SPORT ET POLITIQUE

Mardi prochain, les Diables Rouges jouent en Israël. En terre promise, le football, ce n’est pas seulement un jeu.

Les Israéliens ont eu un choc en découvrant le spot promotionnel envoyé par la confédération asiatique de football en vue du championnat d’Asie des nations, organisé en Australie au début de l’année. Cette petite vidéo de trois minutes racontait l’histoire de l’événement, depuis sa première édition, en 1956, jusqu’à l’avant-dernière, en 2011. Une phase finale était toutefois occultée, comme si elle n’avait jamais existé : celle de 1964, organisée et remportée par Israël.

A l’époque, Israël faisait en effet partie de la confédération asiatique. Tout comme en 1970, lorsque le pays se qualifia pour la phase finale de la Coupe du monde au Mexique, où il fut éliminé au premier tour après avoir valeureusement défendu ses chances face à la Suède et à l’Italie, futur finaliste. Ce fut la seule participation d’Israël à une Coupe du monde.

En 1974, à la demande du Koweït, Israël fut éjecté de la confédération asiatique. Un an plus tôt, le Koweït et la Corée du Nord avaient refusé d’affronter les Israéliens en raison du conflit opposant Israël au monde arabe. Dans un premier temps, le pays avait trouvé refuge en Océanie, où il disputa les qualifications de Coupe du monde jusqu’en 1994.

Mais vingt ans après son exil forcé, il devint membre de l’UEFA. C’était la première fois qu’un pays était transféré d’un continent à un autre. Le Kazakhstan allait en faire autant au début de ce millénaire. En rencontrant des adversaires européens lors des rencontres internationales ou européennes, les joueurs israéliens se mettaient davantage en évidence aux yeux des clubs occidentaux.

Au début, les meilleurs eurent toutefois du mal à s’adapter et nombreux furent ceux qui choisirent de revenir au pays, où l’argent et la gloire les attendaient.  » Le problème, c’est que la plupart des internationaux ne sont pas titulaires en Europe « , se lamentait Schlomo Sharf, le sélectionneur de l’époque, en 1999.  » Ils se prennent pour des stars et sont payés comme des pros mais ne se comportent pas comme tels.  »

Chanter l’hymne national ou non ?

Aujourd’hui, la situation a quelque peu changé. Dans l’équipe qui affronta la Bosnie, en novembre, on retrouvait pas moins de sept joueurs évoluant ou ayant évolué en Belgique (Lior Refaelov, Rami Gershon, Tal Bin Haim, Dudu Biton Maor Buzaglo, Elyaniv Barda et Gil Vermouth).

C’était le premier match international qu’Israël disputait à nouveau en terre sainte après avoir dû s’exiler à Chypre en raison du conflit dans la bande de Gaza. A Haïfa, 38.000 spectateurs chantèrent l’hymne national à tue-tête. Les internationaux israéliens d’origine arabe sont moins enclins à le chanter.

Ils ont suivi les traces de Walid Badir qui, de 1997 à 2004, livra 74 matches sous le maillot de l’équipe nationale. Vingt de moins seulement que le recordman des sélections, Arik Benado.

Dans l’équipe U21 d’Israël, on dénombre pas moins de cinq joueurs d’origine arabe. Dans l’équipe A, Moanes Dabour (22) représente la communauté des Arabes d’Israël. L’attaquant a quitté l’an dernier le Maccabi Haifa pour le Grasshopper Zürich, dont il est l’un des meilleurs joueurs.

A chaque fois, il se demande s’il doit chanter l’hymne national. S’il le fait, le monde arabe le montre du doigt. S’il ne le fait pas, les Juifs le considèrent comme un opportuniste à qui on donne une chance mais qui ne témoigne d’aucun respect.

La participation de joueurs arabes au championnat d’Israël ne cesse d’augmenter. En 2004, Bnei Sakhnin fut le premier club arabe à remporter un trophée, la Coupe d’Israël. Ce club avait rejoint la Premier League israélienne un an plus tôt. Hapoel Tayibe l’avait précédé, en 1966, mais il était redescendu un an plus tard et il avait mis la clef sous le paillasson en 2003.

Plus tard, Nazareth allait imiter ces deux clubs mais il est aujourd’hui redescendu en D2. L’honneur du million et demi d’Arabes d’Israël (sur un total de 8 millions) est donc entre les pieds des joueurs d’une petite ville de 25.000 habitants au nord de la Galilée qui, en 2004, comptait un entraîneur et trois joueurs israéliens mais aussi des fans juifs.

Son capitaine, Abbas Suan, a joué douze fois pour l’équipe nationale entre 2004 et 2006. La saison dernière, Bnei Sakhnin a terminé sixième (sur six) des play-offs I. En 2006, le club, qui avait du mal à trouver des sponsors, s’est vu attribuer un subside de six millions d’euros du Qatar afin de construire un nouveau stade.

Celui-ci s’appelle d’ailleurs Doha Stadium. En juillet 2014, Beni reçut encore 2,5 millions en provenance du Qatar, soit la moitié du budget du club. Le problème, c’est que le mécène, Azmi Bishara, avait fui Israël en 2007 après avoir collaboré avec le Hezbollah libanais.

En 2013, lors d’un match très disputé face au Beitar, des supporters de Sakhnin exhibèrent un drapeau palestinien tandis que les fans du Beitar brûlaient le coran. Un parlementaire de la Knesset demanda alors que Sakhnin soit exclu du championnat. Ces dernières années, Bnei Sakhnin n’aligne plus de joueur juif car suite au conflit de Gaza, la discrimination a augmenté dans le football également.

Ohana dans l’oeil du cyclone

En Israël, le sport et la politique ne sont jamais véritablement séparés. Eli Ohana l’a encore appris récemment à ses dépens. En janvier, le leader du parti conservateur de droite Jewish Home Knesset demanda à l’ancienne star du FC Malines d’occuper une place importante sur la liste en vue des élections de la semaine dernière.

Fils de juif séfarade exilé au Maroc dans les années 70, Ohana avait grandi dans un camp de réfugiés avant de devenir un des meilleurs joueurs du pays au Beitar Jérusalem, club où il allait revenir après avoir remporté la Coupe d’Europe des Vainqueurs de Coupe avec le FC Malines (1988). D’abord comme joueur puis en tant qu’entraîneur.

Mais le Beitar est un club de tendance ultra-conservatrice et ses supporters sont réputés racistes. Il y a deux ans, ils s’étaient opposés à l’arrivée de deux joueurs arabes de Tchétchénie. La désignation d’Ohana à une place privilégiée sur la liste déclencha une vague de réactions négatives auprès des sympathisants du parti.

D’abord parce qu’Ohana est issu du monde du football et que les conservateurs sont opposés à un sport qui se joue le samedi (le jour du sabbat, les Juifs sont censés ne pas travailler), ensuite parce qu’il n’est pas pratiquant et parce qu’il a un jour déclaré qu’il ne serait pas opposé à un retrait d’Israël et des colons juifs de Gaza. Ohana, aujourd’hui entraîneur de l’équipe nationale U19, préféra donc se retirer de la liste.

PAR GEERT FOUTRÉ

La participation de joueurs arabes au championnat d’Israël ne cesse d’augmenter.

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