SORTIR DE L’OMBRE

Bruno Govers

Le gardien hesbignon a profité des indisponibilités de Daniel Zitka et Silvio Proto pour monter en grade.

Daniel Zitka ou Davy Schollen en guise de dernier rempart contre Roulers ? Pour les représentants de la presse, le mystère aura été entier jusqu’au bout, le 26 novembre passé, puisque les noms des deux gardiens du RSCA avaient été repris sur la composition d’équipe d’avant match. Dans la foulée, le speaker du stade ne fit qu’ajouter à la confusion générale en annonçant la présence… de Schollen (28 ans) sur le terrain. Frankie Vercauteren, qui aime semer le doute dans les esprits, avait-il donc à c£ur de mettre une nouvelle fois tout le monde sur le mauvais pied ? Eh bien non, le choix du titulaire ne livra tout simplement son verdict qu’in extremis ce soir-là. Au grand dam du n° 22 local qui, après avoir bénéficié de temps de jeu à La Gantoise, puis à Lille, aurait aimé se produire en championnat, devant le public anderlechtois, au Parc Astrid.

Davy Schollen : J’ai vécu d’espoir jusqu’au tout dernier moment, mais quand j’ai vu mon concurrent s’employer lors de l’échauffement d’avant match, j’avais compris. A la place de Daniel Zitka, je l’avoue bien volontiers, je n’aurais sans doute pas agi autrement. Dès l’instant où il ne ressentait plus rien de la légère contracture qu’il avait encourue sur le terrain des Buffalos, il était normal qu’il songe à récupérer au plus tôt sa place. Dan a dû patienter longuement avant de se faire une place au soleil à Anderlecht. Comme il s’était montré impérial depuis l’entame de la compétition, son empressement à récupérer sa place de n° 1 coulait naturellement de source. Je me suis donc effacé on ne peut plus logiquement. En paraphant mon engagement au club, cet été, je savais pertinemment bien à quoi m’attendre, puisque l’on m’avait acquis sur base locative, au NAC Breda, comme substitut, pour pallier la longue indisponibilité de Silvio Proto. Pour le même prix, sans les blessures de l’un et de l’autre, j’aurais fort bien pu ne jamais débuter dans le onze de base. A l’heure des premiers bilans, à mi-saison, je n’ai toutefois pas de raison de faire la fine bouche. J’ai été aligné en période de préparation face à Salzbourg, j’ai encore joué par la suite, en deuxième mi-temps, lors d’un match de prestige au Real Madrid, puis à Gand et à Lens contre Lille. Mon seul regret est de ne pas avoir eu l’occasion, durant cette courte période, de disputer un match de championnat au stade Constant Vanden Stock. La seule fois que je m’y suis illustré, jusqu’ici, c’était lors du match de Coupe de Belgique contre Dessel Sport. Mais il n’avait évidemment pas la même saveur qu’une rencontre de D1. Tôt ou tard, j’espère que j’aurai l’occasion de combler ce manque. Je ne désespère pas en tout cas.

Sur le tard

La direction et le staff technique sont manifestement satisfaits de vous, puisque le club désire lever l’option qui vous concerne au NAC Breda ?

Indépendamment du point que j’ai pris avec mes coéquipiers contre Lille en LC, cet épisode-là constitue à coup sûr ma première victoire au Sporting. Je me rends parfaitement compte que mon passage dans les rangs des Champions de Belgique a interpellé bon nombre de personnes. Et il n’en était d’ailleurs pas allé autrement quand j’avais été désigné pour la première fois en équipe nationale dans le cadre de la double confrontation face à la Slovaquie et la Turquie, un peu plus tôt dans l’année. Voire récemment encore, pour les besoins du match contre la Pologne. En mon for intérieur, je me dis que si le coach fédéral, René Vandereycken, a continué à avoir confiance en moi, en dépit de mon statut de doublure au RSCA, c’est parce qu’il avait tous ses apaisements en ce qui me concerne. Corollairement, si les dirigeants anderlechtois veulent s’assurer définitivement mes services, c’est la preuve que j’ai répondu à l’attente. Sous peu, j’ai cru comprendre que je serais invité à m’asseoir à la table des négociations. Le Sporting entend disposer de trois bons keepers, pour parer à toute éventualité et, en haut lieu, on a visiblement à c£ur que je fasse partie de ce nombre. J’en suis honoré mais je ne tiens pas à faire simplement de la figuration. A 28 ans, les belles années s’annoncent et je n’ai pas envie de prendre place éternellement dans le dug-out. Au NAC, je suis sorti pour la première fois de l’ombre après avoir fait banquette à Saint-Trond d’abord, puis à Genk. Pourquoi ne pourrais-je pas m’éveiller aux mêmes ambitions à Anderlecht ?

