Super EAGLE

19 ans, 1m68, 66 kilos. Après quelques matches à peine, il fait figure de sensation dans notre championnat. Portrait de Moses Daddy-Ajala Simon.

Vitesse, sens du but, dribbles irrésistibles, assists. Un temps d’adaptation ? Non. Premier match complet dans l’enfer de Lokeren : trois buts. Début en Jupiler Pro League contre Westerlo à la Ghelamco Arena : un but, deux assists. Il est un tourment pour les défenseurs visiteurs et après 79 minutes, le public l’ovationne. Son nom ? Moses Simon, l’atout de Gand pour les PO1.

Le scout gantois Erwin Vandendaele l’a déniché par hasard au Futbalovy Klub AS Trencin, le numéro deux de la Fortuna Liga slovaque. Il n’a presque rien coûté. Le Soulier d’Or 1971 était allé visionner le médian bosnien Haris Hajradinovic (20 ans), qui a reçu de bons points, mais il a été impressionné par le petit international nigérian. Il a noté qu’il faudrait continuer à suivre Moses Simon.

 » A son arrivée, en janvier, il ne m’a fallu que quelques semaines pour être convaincu par l’étendue de son talent « , a raconté le T1 Martin Sevela cet été au site UEFA.com.  » Après six mois à peine, il était trop bon pour la Slovaquie. Il a vraiment tout pour jouer à un niveau supérieur. Il peut évoluer dans l’axe à côté d’un autre avant ou sur les flancs. J’aimerais le conserver mais comment ?  »

De fait, deux mois après le premier rapport de scouting de Vandendaele, l’attaquant de 19 ans a signé un contrat chez les Buffalos, valable jusqu’en 2018.

Jos, capitale du football

Moses Daddy-Ajala Simon a grandi à Jos, la capitale de l’Etat de Plateau, un melting-pot de races, de tribus et de religions, une des villes les plus cosmopolites de cet Etat d’Afrique occidentale ravagé jadis par des guerres entre musulmans et chrétiens, qui ont coûté la vie à des milliers de personnes.  » Je revois encore les cadavres en rue, entassés les uns sur les autres « , raconte Joseph Akpala à propos de sa jeunesse là-bas.

Moses Simon n’a alors que six ans mais la criminalité, les attentats à la bombe, la résurgence des conflits religieux, la démolition des églises et des mosquées ont marqué les dix années suivantes de sa vie. Malgré tout, Jos est un terreau fécond pour le football. Ahmed Musa (CSKA Moscou), John Obi Mikel (Chelsea), Ogenyi Onazi (Lazio), JosephAkpala (ex-Charleroi et Club Bruges, désormais à Karabükspor) et James Obiorah (à Anderlecht de 1995 à 1998), versés dans une des meilleures académies, y ont rêvé d’un avenir en football.

 » C’est la ville du foot au Nigeria, héritage d’ingénieurs miniers européens venus pour extraire de l’étain autrefois. Ils ont promu le football, nous ont transmis la passion du ballon rond. Je ne puis trouver trace d’une équipe des Super Eagles qui n’ait comporté aucun joueur issu de Jos « , explique Bitrus Bewarang, l’ancien sélectionneur des U23 nigérians à la Nigerian Tribune.

Des pieds en or

 » Dans les années 70 et 80, les jeunes ont été formés dans les écoles. Les académies de football sont nées au début des années 90 « , précise Isaac Shobayo, journaliste de la Nigerian Tribune. Il y a là la Learning FC Academy, Discovery Football Academy, Ismaila Mabo Academy et la Golden Boot Soccer Academy (GBS), où ont été formés Musa, Onazi et Moses Simon  » observe-t-il.  » Peu importe l’origine d’un garçon. Certains introduisent eux-mêmes une demande, d’autres sont repérés en rue et bénéficient d’une formation, d’un toit et de repas « , explique Ehif Epiale, un des coaches.

Les clubs professionnels du pays s’arrachent Moses Daddy, conte SuperSport en mars 2013.  » Il est encore inconnu du grand public mais il a des pieds en or « , écrit le journal après un match amical de la GBS Academy contre une sélection professionnelle régionale. Le garçon a réussi un hat-trick. Les scouts européens le découvrent au Super Six Tournament de Kaduna : il est élu meilleur joueur du tournoi, après avoir délivré quatre assists et marqué un but.

