STANDARD K.O.

Il y a des déroutes qui en disent long sur le talent, les options tactiques, le moral des troupes et les inquiétudes d’une équipe.

Largué à 20 points de son adversaire mauve au classement, le Standard file du mauvais coton. Le Clasico fut rythmé par des faits imprévus qui ne cachent pas une évidence : la petite trêve hivernale n’a pas permis aux Liégeois de résoudre leurs nombreux problèmes chroniques. C’était le moment de redresser la tête et de maîtriser les événements. Ils avaient la triste habitude de réussir les matches importants avant de craquer face aux petits poucets de la D1. Cette fois, après avoir dilapidé 13 points à domicile (4 succès, 1 défaite, 5 nuls), le tenant du titre a mis genou à terre devant le ténor du stade Constant Vanden Stock.

Au terme de cette démonstration d’impuissance, il se murmurait dès dimanche qu’un éloignement était forcément de plus en perceptible entre la direction et son coach. Cette défaite dans les chiffres, et surtout dans la manière, a-t-elle relancé la marche de l’histoire ? La question est récente et ancienne à la fois et pose les responsabilités de chacun, des fauteuils de la direction aux banquettes du vestiaire des joueurs et du staff technique.

La dégelée essuyée face à Anderlecht avait donc un goût de faillite collective pour un coach aux traits inquiets et semblant seul face à ses problèmes après le dernier coup de sifflet du match. Quelles sont les racines du mal qui ont permis à Anderlecht de se promener (0-4) dans l’enceinte de son ennemi héréditaire et de lui infliger un knock-out ?

1. L’exclusion d’Axel Witsel

La nouvelle carte rouge encaissée par Axel Witsel en fin de première mi-temps constitue sans aucun doute le grand tournant du Clasico. Maigrichonne depuis la blessure de Steven Defour (qui avait enfin repris place sur le banc des réservistes avant de retrouver bientôt la compétition ?), la ligne médiane a été décapitée. Le c£ur de l’équipe ressemblait désormais à une bûche de Noël. Lucas Biglia et ses équipiers la découpèrent quand bon leur sembla : la crème au beurre ne pouvait pas leur échapper. Johan Verbist a pris ses responsabilités sans hésiter et sans se rendre compte sur le moment que le fautif n’était autre que Witsel avant de se perdre dans la compensation. C’était la cata après ce qui s’était passé au match aller.

La plupart des observateurs et autres analystes, Marc Degryse, Wim De Coninck et Bertrand Crasson en tête, ont estimé que la sanction était trop sévère ou même qu’il n’y avait pas faute du Liégeois. Gert Verheyen, lui, ne partageait pas leur avis. Le Standardman était le premier sur le ballon. Roland Juhasz, en retard, l’a percuté. C’est ce qui explique en partie sa blessure. L’arbitre n’a-t-il vu que le tackle de Witsel ? C’est possible. Mais il n’empêche que le Standarman a manqué de jugeote sur cette phase de jeu. Il devrait savoir que les semelles sont plutôt mal vues… Sans revenir sur ce qui s’était passé au match aller, on rappellera que le Liégeois avait aussi été exclu le 1er avril 2009 par l’arbitre slovaque Vladimir Hrinak à la 61e minute de la rencontre Bosnie-Belgique pour tacle dangereux (jambe tendue, pied en avant) sur Senijad Ibricic.

Son coach, Laszlo Bölöni, s’est demandé si son milieu de terrain pouvait encore évoluer en Belgique. On peut comprendre son inquiétude mais quand trois arbitres ( Jérôme Nzolo, Hrinak et Johan Verbist) montrent en moins d’un an la porte de sortie au même joueur, c’est significatif. Witsel a de la classe à revendre et il doit expurger son jeu d’interventions qui n’ont rien de commun avec son talent. Sans lui, à 10 contre 11, le Standard ne pouvait plus rien espérer.

2. Un jeu posé trop bas

La richesse européenne du Standard est devenue sa pauvreté en championnat. La saison passée, le 4-2-3-1 prôné par Bölöni a fait merveille sur les différentes scènes internationales. Motivée comme jamais, l’équipe tournait à haut régime et la reconversion offensive était fulgurante après la conquête du ballon. Petit à petit, l’attaquant de pointe ( Dieumerci Mbokani) s’est de plus en plus souvent retrouvé isolé sur son île. Et cela s’est répété contre Anderlecht. Le Congolais a dû plonger de plus en plus sur les ailes. Seul contre quatre ou cinq Anderlechtois, il n’avait aucune chance car que ce soit dans l’axe ( Igor de Camargo) et les couloirs ( Mehdi Carcela et Wilfried Dalmat), le soutien venait de trop loin. C’était du gâteau pour les Bruxellois qui n’en demandaient pas tant.

A l’intérieur du club, les canaux les plus importants ont signalé au coach, jusqu’à lassitude, que son occupation du terrain n’était pas assez ambitieuse. Les problèmes de géométrie tactiques ont été mis en perspective depuis belle lurette. Les joueurs ont souvent réclamé la pratique du 4-4-2 en championnat. C’est le cas de Milan Jovanovic et d’ Olivier Dacourt, deux éléments ayant du vécu et qui savent qu’on peut jouer bas contre Arsenal mais pas en D1 où le Standard doit être dominant. Les autres ne disent rien ou plus rien. Mais un coach n’abandonne pas facilement les recettes de ses succès, nombreux dans le cas de Bölöni. Les entraîneurs sont souvent têtus. Bölöni l’est autant que Michel Preud’homme le fut. Le 0-4 serait passé plus facilement si l’équipe s’était alignée dès le départ avec deux attaquants. Les patrons voulaient la manière. Même si des impondérables ont pollué les débats, le style et la forme ont fait défaut. Cela ferait un petit temps que cela gênerait les hautes instances du club. Il y a de la rumba dans l’air. Ou un refrain de symphonie inachevée ?

