Super Pippo

Le meilleur buteur actuel d’Europe est très bien revenu un an à peine après une déchirure des ligaments croisés.

La bouche grande ouverte, ses longs cheveux noirs retenus par un étroit bandeau noir, il court et saute au-dessus des panneaux publicitaires. Face aux supporters en liesse, il s’arrête, bombe fièrement le torse, tire son maillot pour embrasser le logo du club puis l’anneau d’argent qui brille à l’annulaire de sa main droite. Enfin, il lève triomphalement le bras droit au ciel.

Un rituel de bonheur, un rituel souvent pratiqué ces dernières semaines. Car Filippo Inzaghi, 29 ans, le buteur de l’AC Milan, n’avait plus connu pareil succès depuis belle lurette. L’international italien est à son zénith. Jamais il n’a été aussi bon.

Pippo, comme l’appellent affectueusement ses supporters, a un sens du but inouï depuis le début de la saison. Il y a un an, lorsqu’il a quitté la Juventus pour Milan, il restait sur de superbes saisons chez la Vieille Dame mais le redoutable attaquant trouvait quelque chose de particulier à Milan. « C’est le sommet pour moi », a-t-il déclaré, non sans pathos, ajoutant que le club du ministre-président italien Silvio Berlusconi avait toujours été son club favori. A 28 ans, il réalisait donc son rêve. Sur le tard.

Né tout près de Piacenza, au Nord de l’Italie, Pippo a effectué ses premiers dribbles au FC local. « Pippo voulait toujours marquer » se souvient son frère Simone, également attaquant, à la Lazio. « Enfants, nous jouions au football dans l’appartement. La cheminée nous servait de but. Je devais le garder et Filippo jouait contre son ami Fabio. A l’époque déjà, il n’avait qu’un objectif:: le but ».

Son début en seniors a pourtant été ardu. Inzaghi mesure 1.78 mètre pour 70 kg. Ce n’est pas vraiment un athlète. Dans sa jeunesse, il a fait le rude apprentissage de la D2 et de la D3, à Leffe Calcio, au FC Vérone puis à Piacenza. Son transfert à l’AC Parme, en 1995, ne lui a pas davantage permis d’éclore.

Il n’y est parvenu que durant la saison 1996-1997, sous les couleurs de l’Atalanta Bergame. Dans le Nord, non loin de Milan, il s’est enfin imposé, à l’âge de 24 ans. En 33 matches de championnat, il a inscrit 24 buts, un score impressionnant selon les normes italiennes, surtout dans un club moyen. C’est ainsi que l’avant, qui avait remporté le titre européen en -21 ans en 1994, a attiré l’attention des grands clubs. La Juventus a remporté la course. Pendant quatre ans, Inzaghi a porté le maillot zébré de noir et de blanc de la Vieille Dame mais, malgré ses buts, Pippo est resté contesté. Après quatre années empreintes de succès, il a même senti les effets de la concurrence: David Trezeguet, le jeune champion d’Europe français, s’est imposé. Ensuite, le club a enrôlé le Chilien Marcelo Salas, en 2001-2002.

Inzaghi le confirme aujourd’hui: « Je n’étais pas dans une position confortable. Je devais me réorienter ».

Avec Shevchenko

La proposition de l’AC Milan est tombée à point. Elle a offert un nouveau défi au vif attaquant international. Aux côtés de l’attaquant-vedette ukrainien Andreï Shevchenko, il devait régaler le stade Meazza de buts. L’attelage semblait parfait. Il a d’ailleurs contraint Oliver Bierhoff à rejoindre Monaco. Victime d’une déchirure des ligaments croisés en décembre, Pippo n’a pas baissé les bras. Le 17 mars, il rejouait, juste à temps pour propulser l’AC Milan en Ligue des Champions, en marquant dix buts en 19 matches de championnat. A temps aussi pour sauter dans l’avion menant l’équipe italienne en Asie.

En 34 matches officiels la saison dernière, championnat, coupe et Ligue des Champions confondus, Inzaghi a marqué pas moins de 31 buts, un total impressionnant. Pippo tient à modérer son succès: « J’ai eu beaucoup de chance. Evidemment, un avant en a besoin. Je profite aussi du travail de l’équipe. Actuellement, tout me réussit mais je jouis de la confiance générale ».

Dans le passé, Inzaghi se cantonnait au rectangle et était régulièrement en position hors-jeu. Il est devenu plus flexible, plus mobile. Il n’hésite pas à s’écarter vers le flanc, il conserve le ballon et se retrouve pourtant souvent en position de marquer.

Si on en croit Inzaghi, il va encore progresser.  » Rui Costa m’adresse de superbes ballons. Quand je trouverai mieux Rivaldo et que Shevchenko sera rétabli de son opération, nous allons bousculer nos adversaires. Nous voulons également améliorer l’image du football italien, plutôt ternie ces dernières années ».

Avec 43 buts sur la scène européenne, Inzaghi est le meilleur des attaquants encore en activité. Il ne songe pourtant pas au record de Gerd Müller, qui avait marqué 66 buts. « Il est impossible d’améliorer ce record. Figurer au classement des buteurs en compagnie de joueurs tels que Müller, Santillana ou Di Stefano me comble déjà ».

Si on en croit Karl-Heinz Rummenigge, l’ancien attaquant de classe mondiale et actuel vice-président du Bayern, Inzaghi est capable de tous les exploits. « Il est l’attaquant le plus redoutable d’Europe. Il est rapide, malin, sans cesse en alerte et il a une condition parfaite. Inzaghi est plus mobile que Gerd Müller, qui était un avant de rectangle. A 29 ans, il a encore de belles années devant lui ».

Quoi qu’il en soit, Inzaghi continuera à fêter ses buts selon le même rituel. Lorsqu’il embrasse son anneau, ce n’est pas une femme qu’il remercie mais ses supporters. L’idole des demoiselles est célibataire. Il remercie aussi sa famille: sur sa bague sont gravés les noms de Marina, sa mère, de Giancarlo, son père, de Simone, son frère, et de Tommaso, son neveu. Il est très attaché à sa famille. D’ailleurs, ses parents ont des assidus du stade Meazza.

ESM

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