Sortis de l’ombre

Pierre Bilic

Le nouveau pivot et le coach ad interim seront en pleine lumière en Tchéquie.

Le grand Bob Peeters n’est pas encore très connu dans le sud de notre pays. On l’imaginait perdu un pont trop loin du côté d’Arnhem, des sabots aux pieds et une roue de fromage Edam sous le bras. S’il brille et progresse tellement en Hollande, c’est significatif quant au manque de vision de nos clubs. Personne n’aurait misé une Heineken sur ses chances de réussir sous le maillot de Roda. Les grands clubs de notre pays auraient pu l’embrigader avant qu’il ne file au pays des tulipes. C’était en 1997.

Quatre ans plus tard, l’autre Bob vaut près de 300 millions, le prix que Vitesse Arnhem a payé rubis sur l’ongle à Roda JC Kerkrade, et il gagne vingt-cinq millions de francs bruts par an, sans les primes. Un chiffre sur lequel Anderlecht n’a pas les moyens de s’aligner pour le moment. En 1997, le Lierrois était libre comme l’air, en fin de contrat et gratuit. Au Lisp, beaucoup estimaient que cette longue perche (1,97 m) avait tout au plus le niveau de la D3.

C’est donc le jour et la nuit pour Bob par rapport à ses débuts en D1 en 1992. Bob n’avait que dix-huit ans et des doutes pleins les yeux.

« Peeters comme Koller et Carew » (Gerets)

Le Lion de Rekem a joué un rôle assez considérable dans l’éclosion de Bob Peeters. On connaît le tempérament d’ Eric Gerets : si le Limbourgeois estime un joueur, il lui offre sa confiance, sa rage de vaincre et sa force de travail afin qu’il puisse dépasser ses propres limites. Quand Eric Gerets débarque au Lierse, après avoir oeuvré au défunt FC Liégeois, Bob Peeters était loin d’imaginer que sa carrière lui réserverait tant de bonnes surprises. L’entraîneur du PSV adore parler de celui qui fut son protégé au Lierse : « Quand je suis arrivé au Lisp, Bob Peeters n’était pas accepté par le public. Les supporters ne lui pardonnaient rien car il n’avait pas la dégaine du joueur à la mode : grand, pas élégant, un peu maladroit, etc. Ce type de joueurs suscitait encore l’étonnement sur les terrains. On cerne mieux tout ce qu’ils peuvent apporter à un groupe. Son potentiel physique était immense et il me semblait utile de bien exploiter cet atout. Un jour, je l’ai pris à part afin de lui dire tout simplement : -Je me fous des huées du public. Bob, tu ne dois pas les écouter et je te donne une quinzaine de matches afin de trouver tes marques. Je ne te remplacerai pas, même si cela ne tourne pas aussi bien que je l’espère. Peeters avait besoin de ce discours afin de surmonter ses problèmes psychologiques. Les ricanements ne font jamais plaisir à personne.

Il attendait qu’on manifeste de la confiance à son égard. Quand il intégra cette nouvelle réalité, tout changea pour lui et il ne cessa plus de progresser. Je m’étais longuement entretenu avec la presse, relais vers le public, afin de bien expliquer tout ce que Bob Peeters pouvait nous apporter. On a propressivement découvert un joueur important. C’était un pivot, certes, qui adorait être ravitaillé par deux extérieurs mais il avait déjà l’art de décrocher, d’ouvrir le jeu en plongeant dans les espaces libérés. En 1996-97, Bob Peeters a été une des pierres angulaires de l’équipe qui remporta le titre.

Son transfert à Roda ne m’a pas étonné. Je ne crois pas qu’il fut nécessairement ignoré par les grands du foot belge. Mais à ce moment-là, ces équipes n’avaient pas un système tactique correspondant aux atouts de Bob. Quand on a Bob Peeters dans son noyau, il faut jouer en tenant compte de lui même si son premier souci est de servir le groupe. Peeters doit cependant encore faire le dernier pas menant au top. Ce n’est pas gagné d’avance car il faut y croire.

Il doit devenir de plus en plus régulier. Je crois qu’il y arrivera. J’avais nourri le projet de le faire venir au PSV mais Bob Peeters était hélas déjà trop cher. Pour le moment, Jan Koller et John Carew de Valence, des gars qui ont en gros les mêmes caractéristiques physiques, lui sont encore un peu supérieurs mais je ne jurerai pas que ce sera encore le cas dans six mois. C’est à Bob de les égaler. Il a le potentiel pour y arriver.

Pour un entraîneur, c’est un bonheur d’avoir un homme tel que lui dans le vestiaire. Bob est toujours positif, rigole, raconte la dernière blague à la mode, ne jalouse personne, accepte la critique de manière positive… Je sais, je suis enthousiaste mais il mérite ces propos : il ne m’a jamais déçu.

