SUPRÉMATIE RÉGIONALE

Les entraîneurs des clubs finalistes reviennent sur leur saison.

Mouscron et Zulte Waregem ne sont distants que d’une vingtaine de kilomètres. Pourtant, c’est loin de leurs terres que se déroulera leur match le plus important de l’année. Samedi, ils se disputeront le dernier trophée de la saison : la Coupe. Pour les deux clubs, il s’agira d’une apothéose après une saison bien différente. Zulte Waregem a épaté la Belgique par son football plaisant, vif et rapide ; par son histoire, celle de travailleurs quotidiens qui se retrouvaient le soir pour s’entraîner, celle de promus qui ont longtemps titillé les grands clubs dans la course à l’Europe. Mouscron a vécu, par contre, une saison délicate. A lutter pour son maintien jusqu’au bout et à combattre le spectre d’une faillite annoncée et d’une rétrogradation sur le tapis vert.

En prélude à cette finale, les entraîneurs de deux équipes, Francky Dury et Gil Vandenbrouck ont accepté de se rencontrer. En terrain neutre, à l’ombre de la gare de Courtrai.

Une finale inattendue ?

Vandenbrouck : En demi-finales, on a senti qu’on voulait une finale entre Charleroi et le Standard. Cela arrangeait tout le monde : la ligue, Club RTL, la presse. Nous, dans les vestiaires, on s’est dit qu’une finale Mouscron-Zulte, ce serait rigolo.

Dury : En plus, deux équipes de la même région !

Il fallait vraiment la jouer au stade Roi Baudouin ?

Vandenbrouck : Bien sûr. C’est un symbole de jouer à Bruxelles. Disputer la finale à Courtrai ou à Bruges, c’est comme si on admettait que c’est une petite finale.

Vous l’abordez comment cette finale ?

Vandenbrouck : La victoire contre Saint-Trond (3-0) nous a définitivement rassurés. Pour la première fois, nous avons connu une semaine sans stress. Cela fait du bien.

Quelle décompression ?

A Zulte Waregem, il y a eu une certaine décompression en fin de saison ?

Dury : C’est vrai et c’est dommage. C’est arrivé après le match contre le Standard et la qualification pour la finale. C’est un peu normal mais quand vous avez de l’ambition, vous ne pouvez pas abdiquer comme on l’a fait. D’autant plus que le programme n’était pas infernal. Beveren, Lokeren, Charleroi et Westerlo, c’était faisable.

Vandenbrouck : Vous n’avez pas de joueurs professionnels. Cela peut expliquer ce passage à vide.

Dury : Oui, c’est vrai et c’est pour cela que je tiens à mettre en avant leur formidable saison et à les féliciter car on y est arrivé grâce à eux. Cependant, un entraîneur doit toujours parler un langage différent de celui des joueurs. Eux cherchaient la décompression. Moi, je suis persuadé qu’il faut être dans le rythme pour bien disputer une finale. Dans cette optique, j’étais content de rencontrer Anderlecht une semaine avant la finale. Car, toute la Belgique regardait mes joueurs et ils étaient obligés de se défoncer.

Est-ce que la Coupe vous a coûté des points en championnat ?

Vandenbrouck : On a toujours dit que la Coupe constituait une parenthèse dans la saison. Nous, on devait d’abord viser le maintien. J’avais peur que les deux rencontres contre Charleroi, en plein sprint final, ne nous coûtent de l’énergie et des points en championnat. Heureusement, ce ne fut pas le cas.

Dury : Nous, on a perdu des points à cause de ce bon parcours. Pour des semi-professionnels, c’est la chose la plus difficile à gérer car il y avait des rencontres en semaine. S’il n’y avait pas eu la Coupe, on serait mieux classé encore.

Quelle plus-value ?

Pour Zulte Waregem, cette finale, c’est un peu la cerise sur le gâteau alors que pour Mouscron, c’est une façon de sauver une saison morne…

Vandenbrouck : Oui et non. Le bilan est quand même positif. De nouveaux joueurs comme Kevin Hatchi, Patrice Luzi et Adnan Custovic se sont imposés. On s’est maintenu et on a réussi à instaurer une nouvelle base. Pour Zulte Waregem, cela s’annonçait aussi difficile lors de l’entame de la compétition mais elle, elle avait déjà l’homogénéité et l’organisation. Quand on regarde un DVD d’un match de Zulte Waregem, on voit toujours six ou sept joueurs à l’image. Cela démontre une très bonne occupation de terrain.

Dury : Pour moi, notre championnat ne constitue pas tout à fait une surprise. Primo, le groupe n’était pas nouveau. Des joueurs comme Stijn Minne, Frédéric Dupré ou Nathan Dhaemers étaient déjà avec nous depuis un certain temps. Deuzio, notre style de jeu. On essaie de développer du beau football et quand cela marche, on est parti et rien ne nous arrête. Tertio, la confiance des dirigeants est toujours présente. C’est important car je sais qu’après un 2 sur 12, je serai toujours en poste.