Vous aviez 26 ans au moment de devenir enfin titulaire à part entière aux Pays-Bas. C’est un âge déjà avancé par rapport à Logan Bailly (21), que vous avez côtoyé au Racing, ou à Silvio Proto (23) avec qui vous devez à présent composer. A quoi faut-il attribuer cette réalisation sur le tard ?

Logan avait 16 ans à peine quand, en 2002-03, il fut incorporé pour la première fois dans le noyau A à Genk. Silvio avait à peine un an de plus lorsque le même honneur lui échut au Tivoli. Personnellement, au même âge, j’évoluais encore en catégorie de jeunes à Hoegaarden. La D1, c’était un rêve, pour moi. Année après année, j’ai été appelé à faire des tests chez des pensionnaires de l’élite : à Anderlecht déjà, au RWDM, à Saint-Trond. J’ai même effectué tant d’essais au Staaienveld, l’été, que c’était pour moi des colonies de vacances (il rit). Mais chaque fois, je me heurtais à une fin de non-recevoir, l’affaire étant classée sans suite. Finalement, en 1999, j’ai quand même touché au but en signant enfin chez les Canaris. L’entraîneur Poll Peeters avait décelé de la graine de bon gardien en moi et il me recommanda chaudement à la direction. A 21 ans bien sonnés, je me retrouvais au sommet de la hiérarchie, sans la moindre expérience. Dans ces circonstances, il est tout à fait compréhensible que j’avais un certain retard à combler par rapport à des garçons lancés dans le grand bain alors qu’ils étaient encore teenagers. C’est pourquoi, en l’espace de trois saisons au Staaienveld et deux au-tres au Racing, mon temps de jeu n’aura pas été des plus fournis : 30 matches à peine. Il est vrai que j’avais affaire, dans les deux clubs, à autant de monuments : Dusan Belic d’une part et Jan Moons de l’autre. A un moment donné, j’ai cru que j’obtiendrais ma chance au Fenixstadion : Logan avait été prêté à Heusden-Zolder en 2003-04 et, durant cette même période, Jan n’avait pas eu que des partisans à Genk. Je pensais donc que mon heure allait sonner. Mais la direction rappela Logan après un championnat et je me rendais compte qu’en raison de son potentiel extraordinaire, le club allait jouer sa carte. Dès lors, pour ne pas courir le risque d’être une nouvelle fois le deuxième ou troisième choix, j’ai préféré partir.

Vedette hollandaise du But de la Semaine

Direction les Pays-Bas et NAC Breda plus particulièrement. Pourquoi ?

Le portier hongrois, Gabor Babos, était en partance vers Feyenoord et son substitut, Arno Van Zwam, avait déjà franchi allégrement la barre de la trentaine. A 26 ans, les dirigeants estimaient que je pouvais faire l’affaire. Pendant ma dernière saison à Genk, quoique je le dise moi-même, j’avais livré quelques matches de la meilleure veine en remplacement de Jan. Et je m’étais notamment distingué en Ligue des Champions contre l’AS Rome. Sur l’ensemble des deux confrontations, qui s’étaient soldées par 0-1 au Racing et 0-0 en Italie, je n’avais encaissé qu’un but, paraphé par Antonio Cassano. La plupart des joueurs, chez nous, découvraient réellement la Coupe d’Europe cette saison-là. Je me souviens que lors de notre entrée en matière, au Real Madrid, nous nous étions tous munis d’un appareil photo, la veille du match, afin d’immortaliser l’événement. Je suis retourné à Santiago Bernabeu avec Anderlecht cette saison, à l’occasion de la présentation de la nouvelle équipe des Merengue et l’approche était tout autre. Des gars comme Bart Goor ou Yves Vanderhaeghe avaient déjà joué en Ligue des Champions contre les Madrilènes en 2000-01 et n’étaient plus impressionnés du tout par la magie des lieux ou les noms de leurs adversaires. Ils pouvaient donc parler aux autres en connaissance de cause. Je ne sais si c’est un hasard mais, à Madrid, le Sporting a probablement livré sa meilleure prestation européenne cette saison. Cette deuxième mi-temps là-bas était plus aboutie encore que notre match contre Lille.