Il avait aussi besoin de vivre dans une ambiance familiale pour percer en équipe nationale. Robert Waseige a recréé cette atmosphère qui fit notre force sous Guy Thys. A mon avis, Bob Peeters doit beaucoup à Marc Wilmots qui tient à cet état d’esprit comme à la prunelle de ses yeux. Bob a besoin de sérénité et d’amitié pour tourner à plein régime ».

« Il double parfaitement Strupar » (Wilmots)

Bob Peeters a obtenu la première de ses sept caps le 25 février 1998 en jouant six minutes contre les Etats-Unis (2-0) au Stade Roi Baudouin. Après sa deuxième sélection au Luxembourg (0-0, le 18 novembre 1998, par un froid de canard), Peeters dut patienter jusqu’au 16 août 2000, et Bulgarie-Belgique (1-3) avant de retrouver les Diables Rouges. Il marqua son premier but en Lettonie (0-4, le 7 octobre 2000), en planta trois autres (avec un hat trick à la clef) contre St-Marin le 28 février à Bruxelles. Mais c’est à Glasgow qu’il a le plus séduit. Robert Waseige le fit monter au jeu après le repos et il contribua largement au changement de donne qui permit aux Diables Rouges de décrocher un bon match nul.

Marc Wilmots a beaucoup apprécié l’intensité avec laquelle Bob se mit au service de tout le groupe : « Il a compris que l’équipe nationale vit et progresse au travers d’un bon esprit de camaraderie. Bob n’a pas pris part à la phase finale de l’EURO 2000. Cela ne l’a pas aigri. Au contraire, c’est un garçon frais dans sa tête que nous avons découvert en nous lançant sur la route de l’Asie. Bob est gentil mais cela ne veut pas dire qu’il est naïf ou manque d’ambition. Il a souffert quand tout le monde se payait sa tête en affirmant qu’il n’avait aucune qualité d’un bon joueur de football. On se moquait de sa taille. Aujourd’hui, on l’encense alors qu’à la base ses atouts sont les mêmes qu’avant. Il rigole de tout cela, a pris du recul, a tout surmonté et est très fort dans sa tête. Quand un joueur est capable de secouer des Ecossais comme il l’a fait, c’est un signe de grandes qualités sportives et morales.

En équipe nationale, Bob ne se pose pas de questions et il joue avec tout le monde. Je l’ai bien sûr trouvé très complémentaire avec Emile Mpenza mais il m’a aussi trouvé facilement. Bob et Emile, c’est l’addition de la technique et de la force d’un côté, de l’explosion et de la vitesse d’autre part. A Schalke 04, Emile joue les yeux fermés avec Ebbe Sand. Il peut sans aucun doute en faire de même avec Bob Peeters.

Bob a 27 ans et aborde les plus belles années de sa carrière. Avec lui et Branko Strupar, la Belgique dispose de deux excellents pivots. Pour un joueur qui, comme moi, adore surgir de la deuxième ligne, Bob est un point d’appui intéressant. Il sait fixer une défense, on le garde à l’oeil et cela fait également baisser la pression au niveau de la ligne médiane. Il a l’art de garder la balle et de trouver la bonne combinaison aves les médians. Il a progressé tactiquement et techniquement que ce soit à Roda ou à Vitesse. Sa lecture du jeu s’est améliorée et il sait où et comment il faut agir. J’ai découvert un autre Bob et une chose m’a toute de suite frappé lors de son retour : j’ai lu le mot plaisir dans ses yeux ».

« Un grand confort mental » (Claessens)

Robert Waseige a souligné avant le match à Glasgow que la présence de Bob Peeters s’expliquait par les progrès techniques qu’il a engrangés aux Pays-Bas. Le coach fédéral insista sur le fait que la tour de Vitesse Arnhem avait pris de l’ampleur sur le plan collectif, et maniait de mieux en mieux les épures tactiques. Cela résulte de son passage à Roda et de ses actuelles expériences à Vitesse Arnhem où Gert Claessens est un de ses équipiers : « La réussite d’un joueur dépend au moins à 20% de son confort mental. Bob Peeters se sent bien en Hollande. C’est un gars très jovial qui s’intègre vite dans un groupe. Pour les joueurs flamands, la Hollande n’est pas l’étranger. Il n’y a pas de problèmes de langue et cela simplifie pas mal de choses. J’ai vécu ces soucis en Espagne et je peux vous dire que ce n’est pas rien. Les Hollandais sont plus bavards que les Belges mais Bob a l’habitude de s’exprimer. En Flandre, c’est une vedette de la télé et il est souvent invité à des tas de débats. Durant l’EURO 2000, il fut l’intervieweur-gag de la VRT et devint ainsi une star des médias grâce à un humour désarmant.

