SUR FOND D’EUROPE

Les décisions en appel devaient être connues ce 26 juillet : le lendemain de la remise de la liste définitive des clubs engagés dans les Coupes européennes.

Samedi dernier à 9 heures, à l’hôtel Parco dei Principi de Rome, a débuté le procès en appel pour les quatre clubs et les 24 personnes à l’encontre desquels le vendredi 14 juillet, la cour fédérale (CAF) prononçait des sanctions dans le cadre de l’enquête sur les malversations dans le Calcio. La sentence était pourvue pour le 26 juillet, soit le lendemain du jour où la Fédération doit communiquer la liste des clubs participant aux différentes coupes européennes. Evidemment, rien n’interdit au commissaire extraordinaire de la Fédération, GuidoRossi, de confirmer la liste fournie après les décisions tombées en première instance (Inter et Rome dans les poules de Ligue des Champions, Chievo et Palerme au troisième tour préliminaire). Des modifications peuvent être apportées jusqu’au jeudi 27 midi, mais le commissaire spécial de la Fédération a tout fait pour que les décisions tombent le mardi.Mais si la CAF n’a pas pris de décision, c’est la première liste envoyée à l’UEFA qui fera foi.

Rappelons les peines décidées en première instance : la Juventus est rétrogradée en Série B avec 30 points de pénalité et deux titres en moins (celui de 2004-2005 révoqué et celui de 2005-2006 non attribué), Milan reste en D1 avec 44 points en moins pour le dernier championnat et 15 de pénalité pour le prochain, la Fiorentina et la Lazio descendent en D2 avec respectivement 12 et 7 points de pénalité.

Ces sentences peuvent sembler dures mais dans un cas, celui de Milan, ce n’est pas si punitif vu que, d’un point de vue économique, il y a une grande différence entre le maintien en D1 et une rétrogradation – même avec une forte pénalisation. La Série A représente une garantie de survie grâce aux droits TV alors que la Série B peut signifier la faillite ou presque vu la chute vertigineuse des rentrées et l’obligation de vendre une bonne partie des joueurs afin de réduire de manière drastique la masse salariale. En outre, si le club rossonero perd le droit de participer à la Ligue des Champions, il ne lui est pas interdit de prendre part à la Coupe de l’UEFA. En effet, rétrogradé à la huitième place, il reste en course pour l’Europe dans la mesure où le septième du classement refondu est Empoli, qui n’avait pas obtenu la licence européenne.

On peut se demander pourquoi la CAF a jugé plus graves les actes illicites ou tentatives d’actes illicites de la Lazio et de la Fiorentina par rapport à ceux du Milan. Pourtant, le club milanais est resté en D1 et peut pointer à une place qualificative en Coupe d’Europe la saison prochaine alors que son vice-président, AdrianoGalliani, a écopé d’un an de suspension et que son ex-délégué aux arbitres, LeonardoMeani, a pris trois ans et demi.

Comme la veille de la proclamation des peines, la Gazzetta dello Sport avait publié les sanctions à quelques petites erreurs près, on peut se demander si les juges n’ont pas subi des pressions de la part de certaines personnes extérieures, SilvioBerlusconi étant le premier visé malgré le fait que ce soit la majorité de centre gauche qui dirige le pays. Au-delà du coup journalistique, il est clair qu’un des membres de la cour a parlé vu que les travaux de celle-ci se sont conclus le lendemain à 20 heures !

La procédure est encore longue

Toutes les parties concernées ont eu trois jours pour aller en appel. La première qui s’y est appliquée est la Lazio, les autres ont suivi y compris le procureur fédéral, StefanoPalazzi, qui avait l’intention d’alourdir les peines. Dans ses pouvoirs, la CAF a le droit de confirmer, de modifier en aggravant ou allégeant les peines, ou d’annuler les sentences émises au premier degré de jugement. Le prochain stade est la chambre de conciliation et arbitrage (CCA) du CONI, le comité olympique italien. Il s’agit du dernier degré de justice sportive, qui peut aller jusqu’à rejeter les jugements exprimés par les deux premières instances. C’est seulement après cette étape que la loi autorise les parties concernées à se présenter devant les tribunaux administratifs régionaux (TAR) ; la date de la séance spéciale est déjà fixée au 7 août. Les TAR ne peuvent qu’annuler les sentences sportives mais n’ont pas le droit de les reformuler. Le dernier stade d’appel, du moins en Italie, est le Conseil d’Etat (CDS) qui se limite, lui aussi, à confirmer ou annuler la sentence (audition prévue le 12 août).