Vous êtes un petit veinard car au cours de ces deux séquences, c’est vous qui défendiez les buts du RSCA ?

J’ai été gâté, c’est vrai. D’abord à Madrid, où j’ai quitté le terrain avec le sentiment du devoir accompli, puis à Lens où le RSCA a obtenu un point amplement mérité. A choisir, je préfère ma prestation au Real où je n’ai pas eu grand-chose à me reprocher. Contre Lille, en revanche, je n’étais pas satisfait à 100 % de mon match. A un moment donné, j’ai eu la chance de mon côté avec cette balle échouant sur la barre après une intervention approximative de ma part. Et à un autre moment encore, j’ai commis une sortie hasardeuse, sans conséquence fâcheuse toutefois. Si ce genre de scène avait dû se produire il y a cinq ans, je ne m’en serais sans doute pas remis et j’aurais accusé le coup en cours de match. L’âge et l’expérience aidant, j’ai appris à me ressaisir très vite. A cet égard, je dois une fière chandelle à John Karelse, qui était entraîneur des gardiens à NAC. Au départ, surtout, son soutien psychologique aura été des plus précieux, car durant mes premières semaines à Breda, je me serais cru dans un stand de tir. En l’espace de neuf rencontres, j’avais encaissé pas moins de 25 buts. J’ai souvent fait la une de Studio Sport dans son But de la Semaine. Beaucoup se souviendront à coup sûr du goal que j’ai encaissé devant l’Ajacide Zlatan Ibrahimovic peu après mon arrivée, en août 2004. L’attaquant suédois avait réalisé l’exploit de dribbler six défenseurs, puis moi-même, avant de déposer le ballon au fond. Par après, j’ai encore pris quatre autres goals au RKC, dont l’un était un pur chef-d’£uvre lui aussi. Il n’empêche que j’avais l’air malin ( il grimace). Heureusement, tout cela m’a endurci.

L’avis de Mathijssen

Que retenez-vous des deux saisons passées à Breda ?

J’ai appris davantage, en cette courte période, qu’en l’espace de cinq ans en Belgique. Le championnat hollandais, c’est du pain béni pour un gardien. Le jeu y est à ce point ouvert que les keepers sont immanquablement sollicités. J’ai peut-être été fréquemment à la pêche là-bas, surtout au cours de ma première saison, mais j’ai effectué au moins autant d’arrêts miracles qui m’ont valu une jolie publicité aussi. C’est probablement la raison pour laquelle le staff technique de l’équipe nationale a songé à moi, ainsi qu’à Brian Vandenbussche cette année. Lui aussi a souvent eu l’occasion de se mettre en évidence avec Heerenveen.

Est-ce aux Diables Rouges que vous devez votre présence à Anderlecht aujourd’hui ?

J’en ai bel et bien l’impression. Lors de ma prise de contact avec l’équipe nationale, Jacky Munaron en était encore l’entraîneur des gardiens. Il a eu tout loisir de me juger à cette occasion et je pense qu’il a dû avoir un bon mot pour moi auprès de ses supérieurs au Parc Astrid. Il m’a dit, à un moment donné, qu’il avait été des plus séduits par mon ardeur au travail ainsi que par mon caractère de battant. Il est vrai que je me donne toujours à fond, à l’entraînement ou en match. Ne jamais lâcher le morceau, c’est ma devise.

A quoi aspire un gardien de 28 ans comme vous ?

J’essaie de faire mon métier le mieux possible, c’est tout. Je me souviens que lors de ma période trudonnaire, alors que j’étais la doublure de Dusan Belic, l’entraîneur Jacky Mathijssen me répétait sans cesse que j’avais l’étoffe pour devenir international un jour. Au moment même, je me refusais à y croire. A présent, je suis bien forcé de constater que l’homme ne s’était pas trompé. Je veux désormais persévérer sur cette voie.

BRUNO GOVERS

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