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Stars Allianz

Le Bayern a investi plus de cent millions cette saison. Il met Carlo Ancelotti sous pression. Surtout parce que l’entraîneur a fortement insisté sur le transfert du Colombien James Rodriguez, dont l’arrivée à l’Allianz Arena a un aspect commercial.

Thomas Müller personnifie le Bayern. Il a effectué ses débuts en équipe première en 2008, il a disputé 253 matches de championnat et marqué 95 buts depuis. Müller est un vrai Bavarois : il apparaît toujours à l’Oktoberfest en Lederhose, dans le costume traditionnel. Thomas Müller est un homme heureux. International à 85 reprises, il ne peut imaginer se produire pour un autre club. Il a prolongé son contrat jusqu’en 2021 il y a deux ans, juste après que le club eut repoussé une offre de Manchester United. Le club anglais était prêt à débourser cent millions d’euros.

Tout peut changer très vite. La saison passée, Thomas Müller est resté sous son niveau. Il n’a trouvé le chemin des filets qu’à 5 reprises, même s’il a délivré 14 assists. Il a fait banquette trop souvent à son goût. Reste à voir s’il y a encore une place pour Müller dans la capitale bavaroise, car le champion semble être en proie à une crise aiguë de shopping.

Il loue pour deux ans James Rodriguez au Real, pour une position centrale dans l’entrejeu. À la demande expresse de son entraîneur, Carlo Ancelotti, qui a travaillé avec le Colombien à Madrid, où Rodriguez était sur une voie de garage sous la houlette de Zinédine Zidane.

Cap sur l’Amérique du Sud

Bien qu’on présente James Rodriguez comme un médian polyvalent, il semble que le Colombien va opérer à la place de Müller, dans le dos du buteur polonais Robert Lewandowski. Certainement dans un premier temps. C’est que l’arrivée de Rodriguez a aussi une connotation commerciale : le Bayern espère ainsi prendre pied en Amérique latine et y découvrir de nouveaux marchés. Or, la popularité de Rodriguez en Colombie est énorme.

Jusqu’il y a peu, les amateurs de football se baladaient dans les rues de Bogota et bien au-delà dans un maillot du Real, au nom de James. Rodriguez est une véritable machine à sous pour Adidas en Amérique du Sud. Il fait partie des footballeurs les plus populaires, aux côtés de Lionel Messi, Luis Suarez et Neymar. Le Bayern a engagé un aimant.

James Rodriguez a 13 millions de suiveurs sur Twitter, soit plus que les quatre champions du monde allemands du Bayern réunis : Matts Hummels, Jérôme Boateng, Manuel Neuer et Thomas Müller totalisent onze millions de suiveurs.

L’arrivée de James Rodriguez ouvre donc de nombreuses portes au Bayern. Le puissant club se retrouve dans une autre atmosphère et il le remarque à sa progression sur les réseaux sociaux. Le Bayern agrandit son territoire. La Colombie compte 48 millions d’habitants, l’Amérique latine en dénombre un demi-milliard. Le Bayern vient d’effectuer une tournée de douze jours en Asie, pimentée de matches en Chine et à Singapour ainsi que de nombreuses obligations en marketing.

Il semble qu’il prépare une tournée en Amérique du Sud l’année prochaine. C’est pour ça que l’accord conclu avec le Real comporte une option d’achat : en 2019, le Bayern peut transférer Rodriguez à titre définitif pour 38 millions, une somme nettement inférieure aux 80 millions déboursés par les Madrilènes l’été 2014.

Débours record pour Tolisso

Reste à voir si James Rodriguez va retrouver la forme qu’il détenait quand il est devenu le meilleur réalisateur du Mondial 2014. Il a souvent fait banquette au Real et il n’a même pas été repris dans le noyau pour la finale de la Ligue des Champions. Il n’atteint plus son niveau d’antan en équipe nationale non plus, ce qui lui a valu quelques piques.

Carlo Ancelotti ne manque pas d’alternatives dans l’entrejeu. Normalement, Arjen Robben et Franck Ribéry sont des certitudes sur les flancs, même s’ils sont fragiles. Au milieu défensif, l’Espagnol Thiago est incontournable et pour le poste à ses côtés, comme Xabi Alonso a mis un terme à sa carrière, le Bayern a enrôlé un autre gros braquet, le Français Corentin Tolisso (22 ans), transféré pour 41,5 millions de l’Olympique Lyon, ce qui fait de lui l’achat le plus cher de l’histoire du club.

Ancelotti a également insisté pour que le Bayern réalise ce transfert. Il a même téléphoné à Tolisso. Le médian, qui possède une forte personnalité, est très polyvalent, il peut ralentir ou accélérer le jeu et son tir est excellent. Il doit assumer un rôle plutôt défensif.

Il reste donc les positions centrales. Destinées à James Rodriguez ou à Thomas Müller. Le Chilien ArturoVidal, transféré de la Juventus pour 35 millions en 2015, aura du mal à s’imposer. Quel avenir a encore Renato Sanches, engagé la saison précédente ? Le Portugais a été une révélation à l’EURO 2016. Peu après, le Bayern a même déboursé 35 millions pour le défaire de son contrat de cinq ans à Benfica.

Sanches s’est difficilement intégré, il a ralenti le jeu, il a trop souvent cherché sa gloriole personnelle et a peu joué mais il n’a pas encore vingt ans et il reste une option d’avenir, de même que le médian français Kingsley Coman (21 ans), loué pour deux ans par la Juventus et maintenant sous contrat jusqu’en juin 2020.

