’autre. Je me donne encore cinq ans pour parvenir au top. L’entraîneur des gardiens de Saint-Trond dit que j’ai assez de potentiel pour arriver au niveau d’ Edwinvan der Sar : du calme !  »

Son absence dans la première sélection de Leekens

 » C’est un choix logique. Je n’ai que 22 ans. Lors de mes rendez-vous avec les Espoirs, j’ai mieux compris le fossé entre un team de jeunes et une équipe A. Quand nous avons joué contre la France par exemple, j’ai retrouvé en face de moi des valeurs sûres de la Ligue 1. Dans des moments pareils, on comprend mieux qu’il reste beaucoup de chemin. Je serais fou de crier que je mérite de rejoindre les Diables dès maintenant. « 

Sa relation avec les autres gardiens

 » Proto a été le premier à me féliciter après la remise du trophée de Gardien de l’Année. J’ai aussi reçu très vite un message de Stijnen. Nous avons les mêmes racines limbourgeoises. J’ai du mal à m’expliquer le comportement qu’il a parfois parce que c’est un gars en or. Il a le c£ur sur la main. Avec lui, c’est blanc ou noir, il n’y a pas de couleur intermédiaire. Et quand il a l’impression qu’on lui fait un enfant dans le dos, il réagit durement. « 

Sa double vie

 » J’habite chez mes parents, à quatre minutes du stade. Dès que je passerai dans un autre club, il faudra que je me prenne en charge à tous points de vue. Si je m’en vais à l’étranger, il y aura aussi le problème de ma copine qui est toujours aux études. Je réfléchis à tout cela mais l’aspect familial ne doit pas être un frein à ma progression. On n’est plus au temps de Jan Ceulemans qui refusait d’aller jouer à Milan sous prétexte qu’il aimait trop son environnement belge. De toute façon, un millier de kilomètres aujourd’hui, c’est l’équivalent de 200 bornes dans les années 80. Je ne pourrai pas non plus trop me préoccuper de mes études au moment de choisir un nouveau club. Je suis en troisième année de sciences politiques, ça marche bien mais je suis footballeur avant tout. Quand j’étais en première année à l’université, j’étais seulement le troisième gardien de Saint-Trond et c’était facile d’étudier. Aujourd’hui, je ne peux plus me concentrer sur les bouquins. Le foot accapare 95 % de mon énergie, ensuite il y a ma vie sociale, puis seulement l’université. Il y a deux ans, je n’aurais jamais osé rêver de ce que je vis aujourd’hui : donc, je continue, je fonce sans me retourner.  »

Son analyse du miracle canari

 » Notre vestiaire est exceptionnel : 20 gars qui pensent tous dans la même direction. Saint-Trond est le club qui a envoyé le plus de joueurs au Gala du Footballeur Pro… Certaines équipes n’avaient personne, les autres n’avaient envoyé que deux ou trois footballeurs. Chez nous, on a organisé un car et nous sommes tous partis dans la bonne humeur. Je n’ai ressenti aucune jalousie. J’étais sous les spots, mes coéquipiers trouvaient super pour moi que je sois une des stars de la soirée. Sur le terrain, il y a ce collectif en plus de quelques pions qui ont souvent fait la différence : Vincent Euvrard, Cephas Chimedza, Ibrahima Sidibe. Un crack dans chaque ligne. On peut y ajouter Peter Delorge qui a connu une nouvelle vie comme capitaine, Jonathan Wilmet. Et d’autres encore. Notre classement final est logique, on ne peut pas viser beaucoup plus haut quand on s’autorise huit défaites consécutives… Et notre noyau n’a pas manqué de profondeur pour faire encore mieux. S’il y avait eu plus de concurrence, nous n’aurions pas eu la même ambiance. Parce que les footballeurs mécontents de leur temps de jeu aident rarement à mettre une bonne atmosphère !  »

Ses matches coupe-gorge contre Genk

 » Lors de la dernière journée, pendant notre match à Anderlecht, nous étions informés des autres scores. Après une demi-heure, nous avions compris que nous allions jouer des barrages contre Genk pour la dernière place en Coupe d’Europe. Notre saison allait s’allonger mais c’est plus facile de se remotiver contre Genk le voisin, l’ennemi de la région. Ces matches-là déclenchent toujours un enthousiasme énorme et le public se déplace. « 

Ses prévisions pour Saint-Trond

 » L’avenir immédiat du club dépend des mouvements de cet été. Il faudra retenir les leçons des bonnes années avec Jacky Mathijssen. Et ne plus refaire les mêmes erreurs. On avait laissé partir d’un coup une bonne partie de l’ossature : Gunter Verjans, Bram Vangeel, Wouter Vrancken, Désiré Mbonabucya. On a vu ce que ça a donné : la régression s’est terminée par une chute en D2. Aujourd’hui, Saint-Trond doit absolument se protéger. Et se renforcer s’il y a plusieurs départs. Ce sera important aussi de rester calme à tous les étages quand il y aura des périodes moins fastes. Comme quand, cette saison, personne n’a paniqué quand nous avons perdu huit matches d’affilée. La pression était forte mais le président et l’entraîneur l’ont toujours éloignée des joueurs.  »

par pierre danvoye – photos: belga

Le foot accapare 95 % de mon énergie, ensuite il y a ma vie sociale, puis seulement l’université.

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