St. Gomes et le miraculé

Demi-finale retour après la victoire par 2-0 des Italiens chez eux : les gardiens brésiliens vont avoir du boulot !

Au Brésil, un gardien de but qui s’illustre par quelques arrêts déterminants est rapidement considéré comme un saint. ClaudioTaffarel en a fait l’expérience lorsqu’il qualifia la Seleçao pour la finale de la Coupe du Monde 1998 aux dépens des Pays-Bas, lors de la séance de tirs au but.

HeurelhodaSilvaGomes (23 ans), devenu le dernier rempart du PSV Eindhoven cette saison, pourrait également en parler :  » Lors de la finale de la Coupe du Brésil, avec Cruzeiro, j’avais livré une prestation fantastique contre Flamengo. Le commentateur de la télévision s’exclama à plusieurs reprises : – SaintGomes, s aintGomes, s aint Gomes ! Les gardiens brésiliens sont souvent très croyants et s’adonnent à toutes sortes de rituels. Personnellement, avant chaque match, j’essaie toujours de sauter plusieurs fois le plus haut possible au-dessus de la latte. De cette manière, je me sens grand et j’ai l’impression que je pourrai atteindre facilement tous les coins de ma cage. Ensuite, je récite pour moi-même une prière. Je suis très croyant, moi aussi. Je lis la Bible et je pratique la religion très sérieusement. Un gardien se retrouve souvent isolé, et pour cette raison, il recherche un partenaire qui peut lui apporter du soutien. Je suis loin d’être une exception au Brésil, et l’expression de saint est dès lors très répandue. Aux Pays-Bas, c’est moins le cas : on ne sanctifie pas les footballeurs et on les idolâtre beaucoup moins également. Je trouve cela positif. Il y a moyen de vivre sa vie plus normalement, on peut se balader tranquillement en rue sans être importuné. Au Brésil, c’est exclu : après deux bons matches, il n’est déjà plus possible d’aller faire ses courses !  »

Aux Pays-Bas, apparemment, il ne rencontre aucun obstacle pour se rendre au supermarché : une carte de réduction est même attachée à son trousseau de clefs.  » Je n’ai rencontré aucun problème d’adaptation « , confirme-t-il.  » Ce groupe m’a rapidement accepté. On me traduit même les blagues que l’on raconte dans le vestiaire, afin que je puisse en profiter également. Je ne me sens pas isolé. J’aime parler et c’est d’autant plus agréable lorsqu’on reçoit une réponse. J’essaie d’apprendre la langue par la télévision et les journaux. Ma première impression des Pays-Bas remonte à un voyage que j’avais effectué à Amsterdam, avec Cruzeiro. J’étais rentré au Brésil en gardant le souvenir d’une langue incompréhensible et d’un froid persistant. C’est la première chose qui m’est revenue à l’esprit lorsque le PSV m’a contacté. J’avais l’avantage qu’ Alex et Leandro jouaient déjà ici. J’avais fait la connaissance d’Alex en équipe olympique et on s’était lié d’amitié. D’autres clubs s’intéressaient à moi, au Brésil et à l’étranger. Mais je me suis blessé à la main et beaucoup ont hésité. Le PSV a continué à défendre ma candidature et cela m’a donné confiance : si le club était toujours disposé à m’engager, malgré ma blessure, c’est qu’il me voulait vraiment.

Sur le terrain, j’ai dû procéder à quelques adaptations. La grosse différence avec le Brésil, c’est qu’ici, les gardiens doivent également être capables de jouer au football. Au Brésil, leur rôle se limite à arrêter les tirs adverses. Si le ballon leur arrive dans les pieds, ils se content de donner un grand coup de botte. Aux Pays-Bas, lorsqu’un gardien reçoit le ballon dans les pieds, l’attaquant adverse exerce directement un pressing. Il faut s’y habituer. Mais j’y travaille avec l’entraîneur des gardiens, JoopHiele « .

