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L’attaquant a réussi son entrée en matière en Angleterre mais la concurrence s’annonce de plus en plus rude.

Cela fait maintenant presque un an qu’ Emile Mpenza a quitté la chaleur moite du désert du Qatar pour rejoindre le climat pluvieux de l’Angleterre. Une année marquée par un retour au premier plan. Le défi paraissait impossible tant le niveau entre les deux compétitions semblait énorme. Et pourtant, le cadet de la famille Mpenza a réussi à s’imposer dans ce que d’aucuns considèrent comme le championnat le plus relevé au monde.

Nous avons profité de la fin de sa blessure pour nous envoler vers Manchester et tâter le pouls de sa vie anglaise.

Samedi 15 décembre 2007, cela fait maintenant plus d’une semaine qu’Emile Mpenza est rétabli. Certains pensaient même qu’il ferait partie du onze de base appelé à défier Bolton dans un des derbies de Manchester (Bolton n’étant éloigné que de quelques miles). Le stade de Manchester City se dresse à l’est, à quelques kilomètres à peine du centre-ville, dans un des quartiers les plus défavorisés de Manchester. Les supporters n’ont pas été ravis de quitter Maine Road, l’ancien stade mais comme une enceinte moderne avait été construite pour les Jeux du Commonwealth en 2002, les dirigeants en ont profité pour l’investir. Les Citizens ont donc un nouveau stade, acquis à moindres frais. L’architecture est avant-gardiste mais l’ambiance n’est pas aussi chaude que dans d’autres arènes anglaises. Une heure avant le match, les supporters commencent à affluer mais ce n’est que dans le fan-shop que l’on aperçoit quelques files. Il faut attendre les cinq minutes précédant le coup d’envoi pour que les travées se garnissent. Malgré l’afflux de dernière minute, le stade ne sera pas plein : 40.000 spectateurs alors que la capacité maximale est de 47.000. Cela n’empêche pas les hauts parleurs du stade de cracher Blue Moon, l’hymne de l’équipe et Love will tear us appart, la chanson culte du non moins culte Joy Division, groupe mancunien des années 70 et 80.

Emile n’est pas titulaire. C’est l’ancien buteur de la Reggina, Rolando Bianchi, acheté à prix d’or (13,2 millions d’euros) cet été, qui débute. On le disait dépressif depuis son arrivée en Angleterre mais son but contre Tottenham lui a redonné confiance.  » Toute la semaine, on l’a vu s’entraîner avec le sourire « , ajoutera l’entraîneur Sven-Goran Eriksson à l’issue de la rencontre.  » Mais moi je n’ai jamais douté de son adaptation. Cependant, le championnat anglais est très exigeant pour les attaquants. Tout va plus vite et il faut parfois quelques mois pour effectuer certains réglages « .

Face à Bolton, Manchester City réussit à renverser la vapeur, après avoir été mené, grâce notamment à un but de chaque concurrent d’Emile. Un pour Bianchi et un pour Darius Vassell.  » Je ne crois pas pour autant que Mpenza doit s’en faire. Il a montré qu’il valait largement ces deux joueurs « , affirme Chris Bailey, journaliste au Manchester Evening News.  » Certes, Bianchi monte en puissance. Cela peut devenir un problème pour lui mais pas Vassell. Lui, il ne marque plus un goal ( sic). Tout le monde a été surpris contre Bolton et c’est pour cette raison qu’Eriksson le place au médian droit. C’est là que se situe son avenir. On sait que deux attaquants partiront en janvier mais Mpenza est moins concerné que Bianchi ou Georgios Samaras. Par contre, si on pousse certains vers la sortie, c’est parce que Manchester City veut recruter de gros calibres. Les noms de Vagner Love, Nicolas Anelka et Peter Crouch sont cités et le jeune mexicain Nery Castillo a déjà été acquis en prêt. Si cela se concrétise, Mpenza ne constituera plus le premier choix de l’entraîneur « .

Quant à notre Emile national, il n’a joué que les cinq dernières minutes, tout étonné qu’on fasse appel à ses services. Pourtant, en cinq minutes, il a montré qu’il était pleinement remis de ses pépins physiques. Il fut de tous les bons coups, ratant une occasion cinq étoiles alors que le marquoir affichait 3-2. Il se racheta toutefois quelques minutes plus tard en étant à la base du quatrième but. Résultat final : 4-2 et 40.000 personnes aux anges de savoir que leur équipe restait bien accrochée au wagon européen.

