SOUVENIRS ANGLAIS

Les deux gardiens tchatchent et se remémorent des souvenirs british à la veille de leurs retrouvailles au stade Arc-en-ciel.

Geert De Vlieger (36 ans, Zulte Waregem) et Nico Vaesen (34 ans, Lierse) ont connu le point culminant de leur carrière il y a quatre ans. C’était l’époque où De Vlieger rencontrait le Brésil en Coupe du Monde et où Vaesen aidait Birmingham à se hisser en Premier League en arrêtant le penalty décisif face à Norwich dans une finale des playoffs suivie par 72.000 spectateurs. Depuis, Vaesen a disputé 35 matches au plus haut échelon du foot anglais. Et il aurait pu en jouer davantage si, lors de sa première saison en Premier League, il ne s’était pas déchiré les ligaments croisés d’un genou lors d’un derby face à Aston Villa. Pour le remplacer, Birmingham embrigada alors Maik Taylor, le gardien de l’équipe nationale nord-irlandaise. Et celui-ci se débrouilla si bien que notre compatriote fut prêté à Crystal Palace. Sous ses nouvelles couleurs, l’ex-numéro 1 de Tongres, du Cercle et d’Alost joua à nouveau un rôle important dans les playoffs. Il aurait pu évoluer avec Palace en Premier League mais n’était pas d’accord de déménager à Londres, se demandait si ce club se maintiendrait et choisit de resigner un très bon contrat de deux ans à Birmingham. Peu avant le Nouvel An, le gardien titulaire commença à jouer moins bien et Vaesen quitta le banc pour quelques semaines, mais un carton rouge lui valut une suspension de quatre matches et il perdit à nouveau sa place. Et lorsque Birmingham fut rétrogradé de façon tout à fait inattendue, son contrat ne fut pas prolongé.

Geert De Vlieger n’a quitté Willem II pour Manchester City qu’il y a deux ans. Mais il fut victime d’une rupture du tendon d’Achille avant même le premier match de championnat. De retour en forme, il dut bien admettre que le gardien international anglais David James était très fort.  » J’ai alors vite compris que mon contrat ne serait pas prolongé « , dit-il.  » C’est pourquoi j’ai fait savoir que j’aimerais revenir en Belgique. J’ai également eu des contacts avec quelques équipes hollandaises mais je n’avais plus envie de déménager une première fois maintenant puis une autre fois dans un an ou deux « .

Vaesen et De Vlieger se sont attablés ensemble, pour nous, avant de se revoir pour le compte de la troisième journée du championnat, au menu de laquelle on trouve notamment le match Zulte Waregem-Lierse.

Trop chers ? Foutaises !

Contrairement à Nico, vous avez rapidement retrouvé du boulot en Belgique.

Geert De Vlieger : Comme lui, j’ai moins joué ces derniers mois mais on n’avait pas oublié que j’avais été le gardien de l’équipe nationale. Lorsque mon contrat à City n’a pas été prolongé, j’ai immédiatement déclaré que je préférerais rentrer en Belgique. J’ai d’abord discuté avec le Brussels mais sans plus. J’aurais également pu accompagner Johan Boskamp à Beveren et, lorsqu’il a signé au Standard, mon nom y a été cité. Mais les négociations ont capoté. J’ai donc préféré la certitude que m’offrait Zulte Waregem. J’étais régulièrement en contact avec l’entraîneur des gardiens, Yves Vermote, avec qui j’avais travaillé à Harelbeke. C’est lui qui a cité mon nom et c’est ainsi que tout s’est fait. Je sentais bien ce transfert car Zulte Waregem me semblait ambitieux. De plus, ce club joue en Coupe d’Europe.

Et vous, Nico, n’auriez-vous pas souhaité rester en Angleterre jusqu’au terme de votre carrière ?

Nico Vaesen : Si Birmingham n’était pas descendu, on m’aurait probablement proposé un nouveau contrat. Il était donc très tard lorsque j’ai décidé de revenir. A la trêve hivernale, un club belge s’était montré intéressé mais le transfert ne s’était pas fait.

Les clubs belges doivent se dire qu’après trois ans en Premier League, vous devez être impayables.

Vaesen : C’est peut-être ce qu’ils pensent mais c’est faux. Je ne suis plus obligé de jouer pour l’argent car j’ai bien gagné ma vie en Angleterre. Je veux rejouer pour le plaisir, me montrer au public belge. Lorsque j’ai quitté le pays, il y a huit ans, j’étais un titulaire indiscutable. Je voudrais que cela redevienne le cas mais je n’ai pas eu de contact concret en Belgique. Ce sont surtout les clubs anglais qui se sont montrés intéressés et ce n’est pas tout à fait anormal car j’y jouis d’une bonne réputation. J’ai discuté avec Crystal Palace et Ipswich Town mais mes proches voulaient rentrer en Belgique. Ma fille va fréquenter l’école secondaire. Sportivement, la meilleure option aurait été de rester en Angleterre mais, que ce soit pour jouer à Ipswich ou à Crystal Palace, il aurait fallu quitter Birmingham pour la côte est ou pour Londres.