Un avis partagé par GuusHiddink, l’entraîneur du PSV :  » Lors d’une tournée en Amérique du Sud, récemment, j’ai pu constater l’évolution des gardiens brésiliens. Dans les matches auxquels j’ai assisté, ils m’ont donné l’impression d’être très calmes. Ils possèdent aussi un très bon dégagement en demi-volée. Chez nous, on insiste sur la précision de la relance. Au Brésil, beaucoup moins : un dégagement puissant et lointain suffit. Gomes a dû s’y habituer. Comme à la pression exercée par les attaquants adverses. Au Brésil, elle est inexistante : l’adversaire se replie en cas de perte de balle. Mais Gomes est un perfectionniste. Lorsqu’on lui demande de travailler sa relance, il veut trop bien faire. J’ai lu quelque part qu’il était arrivé, précédé de la réputation d’un clown. Je le regrette profondément, car c’est fort mal le connaître « .

Gomes rêvait évidemment d’être attaquant…

 » Gomes provient d’un pays où la culture footballistique est très différente « , confirme l’entraîneur des gardiens Joop Hiele.  » En Europe, il a découvert certaines habitudes, qui sont tout à fait normales pour nous, mais qui sont nouvelles pour lui. Il s’est bien adapté, mais il lui faudra tout de même un certain temps pour se fondre totalement dans le moule européen. Au Brésil, une passe en retrait est perçue de manière négative, alors qu’aux Pays-Bas, c’est l’amorce de la construction. Sur les corners et les centres, il est confronté à des situations nouvelles également. Au Brésil, il y a moins de remue-ménage dans le rectangle. En plus, Gomes doit diriger ses partenaires en néerlandais. Tout est neuf pour lui. Mais, avec sa technique de plongeon, ses réactions et sa détente, il a beaucoup d’atouts. Il ne peut que progresser « .

Comme tous ses compatriotes, il rêva dans un premier temps de devenir un marcadordegoles.  » Lorsque je jouais dans la rue et dans le club amateur de mon patelin, j’ai commencé comme attaquant. Mais, un jour, mon club s’est retrouvé sans gardien et j’ai pris place entre les perches. J’ai livré une prestation de classe mondiale. Au départ, je n’aimais pas trop le job, mais plus on arrête des ballons, plus on y trouve du plaisir. Aujourd’hui, je ne voudrais échanger ma place pour rien au monde. Au Brésil, l’admiration pour les gardiens de but est devenue plus grande que par le passé. C’est dû aux exploits de Taffarel et de Dida, qui ont gagné des matches importants pour la Seleçao. Mon modèle est Dida, davantage que Taffarel. J’ai toujours été un supporter de Cruzeiro, le club dont il défendait les filets. J’admire le calme dont il témoigne entre les perches. Ce calme se répercute sur ses défenseurs. J’aimerais que l’on puisse dire la même chose de moi, à l’avenir. L’avènement des gardiens brésiliens peut s’expliquer, car l’organisation s’est nettement améliorée au Brésil. Les clubs travaillent de manière bien plus professionnelle. Désormais, on voit des entraîneurs de gardiens partout. Même chez les jeunes, les gardiens reçoivent des entraînements spécifiques. C’est une petite révolution. Et on voit apparaître une nouvelle génération de gardiens, dont la plupart ont à peine 20 ans. Personnellement, je n’ai participé à mon premier entraînement spécifique qu’il y a quelques années. Je suis devenu professionnel sur le tard. J’en avais toujours rêvé. J’ai été transféré à Cruzeiro à 19 ans, et j’en ai 23 actuellement. Tout est allé très vite. Après une année à Cruzeiro, j’étais déjà le titulaire de l’équipe olympique. Apparemment, je dois avoir beaucoup de talent. Surtout si l’on songe que seuls deux gardiens brésiliens ont atteint le plus haut niveau en Europe : Taffarel et Dida. Pour un gardien, un transfert en Europe se révèle plus ardu que pour un joueur de champ. Je n’en apprécie que plus mon passage au PSV, dans un pays qui a la réputation d’avoir toujours formé de bons gardiens. Je suis en tout cas déjà entré dans l’histoire en devenant le premier gardien brésilien du championnat des Pays-Bas « .