Les statistiques ne mentent pas : le Standard n’a forcé aucun corner en 90 minutes pour neuf dans le chef d’Anderlecht. C’est probablement un chiffre qui a retenu l’attention des décideurs et constitue la preuve, même à 10 contre 11, que la division offensive était trop maigre. Le constat n’aurait pas changé même si Mbokani n’avait pas raté la transformation d’un penalty imaginaire. On ne peut pas gagner un match au sommet en n’étant pas assez offensif.

3. Une défense en carton pâte

La ligne défensive du Standard a désormais de plus en plus de problèmes. Victor Ramos et Felipe, sans oublier Ricardo Rocha, sont passés à la trappe et le Standard a revu avec le retour d’ Eliaquim Mangala dans l’axe avec une mission : neutraliser Romelu Lukaku. La jeune tour offensive d’Anderlecht a mangé la laine sur le dos de tous les arrières liégeois. Sur le premier but, il a transformé Marcos, Mohammed Sarr et, surtout Mangala en petit bois pour le feu. Personne ne gêna Jelle Van Damme dans sa reprise de la tête. De plus, Jonathan Legear, auteur de l’ouverture du score, a réagi plus rapidement que Landry Mulemo, sur le ballon dégagé par Sinan Bolat.

Jeune, Mangala manqua de malice. Il aurait dû être patient au lieu de relever le défi avec Lukaku. Sarr n’est plus que l’ombre de celui qui avait signé tant de grands matches aux côtés de celui qui n’a jamais été remplacé : Oguchi Onyewu. La muraille de Sclessin n’est plus qu’une bordure de rien du tout. Et sans un excellent Sinan Bolat, la défaite aurait été infiniment plus lourde. Les deux buts contre leur camp ( Traore et Mangala) sont venus s’ajouter à la terrible perméabilité du tissu défensif liégeois.

4. Un effectif insuffisant

Sans Jovanovic et Defour, le noyau manque singulièrement de profondeur et c’est la grande faiblesse du Standard. La différence entre le banc des Liégeois et celui d’Anderlecht résume tout. Ariel Jacobs a eu une marge de man£uvre autrement plus vaste que celle de Bölöni. Le registre global est d’autant plus limité quand des pierres angulaires ne peuvent être utilisées. Dans l’entrejeu, Defour est aussi indispensable qu’un bon sirop pour réussir des boulets à la sauce liégeoise. Sans lui, Carcela est le meilleur passeur du Standard avec trois assists seulement. C’est trop peu et cela symbolise l’anémie du jeu. Personne n’a lié la sauce contre Anderlecht, comme si personne n’était capable de penser le jeu.

La plupart des transferts sont des échecs : Dacourt, Traore, Rocha, Ramos, Felipe, etc. Aucun n’a apporté de valeur ajoutée à l’effectif. L’arrivée de Dacourt a même limité le temps de jeu de Benjamin Nicaise, le meilleur dans le jeu du Standard dimanche passé. Dans ces conditions, les jeunes doivent assumer des responsabilités encore trop lourdes pour leurs épaules. Les exemples ne manquent pas et en plus de Mangala, invisible contre Anderlecht, on a relevé le manque de piment dans le jeu de Carcela. A son âge, il ne peut absolument pas être comparé à Jovanovic. C’est le jour et la nuit et rien de plus normal au vu de la différence d’âge. La jeunesse du Standard n’est pas prête pour le top niveau et Bölöni a toujours affirmé que tout le travail de post formation plomberait ses résultats. Il a sans cesse demandé des renforts et on lui a refilé, dit la rumeur, des vieux canassons et des bourrins trop limités pour gagner le moindre tiercé à l’hippodrome de Ghlin.

En un an et demi, Böloni a quand même perdu Onyewu, Dante et Marouane Fellaini qui auraient survolé Standard-Anderlecht. Fellaini est désormais un des meilleurs milieux défensifs d’Angleterre. Bölöni a dû gérer cette fuite de talents même si on ne partage probablement pas son point de vue dans les hautes sphères du club. Les décideurs savent parfaitement que l’effectif recèle ses propres limites. Surtout que les éléments plus moyens ne tournent désormais qu’à 70 ou 80 % de leur potentiel. A du 150 % et emmenés par de grosses individualités (désormais trop peu nombreuses), ils sont intéressants. Mais si l’intensité de leur production diminue, ils n’ont pas le niveau requis par le Standard.

5. Pas de mouvements sur les ailes

Si le Standard a été étouffé au centre, il ne reste rien d’une de ses forces : les mouvements sur les ailes. On ne voit plus Marcos à droite où Dalmat doit se reprendre. Ce couloir est barré et il en va de même à gauche. Ces zones dépendent de la qualité de jeu et de ce qui se fait au centre de la pelouse.

Koen Daerden rendra-t-il du tonus à gauche ? Peut-être. Sherjill Mac Donald aurait pu être intéressant. Le Standard et le Germinal Beerschot avaient trouvé un terrain d’entente mais le joueur a repoussé l’idée d’un transfert. Il gagne mieux sa vie au Kiel (où il est recentré sur le terrain) par rapport à ce qu’on lui proposait à Sclessin. Or, un tel joueur aurait pu enflammer les ailes du Standard….

par pierre bilic

« Carcela est le meilleur passeur avec trois assists : cela symbolise l’anémie du jeu. »

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