Sorti de sa boîte

Le milieu tchèque veut oublier l’UEFA pour rebondir avec le RSCA sur la scène nationale. Objectifs : une troisième place et la Coupe.

Pendant des mois, Jan Polak a été considéré comme un transfert raté. Deux éclairs de génie en faveur de Serhat Akin, à Genk d’abord, puis à Vienne, c’était peu, sur l’ensemble du premier tour, en regard de ses nombreuses errances et, surtout, des trois millions d’euros requis par Nuremberg en échange de sa liberté. Depuis lors, le milieu tchèque s’est complètement métamorphosé, au point de devenir l’un des principaux rouages de ses couleurs. Souverain et auteur d’un but splendide contre Bordeaux, le Sportingman fut également l’un des hommes les plus en vue des siens face au Bayern Munich. Même si, à l’arrivée, il y avait bel et bien un monde de différence entre les deux équipes.

Jan Polak : Le Bayern, c’est une autre planète, il faut bien s’en faire une raison. Même si Marcin Wasilewski n’avait pas été exclu, nous aurions subi la défaite. L’année passée, pour le compte de mon ancien club allemand, j’avais eu la chance de ne jamais concéder la défaite face aux Bavarois : 3-0 à Nuremberg et 0-0 au stade Olympique. Mais cette phalange-là n’avait strictement rien à voir avec celle que nous venons de défier. Des éléments comme Frank Ribéry, Luca Toni et Miroslav Klose lui ont incontestablement conféré une autre dimension. Anderlecht est peut-être grand en Belgique mais le Bayern, lui, est ni plus ni moins un géant en Europe et même dans le monde. Il n’y a absolument aucune honte à être battu par une formation de ce niveau. Pour moi, les hommes d’Ottmar Hitzfeld font figure de grandissimes favoris en Coupe de l’UEFA. Quant à nous, il faut tourner la page et se focaliser sur les deux épreuves où nous sommes toujours engagés. Terminer en huitièmes de finale de la CE2, devant un ténor de la Bundesliga, ce n’est finalement déjà pas si mal.

Vous étiez venu à Anderlecht, l’été passé, avec l’espoir de disputer la Ligue des Champions et de vous parer du titre. Huit mois plus tard, vous êtes un footballeur déçu ?

Oui et non. Oui, parce que mes ambitions ne se sont pas concrétisées dans l’immédiat. Non, en raison du fait que j’ai eu droit à davantage qu’un pis-aller en rencontrant cette saison des équipes du calibre de Tottenham, Getafe, Bordeaux et Munich. A choisir, j’aurais évidemment préféré imiter l’exemple de Fenerbahce qui s’est hissé en quarts de finale de la CE1. Cette performance situe évidemment la réelle valeur de cette équipe turque que beaucoup avaient sous-estimée lors du tirage au sort. Personnellement, après le match aller, j’étais convaincu qu’un exploit était tout à fait possible. Mais au retour, il m’avait fallu déchanter très tôt, à l’image de mes partenaires d’ailleurs, en raison du but inscrit d’emblée par l’opposant, qui avait tué définitivement tout suspense. Cette fois-là, les hommes de Zico m’avaient vraiment impressionné, alors qu’ils étaient encore apparus en rodage à Istanbul. Avec le recul, je me dis que c’est là que nous avions probablement loupé l’exploit, face à un adversaire mal en jambes. Quinze jours plus tard, ce déficit physique était résorbé et la logique financière l’a finalement emporté. A ce niveau, voire sur la scène nationale, c’est l’argent qui constitue le plus souvent le reflet de la valeur d’un club. Celui qui a le plus gros budget a automatiquement le plus de chance d’émerger.

 » J’étais éreinté à mes débuts au Sporting « 

Anderlecht devrait alors survoler les débats en Belgique.