Un Ancelotti plus sévère

Carlo Ancelotti dirige donc une véritable flotte de vedettes, cette saison. L’Italien ne se facilite pas la tâche mais il est considéré comme un entraîneur capable de conférer un sentiment positif à chacun. Il l’a déjà prouvé au Real et, la saison passée, il n’y a pas souvent eu de frottements au sein du noyau. Pourtant l’Ancelotti qui a entamé la préparation a changé en l’espace d’un an.

On lui a reproché de laisser passer trop de choses, d’être faible et de traiter une série de joueurs avec une camaraderie excessive. Ses cheveux blancs et son air paisible lui confèrent des allures de père mais l’Italien s’est fait plus sévère et plus énergique. Pendant ses vacances à Vancouver, au Canada, la patrie de son épouse, il a réfléchi à tout. Dans le plus grand calme car Carlo Ancelotti occupe son temps libre en pêchant, sa grande passion.

Il est revenu avec la volonté d’augmenter le nombre d’entraînements. Les joueurs l’ont déjà senti les dernières semaines : ils se sont entraînés nettement plus durement que dans le passé, ils ont ruisselé de sueur et certains se sont ensuite traînés dans le vestiaire. Le Bayern poursuit un objectif : gagner le titre, la coupe mais surtout la Ligue des Champions.

Pour ce faire, il a donc rassemblé une palette de stars en bordure de l’Isar. À tel point qu’il a dû revoir ses plans. Serge Gnabry, un international venu du Werder Brême, à peine engagé, a pris peur devant la fringale du Bayern et a supplié le club de le louer, craignant de ne pas jouer souvent. Le Bayern a accepté et a casé l’ailier à Hoffenheim, le club dont il a transféré les internationaux Sebastian Rudy et Niklas Süle. Mais quel sera leur rôle ? Rudy est un médian de 26 ans, tactiquement fort, qui était libre, tandis que Süle, un défenseur central de 21 ans, a coûté 25 millions. Il intéressait plusieurs clubs de format européen.

Question : combien de temps de jeu vont-ils recevoir ? La défense est très étoffée aussi. Au centre, Matts Hummels et Jérôme Boateng sont des piliers et il y a encore l’Espagnol Javier Martinez. Süle est donc le numéro quatre. Les flancs semblent occupés. À gauche, l’international autrichien David Alaba est intouchable et, pour remplacer Philipp Lahm, qui a pris sa retraite, il semble qu’Ancelotti mise sur Joshua Kimmich, un médian défensif reconverti par Pep Guardiola. Kimmich a été un des piliers de l’équipe nationale allemande, lauréate de la Coupe des Confédérations en Russie. Le Brésilien Rafinha et l’Espagnol Juan Bernat peuvent également occuper les flancs.

L’embarras du choix

Par contre, le Bayern ne regorge pas d’attaquants. Le Brésilien Douglas Costa a été prêté à la Juventus, ce qui signifie que tout le poids de l’attaque va reposer sur les épaules de Robert Lewandowski. L’attaquant polonais a suscité un certain émoi : il se serait plaint, via son manager, d’avoir été trop peu soutenu la saison passée pour redevenir le meilleur buteur de Bundesliga.

Lewandowski a échoué à un but de Pierre-Emerick Aubameyang (30 buts à 31), du Borussia Dortmund. Le Bayern a qualifié de fables les plaintes du manager. En interne, jamais Lewandowski n’a d’ailleurs fait la moindre remarque. Malgré tout, le Bayern s’est un moment intéressé à Alexis Sanchez, le Chilien d’Arsenal, mais le salaire annuel requis par celui-ci – 25 millions – a fait reculer le Bayern, qui refuse de mettre en péril sa structure financière.

Ce Bayern pourrait aligner deux équipes sans problème. Son noyau compte vingt internationaux. Carlo Ancelotti estime que cette concurrence avivée est un élément crucial dans le développement du club. Il ne donne de garanties à personne, pas plus à James Rodriguez qu’aux autres, a-t-il martelé. L’entraîneur est sous pression. Il ne peut pas se permettre le moindre faux-pas, sous peine d’être confronté à un flot de critiques.

Car le Bayern a beau avoir fêté son cinquième titre d’affilée en mai, ça ne lui suffit pas du tout. Il a loupé la finale de la coupe d’Allemagne et a trébuché en quarts de finale de la Ligue des Champions.

Un glissement de terrain s’est produit sans faire de vagues : l’ancien footballeur français Willy Sagnol est le nouvel adjoint d’Ancelotti, auquel on reproche de s’être trop entouré de compatriotes, parmi lesquels son fils. La direction a donc offert une promotion à Sagnol, qui parle très bien… l’italien. Il n’était pourtant pas le premier choix : le Bayern a proposé la place à Philipp Lahm et à Xabi Alonso, qui ont décliné l’offre.

Le vide laissé par le départ de ces deux joueurs est passé inaperçu au milieu de tous les transferts. Le Bayern était de toute façon obligé de rajeunir ses troupes et il l’a fait. Il aurait encore conclu un accord avec un autre joueur, pour la saison prochaine : Leon Goretzka (22 ans, Schalke 04), une des grandes révélations de l’Allemagne pendant la Coupe des Confédérations.

Mais Goretzka évolue dans l’entrejeu. Il n’est donc pas impossible qu’il revienne sur sa décision, d’autant que la plupart des footballeurs allemands issus d’un autre club ont un mal fou à s’imposer au Bayern, comme l’a encore montré le cas de Mario Götze, un grand talent. Transféré du Borussia Dortmund l’été 2013 pour la somme limitée de 37 millions, il y est retourné trois ans plus tard, ses valises remplies de désillusions.

PAR JACQUES SYS – PHOTOS BELGAIMAGE

L’arrivée de James Rodriguez permet au Bayern d’aborder le marché d’Amérique du Sud.

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