Bruno Govers

Un voyage à travers l’un des folklores les plus amusants du monde du football.

Qu’est-ce qui différencie la Tunisie des deux autres nations que la Belgique est appelée à rencontrer lors de la Coupe du Monde 2002? Contrairement au Japon et à la Russie, l’équipe nationale de ce pays a, tout bonnement, un surnom: les Aigles de Carthage. Une double allusion à l’oiseau de proie, symbole national, de même qu’à l’ancienne ville de l’Antiquité, située dans la grande banlieue de la capitale actuelle, Tunis, et lieu de résidence du Chef d’Etat Zine El-Abidine Ben Ali.

Le plus petit représentant du Maghreb n’est pas le seul, en Afrique, à avoir fait du rapace précité son symbole. Le Nigeria a été affublé tour à tour du sobriquet de Green Eagles (les Aigles Verts) avant de changer cette appellation en Super Eagles après ses exploits lors de la World Cup 94. A la même époque, les meilleurs jeunes du pays ont été baptisés Eaglets (les Aiglons), tandis que la formation féminine, performante à souhait elle aussi, est connue depuis pas mal d’années sous la dénomination de Super Falcons (les Super Faucons).

Les Aigles sont également, sur le continent noir, la référence d’une autre nation qui se retrouvera projetée sous les feux de l’actualité en janvier et février prochains: le Mali, organisateur de la 23e édition de la Coupe d’Afrique des Nations. Les Aiglons sont aussi d’application pour désigner la sélection représentative du Togo.

La plupart des autres équipes nationales africaines sont associées à des noms d’animaux. A tout Seigneur tout honneur, le roi Lion a la cote dans plusieurs pays. Il en va ainsi au Sénégal ( les Lions), au Maroc ( les Lions de l’Atlas), au Cameroun ( les Lions Indomptables), de même qu’en Sierra Leone ( theLeone Stars) dont le nom signifie, à l’origine la Sierra du Lion.

Deux autres pays africains sont liés, eux aussi, au monde des félins: l’Angola, dont les joueurs sont appelés les Panthères Noires et le Congo-Kinshasa avec ses Léopards. Les animaux de la brousse sont à l’honneur ailleurs: les Eléphants en Côte d’Ivoire et les Zèbres au Botswana. Leurs cousins, les Etalons, qualifient les footballeurs du Burkina Faso.

Le monde des bêtes a servi d’inspiration également à l’Algérie avec lesFennecs (renards du désert) ainsi qu’à la Namibie dont les représentants sont appelés les Rats du Désert. En Gambie, l’équipe nationale est connue sous son sobriquet de Scorpions tandis qu’au Mozambique, le onze représentatif est appelé les Mambas (variété de serpents).

D’autres pays se sont détachés de la faune pour qualifier leur équipe nationale. C’est le cas, en Egypte, avec les Pharaons, du Zimbabwe avec ses Guerriers (Warriors) et de l’Afrique du Sud avec ses Bafana Bafana, une expression qui, en langue bantoue, signifie « nos gars ».

Le mot stars (étoiles), de son côté, se retrouve dans le surnom de trois pays: les Black Stars (Ghana), les Harambee Stars (Kenya) et les Taifa Stars (Tanzanie). Quant au Congo-Brazzaville, ses joueurs sont appelés les Diables Rouges.

Les Diables Rouges

Ce qualificatif offre, bien évidemment, des consonances familières pour nous, Belges puisque l’équipe nationale répond à cette appellation elle aussi. C’est Pierre Walckiers, éditeur-responsable de La Vie Sportive, organe officiel de l’Union Belge des Sociétés de Sports Athlétiques (ancêtre de l’URBSFA actuelle) qui fut à l’origine de ce surnom. Appelé à commenter l’exploit de l’équipe belge qui, le 29 avril 1906, avait atomisé la Hollande par 5 buts à 0, dans les installations du Beerschot, il avait écrit dans l’édition du 1er mai 1906 les lignes suivantes: « Cinq goals à zéro, tel est le résultat brutal de cette rencontre désormais célèbre. L’équipe belge nous a montré ce dont elle était capable, car c’est en grande équipe qu’elle a gagné cette belle partie. Les Hollandais partaient grands favoris. Il n’en fallait pas plus pour donner un courage nouveau aux « petits diables rouges ». Près d’un siècle plus tard, la métaphore est donc toujours d’application.

Outre le Congo-Brazzaville et la Belgique, plusieurs équipes de clubs ont également adopté le qualificatif de Diables Rouges. C’est notamment le cas des Red Devils de Manchester United et des Roten Teufel du FC Kaiserslautern.

