STOP au malentendu

Après avoir traversé une passe difficile, l’ancien Anderlechtois est prêt à rebondir.

L’arrivée d’un nouvel entraîneur charrie souvent son lot de changements. Un vent d’air frais souffle sur le club. Puis, les premières désillusions naissent des choix du nouveau coach. C’est ce qui arrive à Charleroi. Certains éléments considérés comme indéboulonnables il y a encore quelques mois, doivent se résoudre à passer par la case remplaçant. Cyril Théréau, 25 ans, fait partie des malheureux. Sa saison s’apparente à calvaire : manque de confiance flagrant devant le but, maladresse chronique et petits pépins physiques ont miné sa campagne. Aujourd’hui, il n’est plus l’attaquant numéro un des Zèbres. Il a subi de plein fouet les éclosions d’ Habib Habibou et de Mboyo Pelé.

Fait rare contre Anderlecht : vous avez été sifflé par les supporters locaux ET visiteurs. Comment s’en sort-on ?

Cyril Théréau : Ce n’est jamais facile. Mais d’un autre côté, on ne siffle que les joueurs sur lesquels on a placé beaucoup d’espoir. Et puis, il y a de la frustration : on a mis dans la tête des supporters des ambitions qu’on n’a pas su assumer. Ils ressortent leur désarroi de cette façon.

Oui, mais n’avez-vous pas l’impression de constituer le seul bouc émissaire ?

Non, car beaucoup de gens continuent à me soutenir. Et puis, j’ai été supporter de l’OM avant de devenir joueur. Il m’arrivait de critiquer les joueurs. Je sais ce que le fan peut ressentir.

Comment expliquer ces sifflets ?

Car je viens d’Anderlecht et que j’ai été acheté pour une somme que le club n’avait jamais mise pour un joueur. Le club a pris un risque. Et puis, il y a la presse aussi…

La presse carolo ?

Non. Mes problèmes avec la presse ont commencé à Anderlecht. Tout a débuté lors d’un match à Mouscron. J’étais complètement passé à travers et j’ai reçu directement de nombreuses critiques. Il y a eu un rapport de force entre elle et moi et depuis, je tire cela comme un boulet. Même la saison dernière, lorsque j’ai réalisé quelques bonnes prestations lors de mon prêt à Charleroi, j’ai été critiqué.

Est-ce qu’il n’y a pas eu maldonne dès le départ : on vous prend pour un buteur alors que vous ne l’êtes pas…

Cela ne m’est jamais arrivé de marquer 20 buts sur une saison. J’ai toujours tourné autour des 10-12 buts. Je n’ai jamais été un tueur. Je n’ai jamais effectué une saison durant laquelle j’écrasais tout.

Et on ne peut pas dire que vous n’aviez pas prévenu : vous avez toujours avoué ne pas être un vrai buteur…

Attention ! Cela ne veut pas dire que je ne marque pas. Je ne suis pas non plus un médian. Si je suis en confiance, je marquerai toujours. Il ne m’est jamais arrivé d’enfiler 10 rencontres sans inscrire un but. Mais j’aime aussi faire jouer les gens qui sont autour de moi. J’ai toujours offert plusieurs passes décisives sur une saison. Mes entraîneurs ont toujours dit que je faisais bien jouer les autres.

Mais à Anderlecht et à Charleroi, on attendait de vous des buts…

A Anderlecht, il y a vraiment eu un blocage. J’avais l’impression que quand je montais, j’étais obligé de marquer. J’avais l’étiquette d’un buteur qui, s’il ne marque pas, a raté son match. Or, je n’ai pas les qualités d’un Frutos ou d’un Akpala. On m’a toujours reproché le fait de ne pas être assez égoïste devant le but…

… et vous avez essayé de changer la donne ?

Oui mais cela donne un joueur moins attentif à sa prestation technique (ses duels, ses déplacements) pour se focaliser sur le but. Et cela n’est pas mon style. Certains sont forts pour cela. Moi pas. Je ne vois pas le foot de cette façon. Pour moi, c’est vraiment un sport collectif.

 » Quand je rate ce but à Courtrai, tout ce qui s’est passé avant n’existe plus « 

Vous avez conscience que de la bonne prestation des Zèbres à Courtrai, on ne retient que votre raté des dernières secondes ?

Oui. Quand je rate ce but à Courtrai, je sais que tout ce qui s’est passé avant n’existe plus.

Moralement, comment vit-on une telle période ?

Le soir du match à Courtrai, je me demandais si je pouvais encore marquer. Puis, en semaine, j’ai eu une grande discussion avec l’entraîneur et cela m’a fait du bien. Il m’a rassuré sur mes qualités et m’a dit que ce n’était presque pas normal que je me retrouve encore en D1 belge, que je pouvais viser plus haut.

Mais, contre Mons, vous échouez une nouvelle fois en un contre un avant de trouver la faille et de voir votre but annulé…

Oui, mais ce match m’a fait du bien. Pour la première fois depuis longtemps, j’avais de bonnes jambes. J’ai entendu les sifflets. J’ai rigolé jaune mais j’ai réussi à surmonter cela.