Maintenant, il faudra confirmer…

Dury : Oui, je sais. Tout le monde me parle de cela. C’est toujours difficile de grandir. Regardez le Cercle Bruges. Il a terminé 15e la première saison, puis 13e et cette saison, il a cependant connu certaines difficultés. Si on ne trouve pas de remplaçants à Salou Ibrahim, ce ne sera pas évident…

Pourtant, Pietro Allatta vous a proposé Cédric Roussel…

Dury : ( Il rigole). Vous faites référence à mon coup de gueule après être passé à l’émission de Studio 1 ?

Vandenbrouck : Moi, Roussel, je l’aurais bien pris en janvier. Finalement, on a jeté notre dévolu sur Marcin Zewlakow.

La différence ?

Qu’est-ce qui fait la différence entre Mouscron et Zulte Waregem ?

Vandenbrouck : Dans le foot actuel, il faut marquer le premier. Pour cela, il faut jouer à 11 et pas à 9 et demi et il faut posséder plusieurs joueurs capables d’inscrire des buts. Comme Zulte Waregem avec Tony Sergeant, Dupré, Stijn Meert et Ibrahim. Et puis, je trouve une bonne chose d’aller chercher des anciens joueurs de D1 qui ont encore envie de prouver quelque chose. Sergeant a fait un pas en arrière et maintenant, il épate tout le monde.

Dury : Chaque transfert est un risque. Puis, il faut un peu de chance. On est parti à Gand négocier le transfert de Matthijs et finalement, on est revenu avec deux autres joueurs

Quel esprit ?

Finalement, que représente une victoire en Coupe ?

Vandenbrouck : On doit se reconstruire et le fait d’avoir un trophée peut relancer l’Excel que ce soit au niveau de la popularité, de l’ambiance, des sponsors. Il faut comprendre Mouscron. Une personne sur deux dit que l’Excel coûte cher mais quand on leur annonce que l’équipe pourrait disparaître, tout le monde veut que l’aventure continue. C’est paradoxal mais c’est tout à fait mouscronnois. Que ce soit pour la licence et lors des matches, il faut être dos au mur pour réagir. Cette saison, on a gagné quand on le devait. Uniquement. Et dans le comité, c’est le même esprit. Ce n’est qu’une fois la licence refusée que l’on a trouvé des solutions. C’est typiquement mouscronnois.

Dury : Après un bon championnat, il faut rester les pieds sur terre. Coupe ou pas Coupe. Chacun veut maintenant un budget de 10 millions mais nous, on devra encore composer avec un de 3,5 millions. Il faut confirmer et si on parvient à garder cette stabilité, alors la machine est en route. Il faut que l’on se rende compte que pour une équipe comme la nôtre (ou Mouscron), une fois dans le top-5, c’est possible. Mais pas chaque année. Il est impératif de garder notre vision. Recruter des joueurs locaux. Des Flamands ou des Français du Nord de la France…

Vandenbrouck : … ou des éléments de Mouscron ?

Dury : C’est possible que l’on soit amené à pêcher dans la même mer.

Quel fut le tournant dans ce parcours en Coupe ?

Vandenbrouck : Notre victoire à Charleroi.

Un beau coup de bluff…

Vandenbrouck : ( Il sourit) J’avais regardé l’échauffement de Charleroi et je sentais l’adversaire nerveux et fatigué. J’avais boosté le moral de mes troupes. Il fallait démarrer en trombe. Je peux vous dire que les Carolos ont très mal digéré cette défaite.

Dury : Nous, c’est notre confrontation avec le Standard. J’ai l’impression qu’on a disputé quatre matches. Avant, pendant, après le match aller et le retour. La pression de l’affaire Conceiçao…

Vous aviez poussé Stijn Meert à provoquer le Soulier d’or ?

Dury : Vous voulez rire ? Le petit Meert n’est pas le provocateur du grand Conceiçao. Lui, il peut tout faire mais il y a un moment où il dépasse la limite. Surtout pour un Soulier d’Or. Je n’ai pas de critiques à émettre sur cette distinction car c’est en partie nous, entraîneurs, qui la lui avons décernée. J’essaie de me faire une place en D1 et vous croyez que je vais aller demander à un joueur de provoquer un adversaire ? Non, cela, je ne peux pas le faire. Pour moi, les dirigeants ont un rôle : celui de prévenir Conceiçao qu’il y a des comportements qu’on ne peut admettre.

Vandenbrouck : Le plus grand service que j’ai rendu à Luzi, c’est de l’écarter après son geste de mauvaise humeur envers nos supporters…

Quelles comparaisons ?

L’aventure de Zulte Waregem ressemble à celle de Mouscron, il y a dix ans. Est-ce que Zulte Waregem saura éviter les erreurs de Mouscron ?