A l’échelon des sélections, bon nombre de surnoms font référence à la couleur des maillots. Il en va ainsi, entre autres, pour les Orange (l’équipe nationale des Pays-Bas), les Azzurri ou encore la Squadra Azzurra (Italie), les Auriverde (le vert et or du Brésil), les Bleus (Equipe de France, appelée aussi les Tricolores), la Celeste (la formation représentative de l’Uruguay) ou encore les Albirojas du Paraguay.

D’autres nations font tout simplement référence à l’histoire, sous quelque forme que ce soit. Les Mexicains sont, de la sorte, les Aztèques, tandis que la sélection de Jamaïque est connue sous le nom de Reggae Boyz. Le Danemark, pour sa part, doit son sobriquet Danish Dynamite à un air entonné sur l’air des lampions par ses supporters lors de la Coupe du Monde 1986: -We are red, we are white, we are Danish Dynamite.

Raymond-la-Science

Des équipes nationales à leur sélectionneur, il n’y a qu’un pas. Le coach des Champions du Monde et d’Europe, Roger Lemerre, a été baptisé l’Adjudant-chef. Il en va là, tout simplement, du grade qu’il occupait lorsqu’il dirigeait le fameux bataillon de Joinville, en France. Son prédécesseur, Aimé Jacquet, est passé à la postérité comme Mémé, le diminutif de son prénom.

Parmi les autres sélectionneurs des Coqs (encore un autre surnom de l’Equipe de France), on citera Platoche ( Michel Platini) ou encore Robinet d’eau tiède ( Michel Hidalgo), un homme dont le discours était toujours lénifiant. Signalons encore que Philippe Troussier, l’entraîneur du Japon, est surnommé le Sorcier blanc.

Rayon belge, le coach national le plus célèbre est Raymond Goethals qui présente la particularité d’avoir accumulé les sobriquets. Pour avoir réussi la gageure de qualifier la Belgique en phase finale de la Coupe du Monde 70, seize ans après sa dernière apparition à ce niveau, le Bruxellois fut d’abord surnommé Raimundo. Par la suite, durant sa période marseillaise notamment, il se sera singularisé sous l’appellation de Raymond-la-science. Entre les deux, il aura eu droit aussi à un autre qualificatif: le Sorcier.

Dans la même sphère, les Diables Rouges ont un Mage, à présent, en la personne de Robert Waseige. Sur les tablettes de la notoriété, Bob the coach (encore un surnom) aura toutefois été devancé par un personnage incontournable dans le monde du football: il Mago (Helenio Herrera), l’inventeur du fameux catenaccio italien.

En remontant dans le temps, chez les Diables Rouges, on relève encore d’autres surnoms: Mac-the-Knife ou Long couteau pour Georges Leekens, héritage d’un passé de joueur où il ne faisait pas vraiment dans la dentelle. Wilfried Van Moer était surnommé Kitchi. Un sobriquet qui lui fut donné à son époque de gloire, au Standard, par son coéquipier magyar Antal Nagy. Car, en hongrois, kitchi signifie « petit ». Ce qui était évidemment d’application à un stratège qui accusait moins d’un mètre septante sous la toise.

Paul Van Himst, lui, était connu sous la dénomination de Popol. Ou encore de Polle-gazon, allusion à ses chutes toujours spectaculaires (et souvent gratifiées d’un penalty) dans la surface de réparation adverse.

Asterix et Obelix

Plusieurs autres sélectionneurs ont gardé, eux ausi, le sobriquet qu’ils avaient durant leur carrière active sur les terrains. Comment ne pas citer, à cet égard, derKaiser ( Franz Beckenbauer), le Renard des Surfaces ( Rudi Völler, coach de l’équipe nationale allemande), el Flaco (le maigre pour Luis Cesar Menotti, entraîneur de l’équipe d’Argentine Championne du Monde en 1978). Parmi les coaches, il y eut d’autres qualificatifs célèbres. Comme l’impassible Robert Herbin, du grand St-Etienne des années 70, baptisé le Sphinx. Ou encore Guy Roux, surnommé affectueusement le Gros.

Le monde de la bande dessinée a servi d’inspiration pour d’autres surnoms. Le plus globe-trotter des entraîneurs belges, René Taelman, a, ainsi, été surnommé Tintin. Obélix, de son côté, est le sobriquet de l’entraîneur du Real Madrid, Vicente Del Bosque. Asterix est collé au médian gantois Mathieu Verschuere, appelé également l’aspirateur ou le lave-vaisselle en raison de son inlassable activité entre les lignes. Quant à l’ex-mentor louviérois Daniel Leclercq, il était qualifié de Druide ou de Tivolix.

