Sortir du smog

Salaires payés en retard, transfert de Custovic, interdiction de tout transfert entrant… Où vont les Hurlus ?

Le thermomètre affichait -4°C, samedi matin, et le brouillard enveloppait la Cité des Hurlus lorsque les joueurs de l’Excelsior Mouscron se sont engouffrés dans les voitures, direction… le Futurosport pour la reprise des entraînements. Pantalon de training, bonnet et gants étaient de rigueur. Ils ont travaillé par ateliers, certains à l’extérieur pour le travail physique, d’autres en salle pour l’aspect football. Restrictions budgétaires oblige, le stage en Espagne, qui avait pourtant été prévu cette année encore, a dû être supprimé.  » Mais les panneaux smog limitant la vitesse à 90 km/h ont été enlevés ce matin, on va donc pouvoir y aller à fond « , plaisante le préparateur physique Bernard Decabooter.

Le nouveau président Jean-Pierre Dufermont tient le même langage. Un langage circonstancié, destiné à rassurer, ou empreint de sincérité ? Puisqu’il a tenu à s’adresser à ses joueurs en cette journée de reprise, autant le lui demander.

 » La route du Futurosport à la D1 va se dégager « 

Président, qu’avez-vous dit à vos joueurs lorsque vous êtes descendu au vestiaire ?

JeanPierreDufermont : Rien de spécial. Je leur ai souhaité une bonne année 2009, à eux et à leur famille, c’est tout.

Vous comprenez qu’ils ont besoin d’être rassurés ?

Tout le monde a besoin d’être rassuré. La situation n’est pas reluisante, il faut l’avouer. Mais je trouve qu’on a beaucoup parlé de nos problèmes. Trop, peut-être, par rapport à d’autres clubs qui ont les mêmes ennuis, mais qui se taisent.

Trop parlé ou pas assez, les faits sont là : Mouscron est le seul club de D1 qui s’est vu interdire tout transfert durant le mercato.

On s’est retrouvé dans une situation délicate en décembre et on s’est fixé des priorités. On a jugé qu’il valait mieux faire des efforts dans d’autres domaines – le paiement des salaires des joueurs, par exemple – que se mettre en ordre pour pouvoir transférer en janvier. On n’a pas besoin d’acheter d’autres joueurs, le noyau est assez étoffé.

Sauf si d’autres joueurs devaient vous quitter…

Et encore, même dans ce cas-là. Pour Mustapha Oussalah, on a encore Asanda Sishuba en réserve. Imaginez que Mark Volders nous quitte. On a Jan Slovenciak en réserve, qui n’a pas encore eu réellement l’occasion de s’exprimer sur des pelouses de D1 et qui démontre de belles dispositions à l’entraînement. Derrière, on a encore le jeune Sven Devolder. Il faut se souvenir que, lorsqu’on a engagé Volders, il n’avait pas encore la réputation qui est la sienne aujourd’hui. Beaucoup doutaient de ses capacités. Dans d’autres secteurs du jeu, c’est pareil. On doit cesser de vouloir à tout prix chercher ailleurs ce qu’on a peut-être sous la main. On doit travailler comme des fermiers : semer, puis récolter. Contre Bruges, on a lancé Maxime Lestienne, 16 ans. Il ne nous a rien coûté, sinon sa formation. Dans deux ans, il pourrait être titulaire. Avant d’être le président de l’Excelsior, j’ai été le président des jeunes pendant quatre ans. Et j’ai constaté qu’il y avait du bon grain. La situation actuelle présente au moins un avantage : la route qui mène du Futurosport vers l’équipe Première va enfin se dégager. Il était temps : le bon grain a toujours été présent mais il s’envolait avant d’arriver à maturité. Récemment, j’ai rencontré le président de Lens, Gervais Martel, qui m’a confié : – Voussavez, on auntrèsbonjeunequivientdechezvous, maisilestunpeubarrépourl’instant ! Il parlait de Quentin Pottiez. Je le connais bien, il a joué pendant deux ans avec mon fils dans les équipes d’âge. S’il était resté à Mouscron, il jouerait probablement déjà en D1. Le directeur sportif de l’Excelsior, à l’époque, Alain Tirloit, n’avait pas su le retenir. Peut-être y a-t-il eu un peu d’embrouille aussi, je ne veux pas le savoir. C’est trop tard pour revenir en arrière, de toute façon.

 » Soit on élague, soit on meurt « 

Il y a deux ans, l’Excelsior avait déjà été frappé d’une interdiction de transférer, qui avait été levée vers le 10 janvier. Pourrait-il en être de même cette année ?

C’est envisageable. Il n’y a que deux ou trois documents à rentrer, et dans les 24 heures, l’interdiction de transférer serait levée. Mais qu’est-ce qui est le plus important : pouvoir transférer en janvier ou obtenir la licence en fin de saison ?

Certes. Mais janvier donne souvent des signes précurseurs pour la licence définitive. Le club l’aura-t-il pour la saison prochaine ?

Logiquement, on devrait l’avoir. Je ne vois pas ce qui pourrait l’en empêcher. Si, comme Philippe l’a dit, il suffit de mettre 80.000 euros pour avoir la licence, il les mettra.

Il faudra aussi assainir le club. Et pour cela, il n’y a que deux solutions : soit on trouve d’autres sponsors, soit il faudra vendre d’autres joueurs.

Exactement. Comme le dit Philippe : soit on élague, soit on meurt.