Sur un plan plus footballistique, Ronald Koeman, notre coach, joue généralement en 4-3-3. L’équipe ne dépend pas entièrement de Bob Peeters mais il est très important. En général, il aime bien qu’on tourne autour de lui afin de lui proposer toute une série de solutions quand il a la balle. Mais il est également capable de bien jouer en 4-4-2, en 3-5-2 ou en 4-5-1. A mon avis, Bob jouera encore un an ou deux en Hollande avant de tenter sa chance en Angletere. Il est fait pour la Premier League où son style à la René Eijkelkamp fera un malheur ».

« Super collectif » (Grujic)

Vitesse Arnhem a récemment été éliminé en demi-finale de la Coupe de Hollande par Twente, le club de Kurt Vande Paar, Chris Dewitte et Spira Grujic. Ce dernier a souvent croisé le fer avec le grand Bob et est bien placé pour relever ses progrès : « Il fait partie du gratin des attaquants en Hollande et il ne faut jamais le quitter de l’oeil. Il exploite bien, et toujours très sportivement, ses atouts physiques. Bob Peeters sait écarter ses adversaires, utiliser ses bras, il est alors difficile de s’approcher de la balle car il a de l’envergure. Le trafic aérien ne lui pose pas de problème et quand il frappe de la tête, c’est dangereux. Il faut monter haut pour le contester dans les airs. Bob Peeters est un gros travailleur. Il se donne de la première à la dernière minute de jeu. Il se soucie d’abord du jeu collectif et je ne l’ai jamais vu agir en soliste. A l’approche des seize mètres, il suggère les une-deux et c’est un remiseur de toute grande qualité.

S’il sait garder la ballon et résiste aux charges, je ne range cependant pas Bob Peeters dans la catégorie des grands techniciens. Il ne passera jamais toute une défense en revue balle au pied. Le dribble pur ou le crochet court, c’est pas tellement son truc. Il surprend autrement mais je suis persuadé qu’il progessera aussi techniquement même si ce sont plus des qualités naturelles. Bob Peeters a indiscutablement acquis une autre dimension en Hollande car le jeu est infiniment plus offensif qu’en Belgique ».

« Une mentalité unique » (Brocken)

Beaucoup de joueurs ont quitté le Lisp depuis la conquête du titre national en 1997. David Brocken ne cache pas son admiration à l’égard de Peeters. S’il reproche parfois aux jeunes de ne pas bien exploiter leur potentiel, il ne peut le faire à l’égard de Bob : « Il arrive à l’âge de la maturité. Il a parcouru beaucoup de chemin et mérité tous ses progrès. Un coach l’a transformé : Eric Gerets, qui a radicalement changé le cours des choses. Bob était condamné, jugé à l’avance par ceux qui croyaient détenir la vérité. Or, en réalité, il n’y a pas de règle en football. Bob a prouvé que tout le monde a les moyens de réussir, à condition d’y croire. J’admire surtout sa formidable mentalité. Bob Peeters est porté par son esprit positif et son optimisme fait la différence.

Son caractère est resté le même et j’éprouve sans cesse un grand plaisir à le revoir. Bob est professionnel jusqu’au bout des ongles mais il apprécie les succès comme le plus commun des footballeurs. Il a vaincu les doutes et cela donne encore plus de poids à ses motivations. Je suis certain qu’il est loin d’avoir atteint son plafond. Il accumule du métier à revendre et ce sera très rentable ».

« Il a même du charisme » (Serneels)

Yves Serneels, un ancien du Lierse, a tourné la page en signant un contrat qui le lie à Westerlo jusqu’en 2003. En disputant la prochaine finale de la Coupe de Belgique, contre Lommel, il songera peut-être à toutes les belles saisons passées au Lisp avec Peeters : « Il a peut-être été un précurseur. Après coup, il me semble que d’autres clubs se sont dits qu’on pouvait aussi utiliser des doubles mètres. Lokeren a été chercher Jan Koller. Au début, on a souvent dit que ce gars-là était trop grand pour jouer au football. Il a tenu tête comme Bob. Chapeau, évidemment. Mais Peeters a déviné que les doutes existaient encore et qu’il était peut-être dangereux pour la suite de sa carrière de rester en Belgique. Il devait sans cesse se justifier. Je me souviens l’avoir rencontré après ses premiers contacts avec Roda. Ce club avait totalement confiance en lui et ils balisèrent bien le terrain à parcourir. Bob fait désormais preuve de plus de présence sur un terrain. Il rayonne, on le voit, il focalise même les attentions et celui dont on se moquait autrefois a du charisme : quelle belle victoire ».

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Pierre Bilic

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