Sous l’aile d’Hagi

Ce jeune turc a côtoyé les plus grands à Galatasaray. Mais que fait-il en Belgique ?

Arrivé à Mouscron durant le mercato, FarukAtalay (23 ans) a entamé sa période hurlue d’une curieuse manière. Suspendu pour trois journées à la suite d’une exclusion encourue avec l’équipe Réserve de l’Antwerp, il a pu jouer quelques matches avec la formation encore entraînée par PhilippeSaintJean parce que les rigueurs du climat avaient entraîné une remise générale des rencontres de Réserve.

Lorsque le temps est redevenu clément, il a finalement dû purger sa suspension de trois semaines et est réapparu en équipe Première alors que GeertBroeckaert avait pris le relais.  » J’ai écopé de deux cartons rouges pendant ma période anversoise, et depuis lors, je traîne une réputation de joueur agressif « , regrette-t-il.  » Cette réputation n’est pas justifiée. L’un de ces cartons rouges m’a été attribué pour un tacle, c’est vrai. Mais l’autre résultait d’un malentendu : je m’étais lancé un juron, comme cela se produit souvent sur un terrain de football, et l’arbitre a pensé qu’il lui était adressé. J’ai du caractère, oui, mais je pense qu’il en faut pour être footballeur professionnel. Je ne suis ni méchant, ni impoli. La saison dernière, il m’est arrivé de me sentir frustré : je voyais des joueurs qui grillaient une cigarette ou buvaient tranquillement un verre après le match alors que l’Antwerp glissait vers la D2. Je ne comprenais pas qu’on puisse témoigner d’un tel détachement. Je voulais que l’on se batte, que l’on ait un peu d’amour-propre. J’ai réagi et certains en ont déduit que j’avais un mauvais caractère « .

A Galatasaray avec Emre

Si l’on sait que Faruk Atalay évoluait à l’Antwerp la saison dernière, on connaît moins son parcours antérieur.  » Je suis né à Trabzon, dans l’est de la Turquie, sur les bords de la mer Noi- re « , explique-t-il.  » Le club local s’est forgé une jolie réputation qui s’est propagée jusqu’en Belgique, puisque des gens comme UrbainBraems, JeanMariePfaff ou plus récemment BerndThijs l’ont fréquenté. Mais je n’y ai jamais joué. Alors que j’avais quatre ans, mes parents ont déménagé à Istanbul. J’ai commencé à jouer au football dans un petit club amateur stambouliote dénommé Yeni Bosna. Après un an, j’ai été convoqué en équipe nationale de jeunes. C’était la première fois, dans l’histoire du football turc, qu’un joueur d’un club amateur recevait une telle convocation. Les grands clubs d’Istanbul, comme Besiktas, Fenerbahçe et Galatasaray, se sont alors intéressés à moi et j’ai opté pour Galatasaray. Je suis arrivé au club en même temps qu’ Emre, qui débarquait de Zeytinburnu (un club qui a joué en D1 mais est redescendu en D2 et en D3). J’ai joué dans les équipes de jeunes, puis en Réserve, et à 17 ans, l’entraîneur FatihTerim m’a testé en équipe Première. Durant mes deux premières saisons avec les professionnels, je n’ai pas beaucoup joué, mais en 2000-2001 et 2001-2002, j’ai eu l’occasion de disputer quelques rencontres sous la direction de l’entraîneur roumain MirceaLucescu. Galatasaray venait de remporter la Coupe de l’UEFA, en mai 2000. Je n’avais pas effectué le voyage à Copenhague : j’avais été écarté du noyau, tout comme Sergen, l’un de mes compagnons de l’époque. Par contre, j’étais à Monaco lors de la Supercoupe contre le Real Madrid. Je suis resté sur le banc, mais j’ai assisté à la victoire, conquise grâce à MarioJardel. Et, dans la saison qui a suivi, j’ai pu effectuer quelques apparitions en Ligue des Champions. J’ai aussi eu l’honneur de partager la chambre de GheorgheHagi pendant une saison. Il m’avait un peu pris sous son aile protectrice, moi le petit jeune : il me fournissait des équipements grâce à son contrat avec Nike, et il me prodiguait de nombreux conseils. Je garde de lui le souvenir d’un grand monsieur. Malheureusement, après quatre années à Galatasaray, j’ai rencontré quelques problèmes et j’ai émigré en Autriche, dans le club de Pasching qui ne possède pas la réputation de l’Austria ou du Rapid mais qui occupe actuellement la tête du classement et qui, à l’époque déjà, montrait des signes encourageants : on a notamment joué la finale de l’Intertoto contre Schalke 04, après avoir éliminé le Werder Brême en demi-finale. Après une saison en Autriche, mon manager m’a fait miroiter la possibilité de partir à l’Antwerp. Il me l’a présenté comme un club au passé historique prestigieux, dans une grande ville aux énormes possibilités. Ce qui était vrai. Malheureusement, sur le plan purement sportif, l’Antwerp n’était plus que l’ombre de ce qu’il a été et l’équipe est redescendue en D2 au terme du championnat. Au départ de cette saison-ci, j’étais toujours affilié à l’Antwerp mais je n’ai pas joué avec l’équipe Première. Le président EddyWauters ne voulait plus de moi, pour une question de contrat. RolandLouf m’a tendu une perche pendant l’hiver. Je ne regrette pas de l’avoir saisie. J’ai découvert à Mouscron un club bien organisé et très professionnel. J’apprécie beaucoup la mentalité qui règne au Canonnier. Pour l’instant, l’Excel n’est pas très bien classé, mais chaque club traverse à un moment donné une période plus difficile. L’important est de se maintenir en D1, après on pourra redémarrer. On possède des joueurs de qualité et je suis sûr qu’on s’en sortira « .