De Leeds à Manchester

Lorsqu’en mai 2003 à Manchester, il a soulevé la Coupe d’Europe, NelsonDeJesusSilva, alias Dida (31 ans), tenait sa revanche. D’accord, cette coupe ne constitue pas un chef-d’£uvre de l’art moderne mais qu’est-ce qu’elle brille ! Rien qu’en restant à côté d’elle, le gardien de Milan était tout illuminé.

 » Qu’est-ce qu’elle est belle. On peut même se voir dedans « , lança-t-il tout ébahi avant de la prendre dans ses longs bras et de donner l’impression de la chouchouter comme un nouveau-né. Pour Dida (1,95 m- 85 kg), ce titre européen conquis contre la Juventus aux penalties (il en a arrêté trois) après un 0-0, à Old Trafford ne constitue pas seulement un bon souvenir, c’est avant tout un moment historique. Il suffit de suivre l’aventure du Brésilien sur le Vieux Continent pour remarquer que la Ligue des Champions a toujours été son baromètre. Grand protagoniste de la finale de Manchester, c’est précisément dans ce même tournoi que, trois ans plus tôt, le Brésilien fut à deux doigts de voir son aventure au Milan tourner court.

Christian Abbiati, le gardien titulaire, étant parti à Sydney avec l’équipe olympique, Dida fut logiquement titularisé par AlbertoZaccheroni, l’entraîneur de l’époque. C’était le 19 septembre 2000 à Leeds où, sous le déluge, le gardien brésilien commettait une énorme bourde qui faillit mettre un terme à sa carrière en Italie.

 » Que voulez-vous ? Ce sont des choses qui arrivent. Je me suis trompé d’une manière tellement énorme que je me suis dit que ce ne pouvait être qu’un simple accident de parcours « , soupire-t-il.  » Evidemment, sur le moment cela m’a fait mal parce que nous avions perdu et que je n’avais pas pu aider mes compagnons comme j’aurais dû le faire. Dommage, parce que nous étions en train de livrer une belle partie et tout allait bien jusqu’à ce moment-là soit à deux minutes du terme quand LeeBowyer décocha un tir assez mou des 25 mètres. J’étais bien placé pour capter le ballon mais celui-ci glissa sur mes gants et alla se loger dans le fond du but « .

Une erreur qui coûta la défaite au Milan contre les Anglais et compliqua sa tâche mais ne l’empêcha toutefois pas d’arracher son billet pour le deuxième tour dans le groupe composé de Leeds, l’autre qualifié, Barcelone et Besiktas.

Cette erreur à Elland Road lors de sa première prestation sous le maillot des Rouge et Noir allait quand même poursuivre longtemps le garçon né à Ibara, dans la région de Bahia, le 7 octobre 1973. Il a fallu trois ans à Dida pour dissiper le voile de méfiance qu’il avait suscité à Leeds.

Car il y eut aussi l’affaire de son deuxième passeport û un faux portugais û qu’il produisit pour pouvoir être considéré comme européen. L’enquête (qui toucha aussi d’autres joueurs sud-américains) déboucha en juin 2001 sur une suspension de deux ans pour Dida. Le joueur alla en appel et continua à jouer. Un an plus tard, ses managers, Oscar Damiani et Edinho, furent reconnus coupables et Dida acquitté. Cette décision fit grand bruit en Italie. Elle était considérée comme une largesse à l’égard du joueur et aussi de Milan qui, contrairement à l’Inter, avait dû se priver quelques mois d’ AlvaroRecoba. Pour de nombreux Italiens, il s’agissait d’un nouvel abus de pouvoir de SilvioBerlusconi, à la fois président du club et Premier ministre.

614 minutes sans prendre de but en LC

 » Mais ce sont des histoires du passé. Moi, je n’y pense même plus. D’ailleurs, si l’erreur de Leeds arrivait aujourd’hui, personne n’aurait rien trouvé à y redire « , insiste-t-il comme pour dire que ce ne fut pas si difficile que cela à surmonter.  » Bien sûr, le début a été dur. Ce n’était pas emballant de rester sur le banc mais Abbiati était en grande forme et il était logique que l’entraîneur lui conserve sa confiance « .