Dury : Il faudra conserver notre patience. Tout le monde veut tout changer, tout de suite. Quand je vois notre stade, il n’est pas digne de la D1. Cependant, il faut éviter de suivre l’exemple du Lierse, qui, après avoir été champion et vendu ses joueurs, a investi tout l’argent dans une nouvelle tribune.

Vandenbrouck : Nous, pour ça, on a été choyé par les dirigeants. Tous les joueurs passés par Mouscron continuent à parler de nos infrastructures.

Mais est-ce que Mouscron n’a pas vu trop grand ?

Vandenbrouck : Il y a eu une volonté extrasportive de se mettre à une place que fondamentalement, on n’avait pas. Nous n’avions ni le passé ni les structures qui nous permettaient de viser si haut. Par contre, malgré nos ambitions, on a su garder notre esprit familial. Les joueurs qui n’ont pas su s’adapter à la mentalité sont partis.

Sur certains points, vous vous ressemblez : vous avez cette même intégrité…

Dury : C’est important. Je viens de 3e Provinciale. Je dois faire attention. Je ne peux pas commettre de fautes. On n’est pas les seuls à bien travailler. Pour le moment, le foot belge est dans le creux et selon moi, les entraîneurs ont la responsabilité de rendre notre foot meilleur.

Vandenbrouck : Je ne cherche pas la publicité. Studio 1 m’a invité mais le lundi, cela ne m’arrange pas du tout et je n’y suis pas allé. Pour moi, les entraîneurs ont une valeur éducative à faire passer et c’est fondamental. Les noyaux comprennent de nombreux jeunes qui doivent encore construire leur vie et gérer tout à coup un paquet d’argent. C’est le rôle de l’entraîneur de les encadrer.

Mais, on sent que vous refusez certains compromis…

Vandenbrouck : Avec les dirigeants, j’écoute mais c’est rare que je sois influencé. Je trouve que c’est une qualité de savoir garder une certaine distance dans l’analyse. Ce qui est sûr, c’est que c’est plus facile de faire passer ses idées et valeurs quand on est entraîneur principal. Quand on est adjoint, il faut s’effacer devant la vision du coach principal. Et on n’est pas toujours d’accord…

Dury : Vous savez, nous n’avons pas un grand nom. Il est donc important d’avoir une vision, une ligne de conduite pour que chacun puisse identifier notre démarche.

Quel respect ?

Vous n’avez pas de passé de grand footballeur. Est-ce un avantage ou un inconvénient ?

Dury : Il ne faut pas être un bon footballeur pour être entraîneur. Ce qu’il faut, c’est un concept. Moi, je n’ai rien appris de quelqu’un puisque je n’ai évolué qu’en 2e Provinciale. Le côté humain est primordial dans ce métier. Travailler avec des personnes, cela se fait de la même façon en D3 qu’en D1.

Vandenbrouck : Leekens fut international mais les joueurs avec lesquels il travaillait voyaient avant tout l’entraîneur. Quand un ancien joueur devenu entraîneur se plaint en disant qu’il mériterait plus d’égard vu son parcours, c’est vivre dans le passé. Nous devons forger le respect des joueurs par notre discours. Parler trop ne sert à rien mais il faut tenir un discours réfléchi et juste.

Dury : Quand tu travailles bien, tu obtiens ce respect…

Vandenbrouck : Et toi, tu as bien travaillé. Après trois rencontres, tout le monde se disait – Ce Dury, c’est pas mal. Il est…

Dury :… fou ( il rigole).

Vandenbrouck : On ne se rend pas compte du travail qu’implique ce job. Chaque match est une réflexion. Quand l’entraînement se termine, mon travail ne fait que commencer. Quand j’étais adjoint, il était déjà fini.

Dury : Même quand on a tout bien fait à 100 %, cela ne garantit pas une victoire. Après notre succès probant à Lokeren, on m’a demandé si j’étais sorti avec les joueurs. J’ai répondu que j’étais rentré à la maison. A ce moment-là, on est déjà dans la préparation pour le prochain match. Par contre, si on gagne en Coupe, ce sera autre chose. Même si je ne suis pas un grand sorteur. A Mouscron, les joueurs sortent beaucoup ?

Vandenbrouck : L’époque où les entraîneurs sortaient avec les joueurs est révolue. A Mouscron ? Pas tellement. Les Français ont une approche plus sérieuse du métier. On a eu des générations plus festives. Certains sortaient mais le lendemain, ils travaillaient comme des fous à l’entraînement.

Pour finir, je vais vous demander votre pronostic pour la finale.

Vandenbrouck : On vient de se sauver. On reste donc sur une douce euphorie. Je crois que cela va être serré… même si Zulte Waregem nous a sévèrement battus en championnat.

Dury : » Pour moi, c’est aussi 50-50.

STÉPHANE VANDE VELDE

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