Sorti du rouge

Le surdoué de Sclessin a-t-il retrouvé son football pour de bon aux côtés d’Ole-Martin Aarst?

Le 1er janvier 2003 est arrivé en même temps que le nouveau Michaël Goossens. Il a enfermé à double tour, dans une vieille armoire de son grenier aux souvenirs, les mauvais moments du premier tour de la présente saison.

Depuis la reprise, on revoit le Mika engagé, volontaire, accrocheur, talentueux. Il est redevenu cet attaquant moderne des belles années vécues avec Arie Haan et Robert Waseige. A 29 ans, ce fils de Tilleur mesure que le temps presse déjà. Il n’a finalement qu’une Coupe de Belgique à son palmarès.

Quand on dispose du talent qui aurait dû en faire un des attaquants les plus marquants de sa génération, c’est beaucoup trop maigre. Il ne sera évidemment pas question de titre cette saison mais l’ambition et le sourire sont revenus après des mois de galère qui faillirent l’envoyer à Ajaccio ou à Birmingham. La belle gueule de Sclessin sort du rouge.

N’est-il finalement pas dommage pour le Standard que la neige ait entraîné le report de votre déplacement à Anderlecht?

Michaël Goossens: Evidemment, c’était le moment idéal afin de se rendre à Bruxelles. Le Standard a mis les gaz à fond depuis la reprise, le moteur tourne rond et peut même encore monter dans les tours. Par rapport à cela, Anderlecht se cherche un peu depuis début janvier, a été battu en championnat par Westerlo, n’a pas creusé une écart décisif en Coupe de Belgique contre St-Trond, n’a pas été conquérant lors de son déplacement à Malines. Je sais que les Bruxellois se sont souvent repris du jour au lendemain, surtout lors des affiches, mais, en gros, la donne était intéressante pour nous. Je suis cependant persuadé qu’elle le sera au moins autant à la mi-avril, quand se jouera enfin ce match, car ce qui est en place chez nous sera encore plus solide dans quelques mois. Cette certitude deviendra réalité si nous continuons à travailler dans nos dispositions actuelles.

Le déclic s’est-il produit lors de votre match aller des quarts de finale de la Coupe de Belgique contre La Louvière?

Le résultat fut important mais pas inattendu dans la mesure où c’était d’abord, je crois, une nouvelle concrétisation de nos progrès. Le terrain était difficile et notre intention première était de faire bouger une défense qui a du métier, de la taille et un libero. Nous avons décidé de jouer vite, d’être présents sur les ailes, de varier les coups. Ce fut un match plein dans la manière, l’animation, le physique, la lecture du jeu par tous les joueurs. La Louvière s’est très vite retrouvée au tapis et on peut regretter qu’un moment d’inattention de notre défense ait permit aux Loups de revenir à la marque. Ole-Martin Aarst a marqué trois buts, je l’ai bien ravitaillé en centres, c’était bien pour ce groupe qui n’a pas besoin de dessin pour deviner l’importance de la Coupe de Belgique.Confirmer contre Mons

En championnat, votre prochain adversaire n’est autre que Mons, une des révélations de la saison, qui fut un peu à la base de vos ennuis en vous battant (1-0) au match aller.

Il y aura de la méfiance comme toujours mais d’abord du respect pour le parcours du promu. L’Albert apporte quelque chose à l’élite par la qualité de son jeu, la valeur de ses joueurs et la fraîcheur de ses idées sur le terrain. Mons joue mieux à domicile qu’en déplacement mais on ne peut pas baisser la garde devant Cédric Roussel, bien ravitaillé par Jean-Pierre La Placa ou Eric Joly. Il ne faut pas inscrire ce match dans un contexte de revanche par rapport à l’aller mais bien dans un souci de confirmation de la victoire signée contre Charleroi. Les Zèbres nous avaient posé un problème via un engagement ayant dépassé les bornes. Le Standard a su garder son calme avant de vivre de bons moments après le 2-0. Si notre équipe se libère de la même façon lors de la visite de Mons à Sclessin, ce sera bien. A l’aller, Mons s’est dépassé et nous avons perdu Eric Van Meir suite à une faute sur Pascal De Vreese. A dix contre onze, nous méritions le nul mais nous n’avons pas pu éviter un contre dans une ambiance de liesse. Un nul dans des conditions difficiles aurait pu nous relancer. Au lieu de cela, la défaite nous a précipités vers la crise. Mais c’est déjà loin…

Un détail quand même: vous étiez sur le banc à Mons alors que vous jouez pour le moment et que le Standard redresse la tête…