Logiquement, oui. Mais il y a d’autres paramètres qui entrent en considération. Mener de front trois objectifs, c’est déjà quasiment impossible quand on est un ténor européen. Et la difficulté se corse d’autant plus lorsqu’on émarge au sub-top. Dans ce cas, on voit souvent qu’une équipe se distingue dans une compétition mais qu’elle est obligée de se contenter d’un rôle mineur dans une autre. Le Sporting l’a partiellement vérifié cette saison : s’il n’a pas dû se contenter de faire de la figuration par rapport à d’autres équipes qui sont toujours présentes en Europe mais qui sont mal loties dans leur propre championnat, c’est sûr que son implication en Coupe de l’UEFA lui a coûté des points précieux. Et, au final, c’est ce qui fait actuellement la différence avec le Club Bruges, qui n’a plus qu’un seul objectif, et le Standard qui, un peu de façon miraculeuse, est toujours en lice en Coupe de Belgique aussi. Nous avons gaspillé un nombre incalculable d’unités avant ou après nos matches sur la scène continentale et voilà pourquoi nous en sommes toujours réduits à effectuer la course-poursuite sur les teams qui nous précèdent au classement. Je suis toujours optimiste de nature mais je crains fort que nous n’accrocherons plus les deux places qualificatives pour la Ligue des Champions en 2008-09. Nous devons nous rabattre impérativement sur la troisième place et viser corollairement une victoire en Coupe. L’année de son centenaire, il n’est tout simplement pas permis qu’Anderlecht se retrouve les mains vides.

Vous avez mis pas mal de temps avant de donner enfin votre pleine mesure. Pourquoi ?

Je l’impute à un ensemble de facteurs : la découverte d’un nouvel environnement, tant au plan du football que dans la vie de tous les jours, mais aussi et surtout une énorme fatigue. La fin de saison avec Nuremberg n’avait déjà pas été de tout repos, puis il y a eu toutes ces tracasseries concernant mon avenir ou non là-bas. Mon passage à Anderlecht n’a rien arrangé, sous la forme de multiples navettes entre l’Allemagne et la Belgique. C’est bien simple, j’étais éreinté avant même que les choses sérieuses ne commencent, pour moi, au Sporting. A un moment donné, j’ai voulu demander de lever le pied mais je ne l’ai pas fait car le club comptait manifestement sur moi. En outre, Anderlecht avait consenti un énorme débours pour m’acquérir. Il fallait donc que je ristourne tout ça sur le terrain. Ce n’était pas l’idéal car j’ai puisé dès ce moment-là dans mes réserves. Du coup, j’ai accumulé les petites infections, avec prise d’antibiotiques à la clé. Tout ça m’a fatigué tant et plus. C’est la raison pour laquelle j’étais complètement méconnaissable en début de saison. Théoriquement, je suis capable d’enchaîner deux matches d’affilée. Là, j’étais éreinté au bout de 70 minutes à peine. Cette absence de jus explique pourquoi j’ai été rarement à la hauteur. Par intermittences, j’ai montré quelques bonnes choses. Je songe à ma passe dans la ruelle à Genk ou encore au centre qui a permis à Akin d’inscrire le but de la délivrance au Rapid. Je retiens aussi le but que j’ai inscrit à Roulers et qui nous a permis de rafler un point. Mais à côté de tout ça, il y a eu pas mal d’approximations, malheureusement.

 » Le véritable Polak, c’est celui qui ne se pose pas de questions « 

Vous comprenez qu’il y a eu durant cette période pas mal d’interrogations à votre propos ?

C’est tout à fait logique. Moi-même, je me demandais par moments ce qui m’arrivait. Jamais encore, dans ma carrière, je n’avais éprouvé autant de difficultés à trouver mes marques. Le véritable Polak, c’est celui qui ne se pose pas de questions sur l’aire de jeu. Comme lors de cette reprise de volée face à Bordeaux. Au premier tour, par contre, je gambergeais constamment. Je ne savais trop ce qu’on attendait au juste de moi. A ce moment-là, j’étais loin d’être le fameux box-to-box que le club avait présenté ( il rit). Je restais sagement derrière sans prendre trop de risques. Il est vrai que j’avais très peu de possibilités pour écouler le ballon, alors que depuis la reprise j’ai l’embarras du choix. A mes yeux, c’est ce qui a changé du tout au tout en l’espace de quelques mois. Avant la trêve, chacun avait tendance, chez nous, à trop porter le ballon. Normal, dans la mesure où il n’y avait pour ainsi dire personne pour le demander. Depuis la reprise, je remarque plutôt une tendance à faire circuler rapidement le cuir entre les lignes. Tout est devenu subitement plus facile en raison de la disponibilité de chacun. Aujourd’hui, quand je veux alerter un partenaire, je ne dois plus me casser la tête. Une, deux, voire trois solutions s’offrent constamment à moi. De la sorte, je peux moi-même aller plus résolument de l’avant. Au début, c’était ma hantise. J’avais peur de trop m’exposer et de perdre le ballon.