Comment expliquez-vous votre saison noire ?

Dès que je suis arrivé en juin, j’ai connu des problèmes aux adducteurs. Je me sentais dans l’obligation de jouer car le club avait fait un effort financier. Pendant tout le premier tour, j’ai forcé. Je n’ai pas fait un match, ni un entraînement sans avoir mal. Ensuite, j’ai commencé à rater beaucoup d’occasions. Si je les mets toutes au fond lors des cinq premiers matches, j’aurais totalisé huit buts. La confiance a alors progressivement disparu.

Pourtant, du fait de votre gros transfert, vous avez bénéficié davantage de crédit…

Ce n’est pas mon contrat qui faisait que j’étais un intouchable. Avec les semaines d’entraînement que je réalisais, il aurait été difficile pour l’entraîneur de ne pas m’aligner.

Aujourd’hui, ce n’est plus suffisant. Vous êtes passé de numéro un à numéro trois…

Oui. Pour l’instant, il y a des attaquants plus efficaces. Je vais essayer de regagner ma place.

Est-ce que votre statut de remplaçant ne vous enlève pas un poids sur les épaules ?

( Il réfléchit) Peut-être. Ça me permet de souffler après deux ans difficiles. Je peux davantage travailler individuellement et physiquement. Mais je ne suis pas ici pour me satisfaire de cette situation.

N’êtes-vous pas quelqu’un qui préfère un certain anonymat ?

Non, non. En Roumanie, j’étais tous les jours dans les journaux. On m’arrêtait sans cesse dans la rue et cela ne constituait pas un problème. C’est ma franchise qui fut parfois un problème. Comme par exemple de dire que je n’étais pas un buteur à des moments où j’aurais dû me taire…

 » Il est plus facile de réussir aujourd’hui à Charleroi. Même remplaçant… « 

Le changement d’entraîneur ne vous fut pas bénéfique ?

Je ne le vois vraiment pas comme un tournant négatif.

Mais vous n’êtes plus titulaire !

Non, mais le changement d’entraîneur a apporté quelque chose de différent. Il nous a sorti de notre routine. Actuellement, je me sens bien aux entraînements et je baigne dans un contexte où il est plus facile de réussir à Charleroi. Même en étant remplaçant, car l’équipe est plus complète suite à l’arrivée de joueurs comme Christophe Grégoire ou le retour de Majid Oulmers. Je me sens mieux dans la vie de tous les jours car quand je parle à l’entraîneur, il a toujours une grande confiance en moi. C’est paradoxal d’avoir confiance en quelqu’un qui ne joue pas mais tant que je ressens et comprends le message de l’entraîneur…

Vous avez décidé ces derniers temps de mettre les choses au point dans la presse. Pourquoi ?

Certaines critiques m’avaient touché. J’assume le fait qu’on critique mes prestations mais parfois, j’avais l’impression que l’on me jugeait uniquement sur mes trois premiers matches en Belgique. Ma carrière n’a pas commencé et ne s’est pas limitée à la Belgique. Quand on parle d’échec au Steaua, je prends cela comme une blague. J’ai marqué 10 buts en 17 matches. J’ai été élu meilleur étranger du Steaua récemment.

Seul Jacky Mathijssen a su utiliser votre potentiel en Belgique. N’auriez-vous pas dû signer à Bruges ?

Mais je n’avais que Bruges en tête ! A un moment donné, Bruges m’a dit que le prix était trop élevé. Et j’ai eu un moment de panique. La proposition d’Anderlecht est arrivée. Cela s’est réalisé en deux heures. Je n’ai pas eu vraiment le temps de réfléchir. C’est vrai que quand j’ai signé à Anderlecht, Mathijssen avait déclaré que je n’étais ni Frutos, ni Tchité. Lui avait réussi à me cerner.

Pourquoi êtes-vous revenu à Charleroi ?

C’est un club familial. Là, par exemple, je sors du resto avec Mehdi Bayat. Cela se passe comme ça ici. Et c’est cela que je suis venu chercher : être moi-même devant les gens qui me paient. A Anderlecht, ce n’était pas possible. En Roumanie, non plus.

Avez-vous pensé partir, après votre début de saison raté ?

Oui. Dans ma tête, je revenais pour jouer dans une équipe aux objectifs élevés et retrouver l’atmosphère de mes six mois de prêt. Mais à cause des résultats, je n’ai pas vraiment retrouvé cela. En novembre, décembre, je ne savais pas trop faire. Je me suis dit qu’un changement de club aurait été positif. J’ai discuté avec ma famille et des personnes de confiance. Elles m’ont dit que je devais faire taire les critiques. Je veux quitter Charleroi la tête haute.

N’êtes-vous simplement pas resté car vous n’aviez pas d’offre ?

Non, je ne reste pas à Charleroi parce que j’y suis obligé. J’aurais pu signer dans n’importe quel club de Roumanie car là-bas, j’ai laissé une bonne impression.

par stéphane vande velde

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