 » Il a quelque chose de spécial. Le sens du but. Il intimide les défenseurs, il est très rapide et fait preuve d’une grande intelligence pour un gosse de son âge « , poursuit SuperSport en citantIbrahim Ahmed, le manager de l’académie.  » Ce jeune est prêt pour l’Europe. Ce n’est pas pour rien qu’on le surnomme Ronaldo.  »

Fan de Ronaldo

La comparaison est excessive mais elle ravit l’adolescent, fan de CR7 et du Real. Ses dribbles sont irrésistibles, certes, mais le Portugais fait vingt centimètres de plus, il est plus puissant et plus direct. Toutefois, George Akpayen, qui travaille pour la chaîne africaine, précise :  » C’est un vrai ailier, qui soutient la comparaison avec Finidi George, Tijani Babangida, Victor Moses et Ahmed Musa.  »

On le cite à Liverpool et à Tottenham mais en mai, sur le conseil de Babangida, ancien Ajacide, le petit Nigérian signe un précontrat à Amsterdam. Il rejoindra le grand club néerlandais quand il aura 18 ans, le 12 juillet 2013.  » Les bons ailiers sont rares mais essentiels dans la philosophie de l’Ajax « , martèle Babangida, qui s’est produit à l’Ajax de 1996 à 2003 et est devenu président du Taraba Football Club, une formation de D1 nigériane.  » L’Ajax joue la sécurité en lui présentant un contrat avant le Mondial U20 de Turquie, qui se déroule en juin « , annonce All Nigerian Soccer.

En Turquie, l’ailier ne décolle pas du banc mais ça ne l’empêche pas de faire impression à Amsterdam. Il inscrit un but contre De Graafschap durant un match amical puis remet le couvert avec les Espoirs en visite à Voorschoten 97. Alfons Groenendijk, le coach des espoirs, croit en lui mais la direction du club ne lève pas son option. Frank de Boer le juge trop léger pour l’équipe-fanion.

Heurs et malheurs

Il retourne à Jos, déçu. Pourtant, début 2014, l’Europe se souvient de lui. Il signe un contrat de trois ans à l’AS Trencin, un club slovaque propriété depuis 2007 de Tscheu La Ling, le mythique ailier de l’Ajax, qui a un accord de collaboration avec le club-phare d’Amsterdam.

Trencin, une petite ville située à la frontière tchèque, n’est pas l’environnement idéal pour un jeune Africain.  » Moses Simon est malheureux « , annonce All Nigeria Soccer, se référant à la déclaration d’un membre de son entourage. A l’Ajax, en tant que joueur non européen, il était assuré de percevoir un salaire annuel de 275.000 euros. En Slovaquie, il doit se contenter de mille euros par mois.  » C’est tout juste s’il peut se permettre de téléphoner à sa famille au Nigeria.  »

Le staff technique et son compatriote Kingsley Madu l’entourent et le jeune Nigérian finit par s’épanouir, après quelques semaines. Avec sept buts et trois assists en 14 matches, il est un des meilleurs joueurs de la Fortuna Liga, dont le club termine deuxième.

17 juillet 2014 : le FK Vojvodina Novi Sad, vainqueur de la Coupe de Serbie, fait la connaissance de Moses Simon. Il réussit de nouveau un hat-trick.  » Avec un joueur pareil, tout devient plus facile pour toute l’équipe « , réagit son entraîneur, qui voit aussi Moses briller contre Hull City et comprend qu’il va bientôt perdre son jeune avant.

Rouge d’emblée

 » Son management, GBS Group, a eu de nombreux entretiens avec Tottenham « , écrit SL10, un site nigérian consacré au football. Nous sommes fin octobre.  » Je suis fier d’intéresser des clubs mais mon management et mon employeur doivent décider eux-mêmes de ce qui est le mieux pour moi.  »

Soit rester encore un peu en Slovaquie. Martin Skrtel (Liverpool) et Filip Holosko (Besiktas) ont également déployé leurs ailes au petit Stadion na Sihoti.  » Je dois continuer à travailler d’arrache-pied tout en remettant mon sort entre les mains de Dieu « , explique ce chrétien profondément croyant, qui a marqué dix buts et délivré sept assists en 24 matches, pendant un semestre. Il est prêt à effectuer un nouveau pas en avant, à Gand. La première note était fausse – carte rouge après trente secondes. Les notes suivantes sont prometteuses. Reste à voir comment seront les accords suivants.

PAR CHRIS TETAERT – PHOTO : BELGAIMAGE

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