Peur de personne

Que pense-t-il pouvoir apporter à Mouscron ?  » Je n’ai pas encore pu montrer tout ce que j’avais dans le ventre « , affirme-t-il.  » J’ai très peu joué cette saison, et on ne peut pas comparer les entraînements avec les matches de compétition. J’ai besoin de retrouver le rythme de D1. Mais je crois, effectivement, que je peux apporter ma mentalité de battant. En football, il ne faut jamais s’avouer vaincu. Personne n’est imbattable. C’est l’une des leçons que m’a enseignées Hagi. Je me souviens d’un match contre le Real Madrid. A la mi-temps, on était menés 0-2. Dans les vestiaires, il s’est fâché : il a fait comprendre à tout le monde que Raúl n’avait, lui aussi, que deux bras et deux jambes. Et que la seule différence était qu’il portait un maillot blanc, alors qu’on portait un maillot rouge et jaune. On a gagné 3-2. Lorsque le joueur roumain est arrivé à Galatasaray, à la fin des années 90, le football turc était très moyen. Quelques années plus tard, les résultats sont apparus, avec une victoire en Coupe de l’UEFA en 2000 et une troisième place à la Coupe du Monde 2002. Il fut, avec l’entraîneur Terim, l’un des initiateurs du changement. Il a instauré une nouvelle mentalité et balayé les complexes qui rongeaient les joueurs turcs. Avec Mouscron, c’est pareil : on doit prendre conscience que Bruges n’est pas invincible et qu’on peut le battre, à condition d’y croire. On ne doit pas être effrayés « .

A Mouscron pour rebondir

Avoir été international chez les jeunes, et avoir été l’un des Espoirs de Galatasaray, pour se retrouver finalement dans les bas fonds du championnat de Belgique, n’est-ce pas frustrant ?

 » Je ne désespère pas de rebondir, un jour, vers de plus hautes destinées. En football, tout peut changer très vite. Dans les deux sens. Vous souvenez-vous d’ Ilhan Mansiz ? Avant d’atterrir à Besiktas, il évoluait dans un petit club turc, Samsunspor. Il a marqué des buts décisifs contre le Sénégal et la Corée du Sud lors de la Coupe du Monde 2002 et est devenu l’idole de tout un peuple : les jeunes voulaient tous lui ressembler, adoptaient sa coupe de cheveux. Puis il est parti en Allemagne, s’est blessé, et aujourd’hui je ne sais même plus où il joue. Prenez aussi l’exemple d’ ElvirBaljic. Vous savez, cet attaquant bosniaque qui a joué contre les Diables Rouges au stade Roi Baudouin, récemment. Il jouait jadis à Bursaspor, puis est passé à Fenerbahçe. JohnToshack l’a emmené avec lui au Real Madrid. Aujourd’hui, après un passage à Galatasaray, il est à Konyaspor. Franchement, entre le Real Madrid et Konyaspor, il n’y a pas photo.

Un jour, l’un de mes entraîneurs m’a dit : – Entraînetoitoujoursenpensantqu’il y aunscoutd’ungrandclubaubordduterrain !Peutêtreparviendrastu àleséduire… Je m’efforce de mettre ce conseil en pratique. Rien n’est jamais définitif, en football. Il faut toujours croire en soi. Aujourd’hui, je suis à Mouscron et je m’y plais. Je ne verrais aucun inconvénient à prolonger mon séjour. Tout compte fait, je suis encore jeune et j’emmagasine de l’expérience : je découvre un autre football, une autre culture. Cela pourrait m’être utile plus tard. Je connais mes qualités. Mais en football, on est aussi tributaire de ses partenaires. Si ZinédineZidane jouait à Mouscron, il n’aurait peut-être pas le même rayonnement. J’ai été 120 fois international chez les jeunes et j’ai même porté le brassard de capitaine. Mais aujourd’hui, plus personne ne pense à moi en Turquie. Le sélectionneur regarde d’abord le nom du club dans lequel les joueurs évoluent. Et il pense : un joueur qui évolue à Mouscron, un petit club d’un petit championnat, ne vaut probablement pas la peine qu’on s’y intéresse. Si j’étais transféré à Anderlecht ou au Paris Saint-Germain, je suis certain que, du jour au lendemain, tout changerait « .

Daniel Devos

 » SI ZIDANE JOUAIT À MOUSCRON, il n’aurait pas le même rayonnement « …

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