Il ne figure pas sur le calendrier officiel 2008

En un an, Manchester City a réussi sa mue. En évitant la relégation puis en acceptant l’offre de reprise du milliardaire thaïlandais controversé, Thaksin Shinawatra. Ce dernier n’a pas manqué d’injecter une manne de livres providentielle et a attiré Eriksson, l’ancien entraîneur de l’équipe nationale anglaise Depuis lors, la reconstruction est en marche. Des profondeurs du classement, City est passé aux places européennes. Dans la ville, on parle de Sven Revolution et des DVD portant ce titre et retraçant les premiers mois d’Eriksson à la tête des Sky Blues se vendent un peu partout.

Emile Mpenza a participé à cette révolution.  » Il est apprécié des supporters car il ne refuse jamais une photo ni un autographe. C’est le genre de joueurs que nous aimons car on sent qu’il transpire pour ses couleurs. Il n’est en tout cas pas avare de kilomètres « , lance un supporter de City, tatoué de partout, un verre de bière à la main. Pourtant, Emile n’est pas le chouchou des supporters à en juger par les produits dérivés portant sa griffe. Il ne fait pas partie des douze joueurs retenus pour le calendrier officiel 2008 du club. Pas de traces de maillots à son nom, ni de tasses avec son visage (alors que celles-ci existent pour la plupart des joueurs). Bianchi, plus glamour, a davantage la cote. Tout comme le capitaine Richard Dunne ou le jeune Michael Johnson. Bref, le chouchou des fans s’appelle désormais Elano. Le Brésilien, arrivé cet été du Shakhtar Donetsk a immédiatement suscité les plus vifs compliments. Même son maillot du Brésil est à vendre à la boutique !

Pourtant, Emile Mpenza vit toujours. Il a maintenu le cap et a relevé un challenge qui ne semblait pas facile.  » Il est arrivé en janvier mais on voyait bien qu’il avait un retard de condition « , explique Richard Tanner, journaliste au Daily Express.  » Il venait du Qatar et il faut bien dire qu’on était assez sceptique. On se demandait ce qu’il venait faire ici. On gardait le souvenir de l’Euro 2000, celui d’un bon attaquant. Mais partir aussi jeune au Qatar ne dit rien qui vaille. Après quelques mois, on était convaincu « .

 » Il a en quelque sorte sauvé le club. Il n’a pas inscrit beaucoup de buts mais ses deux réalisations contre Newcastle et Middlesbrough ont rapporté six points alors que le club luttait contre la relégation. De plus, City était en pleine négociation avec des repreneurs potentiels. On lui doit beaucoup « , ajoute l’attaché de presse de City, Paul Tyrrell.

Plus tranchant dans un 4-4-2

Désormais, tous les observateurs le considèrent comme le meilleur attaquant de City.  » Il a incontestablement sa place en Premier League. Peut-être pas dans un club du top comme Manchester United ou Liverpool mais bien dans une formation du subtop. C’est un joueur intelligent qui sait exactement ce qu’il faut faire et à quel moment il faut le faire. Il est puissant, rapide, impressionnant dans les duels et il dispose d’une bonne frappe. Et en plus, son jeu de tête est dans la plus pure tradition anglaise « , claironne Bailey.

Mais derrière ce tableau idyllique, les analystes lui reconnaissent quelques défauts.  » Comme on dit en Angleterre, il n’est pas assez clinical. Il n’a pas cet instinct de tueur dans la surface. Comme contre Bolton, il rate une occasion qu’un vrai buteur ne manquerait jamais « , dit Tanner.  » Il souffre aussi de nombreuses blessures musculaires. Cela et le fait qu’Eriksson ait choisi un système avec un seul avant de pointe sont deux paramètres qui expliquent qu’il n’atteint pas son niveau de la saison dernière. Contre Manchester United, il est rentré dans des conditions difficiles après quelques minutes de jeu à peine. On a loué son engagement et son travail défensif mais on a oublié de dire qu’il ne s’était procuré aucune occasion « , ajoute Bailey.

Quant à la place d’Emile dans le nouveau système, les avis sont partagés.  » Mpenza est un joueur utile car il s’adapte à tous les systèmes. Dans son rôle de pivot, il sait alterner son jeu : soit il pèse sur la défense et ouvre des brèches pour Elano et Martin Petrov, soit il part dans la profondeur « , ajoute Tyrrell.  » Le système à un attaquant lui convient moins que le 4-4-2. Ce n’est pas un hasard si Mpenza a réussi son meilleur match en Coupe avec Bianchi à ses côtés « .

En cas d’arrivée d’un nouvel attaquant, la place deviendra chère.  » Mpenza n’a jamais ménagé sa peine à l’entraînement. Il a déjà réussi à supplanter la première vague de transferts, arrivée en été. Il pourrait très bien en faire de même avec la deuxième « , conclut Tanner. l

par stéphane vande velde – photos: reporters

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