De Vlieger pensait avoir tout vu

Que retenez-vous de votre expérience en Angleterre ?

Vaesen : C’est un pays qui vit pour le foot. Si Wayne Rooney va aux toilettes, il fait la une des journaux. Les gens respirent football, 24 heures sur 24. Sur le terrain aussi, on se donne à fond, du premier entraînement au dernier, de début juillet à fin mai. Sans trêve hivernale ! On joue au moins 60 rencontres par saison. Au cours de mes trois premières saisons, à Huddersfield, j’ai disputé près de 200 matches.

De Vlieger : Je suis parti en Angleterre à 33 ans et je croyais avoir tout vu. J’étais passé par Anderlecht et les Pays-Bas et j’avais disputé la Coupe du Monde mais on ne peut comparer l’Angleterre à rien d’autre. On avait déjà parlé de moi à Newcastle lorsque Ruud Gullit y était entraîneur mais cela n’a jamais été très clair. Je me rappelle notre premier match amical avec Manchester City. Au centre d’entraînement, on n’avait vu personne pendant toute la préparation mais, dès le premier petit match, alors que nous rendions visite à une petite équipe du coin, 16.000 fans étaient présents.

Vaesen : J’ai disputé mon premier match avec Huddersfield contre City, qui venait de monter de D3 en D2. Il y avait 30.000 personnes dans l’ancien stade.

De Vlieger : On s’entraîne moins en Angleterre. A partir du début septembre, il n’y a plus qu’une séance par jour, très rarement deux. Les moyens financiers et les conditions de travail des clubs sont immenses. Sept terrains de football, cinq soigneurs à plein temps. Cela coûte très cher. Mais le jour du dernier entraînement, les terrains sont toujours en excellent état. Le lendemain, pourtant, on arrache tout le gazon et on refait sept nouvelles pelouses. En Belgique, on est déjà tout content d’avoir un bon terrain d’entraînement.

Votre carrière en Angleterre aurait-elle été différente sans ces blessures ?

De Vlieger : Lorsque je suis revenu, James jouait très bien et l’entraîneur n’avait aucune raison de le remplacer.

Vaesen : Ce n’était plus le Calamity James de Liverpool. Un gardien qui rentre de blessure doit attendre sa chance. Birmingham m’a remplacé par Maik Taylor qui, pendant ma rééducation, a fait des matches terribles. Là, j’ai compris que je devrais patienter. La saison dernière, il a eu des moments de faiblesse et j’en ai profité mais, après quatre semaines, j’ai pris un carton rouge.

Lorsque vous vous êtes blessé, vous veniez d’être présélectionné en équipe nationale.

Vaesen : C’était à l’occasion du fameux match contre la Croatie. Geert était blessé et c’est Francky Vandendriessche qui a joué. Quand on a été titulaire en Premier League pendant une demi-saison, on trouve logique d’être observé par les gens de la Fédération. Les années précédentes, je ne jouais qu’en D2. C’était du moins comme cela que les Belges raisonnaient. Comme si on pouvait comparer avec la D2 belge…

Aucune jalousie et salaires transparents

Etiez-vous respecté en Angleterre ?

Vaesen : Certainement. La mentalité est différente là-bas. En Angleterre, on vous souhaite de réussir.

De Vlieger : Il n’y a pas de jalousie entre sportifs ou envers les sportifs. Les salaires sont connus et personne ne dit que vous gagnez trop.

Vaesen : En Belgique, on vous met plus vite sur un piédestal mais, à la moindre contre-performance, on vous descend.

De Vlieger : En Angleterre, le football est une fête. Même à l’entraînement. En Hollande, certains étaient parfois dans un mauvais jour. En Angleterre, jamais. Evidemment, les Anglais font aussi parfois des choses qui ne sont pas très professionnelles…

Parlons-en…

De Vlieger : Oui mais bon, sur le terrain, ils se donnent à fond, qu’ils soient fatigués ou malade, vedettes ou jeunes joueurs. La qualité n’est pas toujours présente mais quel enthousiasme !

Vaesen : A Huddersfield, les jeunes joueurs ciraient mes chaussures. En Belgique, un jeune à qui on demande de rassembler les ballons après l’entraînement se fâche.

De Vlieger : Les Anglais sont prêts à tout pour vous aider. Lorsque je me suis déchiré le tendon d’Achille, je ne connaissais presque personne. Que fait-on pour un joueur qui vient d’arriver et qui ne sera d’aucune utilité au cours des mois à venir ? A l’époque, nous étions en plein déménagement. Kevin Keegan s’est débrouillé pour que, le lendemain, trois hommes s’occupent de nos caisses.

Savait-on là-bas que vous étiez le gardien de l’équipe nationale belge ?