Je n’ai pas vécu six mois de tout repos. Mais j’ai décidé de tourner la page, de ne plus perdre d’influx en contestant toutes les conneries qu’on a lancées à mon propos. A quoi bon? Je ne sais pas ce qu’on me voulait. Seul, je ne suis responsable de rien: ni de la crise, ni du magnifique renouveau actuel. C’est le groupe qui était malade et c’est le groupe qui est désormais en bonne santé. J’ai fait le vide, je me suis bien préparé lors du stage hivernal de Valence. Je me sens de 20 à 30 % plus fort et si on y ajoute les 30% de progrès de l’équipe, cela fait une différence très importante.

Mais n’êtes-vous pas d’abord libéré, tactiquement s’entend, par le départ d’Ali Lukunku?

Peut-être. Je m’énerve quand même un peu quand on me compare à Ali Lukunku.

Je veux dire, pour être plus clair, que le duo Aarst-Goossens est plus complémentaire que la paire Aarst-Lukunku.

Vu sous cet angle, c’est différent, en effet. Ali est un boeuf qui s’appuie sur sa masse pour faire sauter les défenses adverses. Un cogneur. Un frappeur qui émerge dans les airs et aime être lancé en profondeur. C’est un finisseur, un homme de fin de phases de jeu. Une case s’est libérée pour moi, c’est sûr, mais mon apport est différent. Je peux tourner autour d’Ole-Martin Aarst même si mon football ne se limite pas à cela. J’ai besoin de travailler et je tente notamment d’écarter le jeu, de dégager des espaces et de soigner mes centres. Je suis redevenu un attaquant à part entière. J’ai vécu mes plus belles années dans ce secteur avec Henk Vos, Marc Wilmots et Aurelio Vidmar. Quand on m’a fait revenir de Schalke, c’était pour jouer en pointe, puis l’équipe a eu besoin de moi ailleurs. Je revis devant. J’ai envie d’y rester. Quand on est jeune, la polyvalence est un atout afin de jouer le plus possible. J’en ai bénéficié mais cela m’a coûté cher aussi. A la fin, on ne savait plus qui était Mika. Il ne faut pas oublier que Jonathan Walasiak a fait son trou à droite. Cela m’arrange aussi. Fredrik Söderström est un solide balai devant la défense. Johan Walem a retrouvé sa superbe dans son rôle de distributeur décentré sur la gauche. J’espère que la malchance ne s’acharnera plus sur moi: j’ai donné, j’ai eu plus que mon lot de pépins, de bobos, de blessures et d’opérations. Ajaccio, Birmingham puis Sclessin

Si, mais je n’avais pas peur de cette éventualité si cela me permettait de jouer plus souvent. Quand les négociations ont commencé avec les Corses, ce club était dans une bonne passe. Ajaccio a ensuite vécu des moments plus délicats et s’est probablement dirigé vers d’autres priorités pour renforcer son noyau. Luciano D’Onofrio m’a signalé qu’il n’y avait plus de nouvelles pour moi, que ce soit d’Ajaccio ou de Birmingham. J’étais quand même assez tranquille avec moi-même, malgré les paroles que m’avait adressées Alphonse Costantin quelques mois plus tôt. Il m’avait dit que je devais chercher au plus vite un autre club. Le message était clair. Michel Preud’homme avait assisté à cet entretien sans lâcher un mot.

En fait, vous réagissez bien à la pression…

Qui vous a dit cela? Luciano D’Onofrio?

Pas du tout, je constate. Ils ont haussé le ton, vous jouez mieux…

Peut-être mais j’en reviens d’abord à ma notion de confiance. Cette équipe l’a retrouvée. C’est ça la différence.

Etes-vous d’accord avec Dragutinovic qui déclarait la semaine passée que Waseige n’avait pas de système tactique?

Drago a sa vision des choses. Mais s’il y a un homme de métier en Wallonie, c’est bien Robert Waseige. La base de son système tactique, c’est le 4-4-2, tout le monde le sait. Il y a sa carrière, la Coupe du Monde et les matches historiques face à la Russie et au Brésil, c’est fabuleux non?

Faible mentalement, le groupe ne s’est-il pas voilé la face, et ses problèmes, en se disant que Waseige allait tout résoudre?

Il n’a pas manqué grand-chose. Si la chance ne nous avait pas boudés contre Mouscron, Charleroi, Mons, Anderlecht et Bruges, notre histoire aurait été différente.