Du coup, il passa sa première saison à Milan (2000-2001) sur le banc. En championnat, il n’abandonna son poste de spectateur qu’une seule fois, le 1er novembre à Parme (défaite 2-0).

 » Je ne jouais pas mais je contribuais aux résultats de l’équipe d’une autre manière, même si le travail effectué à l’entraînement n’est pas assez valorisé. J’étais conscient que j’aidais mes équipiers et c’était la chose la plus importante. Les tifosi ne m’aimaient pas mais ils ne me connaissaient pas encore. Je n’ai jamais perdu confiance parce que je suis optimiste et que j’étais conscient de ma valeur. Je devais seulement la démontrer « .

Cette nouvelle opportunité n’allait pas lui être accordée directement. La saison suivante, il était prêté au Corinthians où Milan l’avait déjà casé en 1998-1999.

Dida a débuté sa carrière au Vitoria Bahia en 1993-1994. Il ne resta qu’une saison dans le club de sa région natale. Il défendit alors les buts de Cruzeiro pendant cinq ans (1995-1999) avec lequel il remporta la Coupe du Brésil et la Copa Libertadores en 1996. Milan l’acquit en 1998 et le prêta d’abord quelques mois à Lugano en Suisse, où il ne joua pas, avant de le laisser rentrer au pays aux Corinthians où il cartonna. En revanche, le deuxième passage aux Corinthians ne se révéla pas être un succès : Dida ne fut aligné qu’à huit reprises. Ceci étant, il est retenu en équipe nationale, prend part au Mondial 2002 en Asie et devient champion du monde sans avoir joué une seule minute, Marcos étant titulaire.

La saison suivante (2002-2003), il revient à Milan. Lors du troisième tour préliminaire de Ligue des Champions au Slovan Liberec, il est appelé à remplacer Abbiati. Cette fois, Dida ne loupe pas l’occasion. Il devient titulaire (30 matches en championnat sur 34 et 14 en Ligue des Champions), gagne la Ligue des Champions où, pour la première fois de son histoire, Milan alignait un gardien étranger et la Supercoupe d’Europe contre Porto.

Lors du premier match de la saison 2003-2004 à Ancône, CarloAncelotti expliqua qu’il avait aligné Dida pour ce qu’il avait démontré les mois précédents et que le dualisme était de rigueur. Depuis, le Brésilien a toujours joué sauf deux matches la saison dernière et un cette année. Il est devenu une valeur sûre et son contrat a été prolongé jusqu’en 2007. Les chiffres sont éloquents : en Ligue des Champions, Milan a récolté neuf victoires, partagé une seule fois l’enjeu et n’a connu qu’une seule défaite à la 89e minute contre Barcelone en novembre. Si la défense milanista est un bunker (elle n’a encaissé que trois buts en Coupe d’Europe), elle le doit aussi à Dida. Contre le PSV, il a dévié un tir de Farfan et a, du coup, établi le nouveau record d’invincibilité du club pour un gardien : 614 minutes. Le précédent record remontait à la saison 94-95 avec Sebastiano Rossi invaincu pendant 558 minutes.

Dida, qui insiste toujours sur le fait qu’il est indispensable de prendre un certain recul, n’a pas dérogé à sa philosophie après les incidents du derby européen contre l’Inter. Touché par un fumigène, il avait été brûlé à l’épaule droite :  » Je me suis rendu à l’hôpital pour un contrôle mais j’ai été vite rassuré. L’hématome et la légère brûlure n’allaient pas m’empêcher d’être au poste le dimanche en championnat à Sienne. Je n’ai pas eu spécialement peur : je pensais uniquement à débarrasser la surface de tout objet afin que le match puisse reprendre au plus vite « .

Tom Knipping, Silvia Guerrerio

 » Gomes est tout SAUF UN CLOWN  » (Guus Hiddink)

Déjà entré dans l’histoire comme PREMIER GARDIEN BRéSILIEN du championnat hollandais

 » LES TIFOSI NE M’AIMAIENT PAS mais je n’ai jamais perdu confiance  » (Dida)

En 2002, DIDA EST CHAMPION DU MONDE sans jouer une seule minute en Asie

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