De Vlieger : A peine ! Sur le plan footballistique, la Belgique ne représente rien pour eux. Sky Sport diffuse 24 heures sur 24 des images de tous les pays et de tous les sports. On reçoit les résultats des championnats de France, d’Allemagne ou des Pays-Bas mais pas de Belgique.

Enjoy the game

Qu’est-ce qui vous déplaisait le plus ?

De Vlieger : Souvent, les joueurs qui rentrent de l’étranger et n’y ont pas beaucoup joué racontent des choses négatives mais, quand vous rentrez d’Angleterre, c’est presque impossible.

Vaesen : Je me suis parfois dit que j’avais des tas d’amis en Belgique. Du moins, si j’en juge par le nombre de coups de téléphone que je recevais… pour me demander des tickets afin d’assister à un match de Premier League. Car même si la qualité n’était pas toujours au rendez-vous, il y avait de l’ambiance. Et du rythme. En Angleterre, il n’y a pas de temps morts.

De Vlieger : Ce qui m’a le plus surpris, c’est qu’on tienne aussi peu compte de l’aspect tactique. Parfois, je me disais qu’on devrait calmer le jeu, garder le ballon et chercher des solutions. Mais les Anglais ne le font pas, ils préfèrent appuyer sur l’accélérateur. Quand on débarque de Hollande, où les discussions tactiques sont monnaie courante, on se pose des questions. A Stoke, il arrivait que Boskamp mette un homme de plus dans l’entrejeu, ce qui faisait basculer le match. Mais pensez-vous que l’adversaire adaptait son jeu ?

Vaesen : Ils préfèrent tous les longues passes. Mon premier ballon à Huddersfield, je l’ai arrêté, j’ai regardé à gauche et à droite mais je n’ai vu personne prêt à le recevoir. Dès qu’ils ont compris que j’aurais le cuir, ils sont tous repartis en courant vers l’avant. On n’attendait qu’une chose de moi : que je dégage le plus loin possible.

De Vlieger : Lors de mon premier match, l’arrière droit m’a rendu le ballon, je l’ai contrôlé et je l’ai remis sur le côté car en Belgique et aux Pays-Bas, les arrières latéraux se démarquent lorsque le gardien a la balle. Mais ici, elle a roulé lentement en touche et Paul Bosvelt m’a crié qu’en Angleterre, ça ne se faisait pas, qu’il fallait dégager devant.

Vaesen : En huit ans, je n’ai jamais participé à une séance de théorie de plus de dix minutes. J’ai pourtant travaillé avec cinq entraîneurs différents. Et ça se terminait toujours par : -Enjoy the game. Faites-vous plaisir !

De Vlieger : Une fois, nous avons eu une séance de théorie après avoir perdu huit matches sur neuf. On nous a d’abord montré des images d’un match que nous avions très bien commencé, puis celles d’un autre où nous avions très mal débuté. Je me suis dit que l’explication tactique de cette différence allait suivre mais la conclusion fut que nous avions été plus agressifs dans un match que dans l’autre. En Angleterre, quand ça ne marche pas, il n’y a qu’une solution : courir plus vite.

Le maillot de Rooney, avec le sourire !

Meniez-vous une vie normale en dehors du terrain ?

Vaesen : Ce qui se passe en dehors du terrain n’intéresse personne. A condition de se donner à fond pendant le match, on a le droit de faire ce qu’on veut. Les joueurs anglais ne se privent pas. Ils ne sortent pas un soir mais toute une après-midi. Les grands joueurs sont comme des pop stars mais la plupart réagissent normalement sur le terrain. Lorsque nous avons affronté Manchester United, Ruud van Nistelrooy m’a parlé en néerlandais dans le tunnel, juste avant le coup d’envoi. Et alors que j’attendais de passer au contrôle antidopage avec Wayne Rooney, je lui ai demandé un maillot pour mon fils. Il me l’a donnée sans problème et a encore écrit un mot sympa.

De Vlieger : Nous devions être à l’hôtel à 12 h 30 pour la fête de Noël. Nous mangions jusqu’à 13 heures puis nous buvions de la bière. Ce sont des picoleurs. En Belgique, si on sort avec des copains, on mange d’abord copieusement puis on va boire une bière.

Dans certains clubs, il n’y a pratiquement pas d’Anglais. L’apport des joueurs étrangers a-t-il changé la mentalité sur le terrain et en dehors ?

Vaesen : Maintenant, ils acceptent que vous pensiez d’une autre manière qu’eux. A Huddersfield, lorsque j’ai commandé un petit-déjeuner frugal pour la première fois alors qu’ils mangeaient des saucisses et des petits pois, certains m’ont demandé, intrigués, si je n’allais pas m’évanouir.

De Vlieger : L’encadrement du club reste anglais et ce sont eux qui dictent leur loi. On peut faire des remarques et il leur arrive de copier des choses sur Arsène Wenger mais le football reste leur jeu. Ils l’ont inventé.

GEERT FOUTRÉ

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