Et Waseige s’est retrouvé seul face aux attentes déçues du club, au manque de leaders dans le groupe, aux carences d’un noyau inchangé et qui n’avait pas bien travaillé physiquement durant les six derniers mois de la saison précédente, provoquant un déficit impossible à gommer en quelques semaines?

Ce n’est pas à moi de répondre à cette question. Je peux constater que nous n’avons pas été vernis. Pour le reste, je vis au présent. Dominique D’Onofrio a bien travaillé alors que ce n’était pas facile. Petit à petit, il a provoqué un renouveau général dans le comportement sur le terrain, dans la manière et les résultats. Grâce à cela, le groupe s’est pris en mains via des mutations. La défense n’est plus tout à fait la même qu’en début de saison. Drago vit bien au centre et, à mon avis, Gonzague Vandooren a fait son trou au back gauche où son côté increvable fait merveille. Michel Preud’homme l’avait déjà aligné à ce poste. Dominique D’Onofrio l’y confirme et, avec Walasiak à droite et Söderström au centre, ce sont des facteurs de rééquilibrage. L’équipe est en place mais les jeunes sont là ainsi que Harald Meyssen. Il ne joue plus beaucoup, mais quel pro! Harald a tout pour dépanner dans la ligne médiane: technique, vista, frappe, etc. S’il devait arriver quelque chose à Johan, il est là. Les jeunes font du bien

Vous avez parlé des jeunes: ne sont-ils pas l’oxygène que Dominique D’Onofrio a fait souffler pour réveiller les cendres du feu liégeois?

Belle comparaison. Ils ont fait du bien et les vieux les ont accueillis à bras ouverts. Turaci s’est imposé tout de suite après son retour de la Louvière, Walasiak a été freiné par une blessure avant son éclosion. Derrière, il y en a d’autres qui ont envie de se rendre utiles.

Comme Cédric Olondo avec qui vous étiez en balance en décembre…

Tout le monde est en balance avec tout le monde. Je n’étais pas à 100 % et il était normal que Cédric soit présent dans la bagarre. Les jeunes, c’est toujours un signe de santé. Je suis arrivé en équipe Première du Standard en même temps que Régis Genaux, Philippe Léonard et Dinga. La vieille garde nous aimait bien et il y avait un mix porteur entre jeunes et anciens. C’était aussi une preuve de richesse et ceux qui ont été prêtés à Malines sont également des options pour l’avenir.

A 29 ans, êtes-vous satisfait de votre palmarès?

Non. Je n’ai été retenu que 14 fois en équipe nationale. J’ai été à deux doigts de prendre part à la Coupe du Monde 98 mais Leekens a opté pour un groupe assez âgé. En 2000,l’EURO m’a filé sous le nez à cause d’une blessure à l’épaule. Pour le Mondial 2002, Waseige a préféré prendre Branko Strupar, qui est plus un pivot que moi. Maintenant, il y a Wesley Sonck, les Mpenza et d’autres. Je n’y pense plus. Il y a le Standard, c’est ce qui compte. J’ai encore un an et demi de contrat. Je dois tout faire pour le prolonger, pour réussir le virage de la trentaine, un des derniers dans le football qui est de plus en plus un sport de combat. J’ai un goût de trop peu au Standard. Une finale de Coupe gagnée, une autre perdue, deux fois vice-champion: quand on est liégeois, on veut plus. Je n’aimerais pas terminer ma carrière sans être au moins une fois champion avec le Standard.

Un jeune joueur belge réussit en France: Daniel Van Buyten. Votre carrière n’aurait-elle pas été différente avec un caractère comme le sien?

Bravo à Big Dan qui a souffert en France la saison passée mais épate tout le monde maintenant. Je ne pouvais pas avoir le même caractère que lui. A Froidchapelle, il a grandi à la campagne, avec les trois ou quatre mêmes copains. Tilleur, par rapport à cela, c’est la zone. Gamin, il faut crier pour être entendu dans les quartiers de mon enfance, ou on est bouffé. Mais j’y ai aussi appris la générosité. On peut dire tout ce qu’on veut de moi mais je me suis souvent sacrifié pour l’équipe. J’ai hypothéqué mes atouts pour les autres. Sur un terrain, je bosse. Cela aussi, c’est dans le sang. Et quand je vois les problèmes des sidérurgistes du bassin industriel liégeois, l’univers de mon enfance, je me dis que leurs soucis sont autrement plus cruciaux que les miens. J’ y pense souvent.

Pierre Bilic

« C’était le moment idéal pour se rendre à Bruxelles »

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