Concrètement, qui est susceptible d’encore partir ?

Je n’en sais rien, j’essaie de me mêler le moins possible de l’aspect sportif. A chacun ses attributions. Lorsqu’une proposition arrive au club, elle est transmise au directeur sportif Gil Vandenbrouck qui en discute avec l’entraîneur. Personnellement, j’espère qu’il n’y aura plus de départs.

Financièrement, serait-ce tenable de conserver tout le monde ?

Du bout des ongles, cela pourrait l’être. A condition que chacun y mette du sien, fasse un petit effort et ne ronchonne pas si, de temps à autre, un paiement était effectué avec 15 jours de retard comme cela a été le cas avec les salaires de décembre. On a été confronté à un imprévu et on a eu besoin d’un peu de temps pour trouver une solution. Pour les salaires de janvier, tout est déjà réglé et on honorera nos engagements jusqu’au bout. On sait qu’en mai, on doit percevoir des droits TV. Tout est prévu. On sait où on va.

Droit dans le mur, si vous continuez à ce rythme ?

Si on réalise un deuxième tour aussi bon que le premier, les joueurs auront pris de la valeur. C’est peut-être plus intéressant de les conserver que de les brader. Vous savez, tout le monde regrette le départ de Custovic. Moi le premier. L’offre de La Gantoise est arrivée juste avant le match contre Bruges. On était acculé, on a signé. Si on avait attendu trois jours, on aurait peut-être pu le vendre plus cher. On ne pouvait pas deviner qu’il allait réaliser un triplé.

En attendant, il faut se rendre à l’évidence : la masse salariale est trop importante par rapport aux rentrées financières !

Si on veut éviter d’avoir des difficultés chaque année, on ne devrait effectivement plus dépasser un budget de 5 millions, 5,2 millions au maximum. Dans ce cas-là, et en escomptant que Philippe continuerait à injecter une certaine somme chaque année, le club deviendrait viable. Pourquoi ne réussirait-on pas ? Des clubs comme le Cercle ou Westerlo y parviennent, et ne s’en portent pas plus mal, sportivement parlant.

 » Des sponsors sont sur le pas de la porte « 

A vous entendre, la situation ne serait pas plus préoccupante qu’ailleurs, ce serait l’interview accordée par Philippe au journal Le Soir qui aurait déclenché l’alerte…

Le moment n’était peut-être pas bien choisi. Mais Philippe en avait gros sur le c£ur et il a fallu que cela sorte. Si quelqu’un dans le club a le droit de dire ce qu’il pense, c’est bien lui. C’est tout de même de sa poche que sort l’argent. Sans lui, l’Excel n’existerait plus.

De sa poche et d’aucune autre. Là réside précisément tout le problème.

Exactement. Il y a des gens, à Mouscron, qui ont profité pendant dix ans de l’aura de l’Excelsior. Aucun d’entre eux ne nous est venu en aide lorsqu’on en aurait eu besoin. Philippe, lui, habite Valence et il a donné.

Continuera-t-il à donner ?

Ecoutez, en un an et demi, Benoît Roul a réalisé un travail administratif énorme pour tout remettre en place, car – pardonnez-moi l’expression – c’était le bordel complet. En ouvrant les tiroirs, on a parfois eu des surprises énormes. Il a fallu éponger tout de suite, sinon ce n’était même pas la peine de continuer. Du coup, le budget que Philippe avait en tête de mettre sur deux ans et demi ou trois ans, a été écoulé sur moins de deux ans. Dans toute société, il y a des budgets. J’en ai pour la mienne, Philippe en a pour ses autres sociétés. Il faut qu’on se débrouille avec ces budgets-là. Idéalement, il faudrait deux ou trois autres sponsors du calibre de Philippe, mais ce n’est pas facile à trouver. Pourtant, on cherche, croyez-moi. Autant les joueurs courent sur le terrain, autant la cellule commerciale s’active en coulisses. Pour quels résultats, me demanderez-vous ? Certains sponsors sont sur le pas de la porte. Des sponsors très sérieux, représentant des sociétés très solides. Malheureusement, ils ne sont pas encore entrés. Il faut dire qu’on joue de malchance : lorsqu’on touche au but, on a une crise économique qui nous tombe dessus et qu’on ne pouvait pas prévoir. Toutes les sociétés ont pris cette crise en pleine figure. Celles de Philippe également. Lorsqu’il faut faire des économies pour payer le personnel, c’est généralement dans le budget sponsoring qu’on puise en premier lieu. Notre service commercial a vu quelques-unes de ses touches, sur lesquelles il travaillait depuis six ou neuf mois, tomber à l’eau en quelques secondes. Il faut alors tout recommencer, explorer d’autres pistes. Mais je garde l’espoir.

Et en ce qui concerne les indemnités des entraîneurs de jeunes régionaux et provinciaux ?

Le problème est en passe d’être réglé. En fait, c’est toujours le même problème : Philippe est d’accord d’entretenir les jeunes nationaux, qui doivent servir de Réservoir à l’équipe Première, mais estime que si Jean-Pierre Detremmerie veut créer d’autres équipes pour jouer un rôle social dans la Ville, c’était à l’IEG de les entretenir. Detremmerie a admis le principe, on attend toujours qu’il s’exécute. D’ici là, pour subvenir aux besoins de ces entraîneurs – que je remercie au passage d’avoir patienté -, Philippe mettra sans doute, une fois encore, la main au portefeuille…

par daniel devos

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