Ensuite, les clubs et dirigeants condamnés peuvent s’adresser aux juridictions internationales. Au TAS, comme l’a déjà annoncé FrancoCarraro, l’ex-président de la Fédération qui a écopé de 4 ans et demi de suspension et a déjà été déchargé de ses fonctions tant à l’UEFA qu’à la FIFA. D’un point de vue administratif, il y a la cour européenne de justice de Strasbourg et enfin, pour les dirigeants, le Tribunal des droits de l’homme de La Haye.

Nous n’en sommes pas encore là mais tout porte à croire que des tas de recours seront déposés. Du coup, on peut craindre que le début du cham-pionnat soit reporté.

Pour en revenir à l’appel, le procureur fédéral Palazzi ne s’est pas prononcé contre les sentences qui ont condamné à cinq ans de suspension avec demande de radiation pour les ex-dirigeants de la Juventus, LucianoMoggi et AntonioGiraudo, vu que c’étaient les peines qu’il avait réclamées. Même chose pour la Fiorentina et la Lazio, la CAF ayant suivi son avis. En revanche, il a adopté une position plus ferme à l’égard de la Juventus et de Milan. En première instance, Palazzi avait demandé la rétrogradation en D3 du club turinois et en D2 pour le milanais, et il a reformulé sa requête. Quant à la Juventus et à Milan, ils demandaient tous les deux que leur soient enlevées les pénalités en vue du prochain championnat.

Et le titre 2005-2006 ?

Le scudetto de la saison 2004-2005 a été définitivement révoqué et ne sera plus attribué. Pour ce qui est du titre 2005-06, la Fédération n’a pas encore résolu le problème, elle attend les décisions en appel avant d’effectuer un rapide tour d’horizon. On prête au commissaire extraordinaire l’intention de consulter toutes les composantes du monde du football et surtout l’UEFA car c’est la première fois que cette situation se présente.

Sur la base des décisions entérinées en première instance de la CAF, la Juventus et Milan n’auraient pas le droit de se prévaloir du titre de champion d’Italie. Troisième, l’Inter de MassimoMoratti se retrouverait première en attendant l’avis de l’UEFA, l’autorité suprême.

Sur le sujet, le président interiste se montre clair :  » J’insiste sur le titre de 2006 parce qu’il est juste de vouloir se distinguer de qui a triché. Sinon, il semblerait que tout le championnat d’Italie soit mêlé à ce scandale. Il y a un tas de clubs et de présidents qui n’ont rien à y voir « . En attendant, le club ne s’est pas pourvu en appel des décisions prises en première instance. L’Inter n’a pas réclamé officiellement que  » le premier des non-tricheurs se voie attribuer le titre « , comme le veut pourtant son président.

Le second wagon

La Juventus, Milan, la Fiorentina et la Lazio n’étaient pas les seuls clubs incriminés. Si ces cas ont été traités en premier, c’est parce qu’il s’agissait des équipes concernées par les coupes européennes. Les enquêteurs, dirigés par FrancescoSaverioBorrelli, sont en train de s’occuper du deuxième wagon dans lequel on retrouve la Reggina, Messine, Empoli, Sienne, Arezzo et la Salernitana. De tous ces clubs, le plus mal embarqué est la Reggina. En effet, il est établi que le président du club calabrais, LilloFoti, a eu des contacts directs avec PaoloBergamo, l’ex-désignateur des arbitres, et Moggi afin qu’il lui soit octroyé de bons arbitres contre Brescia et Palerme.

C’est en principe cette semaine que Borrelli remettra son dossier au procureur fédéral et la CAF pourra ainsi lancer la deuxième partie du procès sportif en n’observant pas des délais aussi courts que pour la première.

On n’est donc pas sorti de l’auberge car la Reggina peut très bien entamer le prochain championnat en D1 et se voir rétrogradée la saisons suivante. Pire, le second volet pourrait condamner un club (Messine) qui vient d’être repêché en D1. Cette situation a déjà interpellé pas mal de clubs, comme Bologne qui s’est déjà porté tierce personne. Et comme les critères en vigueur pour les prochains repêchages ne sont pas très clairs, dans ce cas-ci aussi il faut s’attendre à de nombreux recours de la part des clubs pénalisés mais aussi de ceux qui désirent les supplanter.

NICOLAS RIBAUDO

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