L’apport de Guillaume Gillet, dans votre secteur, n’a-t-il pas changé la donne ?

Peut-être. Guillaume s’est, effectivement, très vite adapté et c’est un plaisir de combiner avec lui. Reste que l’équipe n’a quand même pas été bouleversée du tout au tout par rapport à l’ère-Vercauteren. Thomas Chatelle s’est ajouté, évidemment, mais il opère dans un même registre que Jonathan Legear. De même, Luigi Pieroni a un profil plus ou moins similaire à Nicolas Frutos. Ce qui a changé, c’est l’animation et, surtout, le fait de se montrer. Le déclic s’est produit, selon moi, lors de notre déplacement au Brussels. Un derby n’est jamais simple. Pourtant, ce jour-là, nous avions survolé les débats pour la première fois, même si le score était étriqué à la fin. Par la suite, il y eut Mouscron, où nous avions fort bien fait circuler le ballon également. Idem pour le déplacement à Lokeren, où nous aurions dû l’emporter. Le seul contre-exemple fut notre non-match à Zulte Waregem. Nous nous ressentions encore des efforts consentis trois jours plus tôt à Bordeaux, un autre match-clé. Car cette fois-là, nous avions fort bien joué le pressing sur l’adversaire, au départ d’un double rideau de trois et deux hommes. Avant d’en revenir au 4-3-3 contre le Bayern, nous avions utilisé le 4-2-3-1 qui avait engendré de bons résultats. Je comprends toutefois qu’en l’absence de pivots comme Pieroni ou Frutos, l’entraîneur ait changé son fusil d’épaule face aux Bavarois.

 » Biglia et moi sommes parfaitement complémentaires « 

Dans ce 4-2-3-1, vous évoluez devant la défense au côté de Lucas Biglia. De quoi tordre le cou à ceux qui prétendent que l’Argentin et vous faites double emploi.

C’était peut-être valable en début de saison, quand nous avions tous deux une même inclination défensive et que nous donnions parfois l’impression de nous marcher sur les pieds. Depuis lors, les choses ont évolué. Si Lucas veille toujours au grain derrière, je m’autorise quand même régulièrement des incursions vers l’avant afin d’appuyer la man£uvre. En phase de récupération, nous opérons peut-être sur la même ligne mais dès que nous sommes en possession du cuir, je prends souvent mes distances par rapport à lui. S’il n’en était ainsi, je ne me trouverais pas en zone de vérité, comme ce fut le cas contre Bordeaux, par exemple. Et même contre le Bayern, j’ai eu l’opportunité d’armer quelques tirs.

Quand vous avez vu Franck Ribéry et Miroslav Klose sur le banc, ne vous êtes-vous pas dit que le Bayern le prenait de haut, à l’image des Girondins au tour précédent ?

Non, je savais que les Bavarois ne nous sous-estimeraient pas. Ce n’est pas dans leur culture. Ils ne pécheront jamais par un laisser-aller coupable, contrairement à ce que les Français ont fait contre nous. De plus, le Bayern joue vraiment en équipe, alors que les Girondins étaient composés de onze individualités, aussi bien au Parc Astrid que chez eux. Dans ces conditions, une équipe bien huilée a sa chance. Et l’équipe d’Anderlecht qui a joué en France correspondait bel et bien à ce critère. Il y a à présent un bloc sur le terrain, ce qui ne s’était pas toujours vérifié au début. Cette unité-là doit nous permettre de ne pas nous retrouver les mains vides en fin de campagne. l

par bruno govers

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