SPÉCIAL ESPAGNE

Dans une semaine, les Diables Rouges recevront le vainqueur de l’Euro. Mais où en sont les campeóns après le remplacement de Luis Aragonés par Vicente Del Bosque ? Et comment l’Espagne fait-elle pour sortir régulièrement des générations de joueurs techniques et racés ? Pour le savoir, nous avons entrepris un voyage sur les traces du succès. Première rencontre : le nouveau coach, qui explique son projet pour le Mondial 2010.

Le football espagnol a conquis une victoire historique en Allemagne. Après 44 ans de disette, l’équipe nationale a remporté le championnat d’Europe en jouant d’une manière quasi parfaite du début à la fin. Mais Luis Aragonés, l’homme par qui ce succès est arrivé, est parti à Fenerbahçe. Pour lui succéder, la fédération a porté son dévolu sur Vicente Del Bosque. Son contrat court jusqu’à la fin de la Coupe du Monde 2010. Il percevra le même salaire que son prédécesseur, à savoir 600.000 euros annuels, plus les primes pour la qualification.

Ancien international très technique, doté d’une bonne vista et capable d’adresser de longues passes très précises, Del Bosque a réalisé l’essentiel de sa carrière au Real Madrid où il s’est aussi forgé une réputation d’entraîneur de premier ordre. Il y a dirigé le centre de formation pendant 11 ans, avant de prendre en charge l’équipe Première.

Vous avez déclaré que c’était un privilège de diriger une sélection qui vient d’être sacrée championne d’Europe, et en plus, avec la manière…

Vicente Del Bosque : Il faut savourer une victoire pareille, d’autant que le jeu développé a suscité l’enthousiasme général. J’apprécie qu’on nous respecte… et que mes joueurs ne fassent pas preuve de suffisance.

Le style de jeu de l’équipe nationale est déjà très marqué. Comptez-vous le conserver ou, au contraire, le modifier ?

Il n’est pas opportun de bouleverser ce que mon prédécesseur avait mis sur pied, d’autant que le concept était très clair. Luis Aragonés appliquait soit un 4-1-4-1, soit un 4-1-3-2. L’objectif était à la fois de pouvoir conserver le ballon et de contre-attaquer. Cela dit, ce ne sont que des chiffres. Le plus important, c’est l’animation. Et, lors de l’Euro 2008, tout a parfaitement fonctionné.

Mais on sait que chaque entraîneur a ses principes…

Avec mon staff, j’essaierai effectivement d’apporter ma touche personnelle lorsque je l’estimerai nécessaire, mais je n’oublie pas que je suis à la tête d’une équipe victorieuse, dont les joueurs savent parfaitement ce qu’ils font, prennent du plaisir sur le terrain et en offrent aux spectateurs. L’Espagne doit utiliser les joueurs qui ont remporté le Championnat d’Europe avec brio. De plus, les décisions tactiques furent toujours les bonnes.

Vous favoriserez un peu plus le jeu long ?

Il faut pouvoir utiliser les deux facettes. Le plus important est de garder un équilibre. Savoir quoi faire, à quel moment, est le plus compliqué.

Craignez-vous que les joueurs deviennent prisonniers d’un concept et ne tentent pas d’en assimiler d’autres ?

Absolument. C’est très bien de regarder derrière soi, de se souvenir du Championnat d’Europe et de savourer l’exploit, mais on ne peut pas s’en contenter. C’est déjà le passé, et on ne peut pas vivre du passé. On doit toujours viser le plus haut possible, je l’ai déjà répété à maintes reprises. On possède une équipe capable d’aller très loin…

 » C’est normal d’être exigeant avec cette équipe ! « 

Luis Aragonés avait un caractère fort et vous êtes plus pondéré…

C’est possible, mais deux caractères différents peuvent arriver au même résultat. Mon staff et moi n’avons jamais réprimandé personne, ni infligé d’amendes, mais cette méthode a parfaitement fonctionné. Je pense que les joueurs apprécient un entraîneur pour sa manière d’être, mais aussi pour ses compétences et ses valeurs humaines.

Le triomphe au Championnat d’Europe a donné naissance à un autre phénomène : l’identification d’un grand nombre de personnes à cette sélection.

Jusqu’au Championnat d’Europe, seuls les clubs parvenaient à susciter les passions. Il apparaît qu’aujourd’hui, l’équipe nationale en est capable également. Les joueurs se sont rendus sympathiques par leurs prestations, par leur manière de célébrer les victoires mais aussi parce qu’ils ont démontré qu’ils n’étaient pas des millionnaires hautains. Ce sont des gens tout à fait normaux, très sensibles et qui se sentent eux-mêmes proches de leurs supporters. Cette convivialité, c’est un aspect qu’on doit essayer de conserver.

Dans l’euphorie ambiante, le public ne risque-t-il pas d’exiger de l’équipe nationale qu’elle gagne tout ?

Cela ne me dérangerait pas. C’est normal d’être exigeant avec une telle équipe nationale.

Vous êtes confronté à une succession difficile, non ?

Prendre le relais d’un sélectionneur auréolé d’un championnat d’Europe se révèle plutôt un avantage qu’un inconvénient, à mes yeux. Je prends une équipe qui se trouve engagée dans une spirale ascendante. Il faut pouvoir en profiter. Ceux qui doutaient qu’une sélection pouvait triompher en ayant un entraîneur-vétéran à sa tête en ont aussi été pour leurs frais !

par daniel devos (avec luis arnaiz)

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