Chez les joueurs actuels, en Belgique du moins, les surnoms ne sont pas légion. De fait, il faut souvent attendre qu’un d’entre eux ait atteint un certain âge avant de le pourvoir d’un sobriquet. C’est le cas de deux chevronnés, notamment, dont les navettes incessantes, sur le terrain, auront marqué les imaginations: le Trudonnaire Danny Boffin et le Gantois Vital Borkelmans, surnommés tous les deux Mobylette ( Brommerke en néerlandais). Compte tenu de ses qualités de vitesse, l’ancien joueur anderlechtois est connu aussi sous le nom de Speedy.

Au sein des clubs francophones de notre élite footballistique, les véritables surnoms ne courent pas les rues. A Anderlecht, ce sont surtout les diminutifs qui sont à l’honneur: Milo pour Zvonko Milojevic, Berre pour Bertrand Crasson, Oli ou Dolli pour Olivier Doll et Walt pour Walter Baseggio. Glen De Boeck, c’est Boecki pour les intimes et, sur le même mode, Oleg Iachtchouk est Tchouki. Comme véritables sobriquets, on relèvera Peter Shilton pour Filip De Wilde (référence au légendaire gardien anglais qui joua jusqu’à 41 ans!), le Ket pour Gilles De Bilde, Moka (la contraction d’ Ivica Mornar), la Pieuvre pour Olivier Doll, Dany Bryant pour Yves Vanderhaeghe et ses cheveux gominés et Jestrogoal pour Nenad Jestrovic. Un surnom qui remonte à sa période mouscronnoise…

Blanchette

Quelques anciens du Parc Astrid sont passés à la postérité avec des qualificatifs célèbres. Outre Popol ou Polle-gazon, il y a là Jef Jurion, devenu Mister Europe un beau soir de 1962 grâce à un but qui évinça le Real Madrid de la Coupe des Clubs Champions dès le premier tour de l’épreuve. L’attaquant Jacky Stockman fut appelé Zorro.

Au sein de la même génération, on retrouve le défenseur congolais Julien Kialunda, surnommé Blanchette ou encore le diabolique ailier Wilfried Puis, appelé Puzze. Le libero de cette époque n’était autre que Laurent Verbiest, qualifié de Lorenzo-le-Magnifique.

Plus près de nous, il y eut le gardien JanRuiter, surnommé Clarence par analogie avec le lion du feuilleton Daktari. Un brave félin qui présentait la particularité de loucher, ce qui arrivait également au portier anderlechtois dans ses sorties aériennes, par moments!

Les attaquants de cette même génération 70 avaient leur surnom également. Comme Peter Ressel, surnommé le Lièvre en raison de sa pointe de vitesse appréciable. Ou encore le génial ailier gauche hollandais Robby Rensenbrink, appelé l’Homme-Serpent en raison de son style ondoyant. Son pourvoyeur attitré sur le terrain était alors Franky Vercauteren, baptisé pour sa part le Petit Prince du Parc. Plus tard, un autre régisseur allait entrer dans la légende lui aussi: Pär Zetterberg, surnommé Mister Z.

Au Standard, on peut étendre le même raisonnement qu’à Anderlecht, en ce sens que les véritables sobriquets n’y sont pas monnaie courante à l’heure actuelle. Pour la précision de ses passes, Johan Walem a été appelé le Géomètre en Italie et pour ses origines nordiques, Ole-Martin Aarst fait figure de Viking. Mika est le diminutif de Michaël Goossens et c’est à peu près tout. Quel contraste avec le passé, à l’époque de Roger-la-honte ( Roger Claessen et ses frasques) ou encore, plus tard, du Chef, René Hauss, qui avait sous ses ordres les Mains d’Or ( Christian Piot) dans le but, le Sanglier des Ardennes ( Jacky Beurlet) à l’arrière et Kitchi, déjà cité, dans l’entrejeu.

Par la suite, il y eut encore Grand Galop ( Jos Daerden) et Petitrot ( Simon Tahamata). En ce temps-là, le Club Brugeois possédait lui aussi quelques joueurs au surnom fameux. Comme Lotte ( Raoul Lambert), le Maestro ( Pierre Carteus) et, surtout, Johnny Tuborg. Car telle était l’appellation de Johnny Thio, cet ailier droit légèrement bedonnant, qui râlait ferme qu’on le surnomme ainsi. Pourquoi? Parce qu’il se flattait de ne boire que de la Carlsberg!

Bruno Govers

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire