Son nouveau combat

Le buteur sénégalais a connu un transfert chahuté vers Gand après un an et demi réussi à Zulte Waregem.

Ciel gris et centre d’entraînement désert à Gand. L’autoroute, à peine cachée par quelques arbres, remplit l’espace sonore. Quelques minutes plus tard, les grosses cylindrées des joueurs déboulent. Revenant du fitness, Mbaye Leye avait pris la peine de téléphoner quelques heures plus tôt pour dire que la séance de l’après-midi allait durer plus longtemps et qu’il aurait un peu de retard. Après une douche de quelques minutes, le Sénégalais arrive. Stature fière et droite, il a le même sens de l’accueil qu’un an plus tôt, lorsque Sport/Foot Magazine avait évoqué sa percée en D1.

En un an et demi, Leye (26 ans) s’est révélé et a confirmé. 27 buts dont neuf cette saison sous la vareuse verte et rouge et deux pour Gand.  » J’étais venu par la petite porte, personne ne m’attendait. En juillet 2007, Zulte Waregem avait acheté Nikica Jelavic pour 500.000 euros et il s’agissait du gros transfert, de l’attaquant qui devait jouer. Moi, j’arrivais derrière. Personne ne me connaissait. J’avais simplement la confiance de l’entraîneur, Francky Dury.  »

 » Leye aime courir « , affirmait, il y a quelques mois, l’entraîneur emblématique de Zulte Waregem.  » Il le fait volontiers et c’est pour cette raison que dans un premier temps, je l’ai utilisé sur les flancs. Nous avions acheté Jelavic pour une grosse somme. Le mardi, il m’arrivait d’essayer des joueurs à d’autres postes. C’est à ce moment-là que je me suis rendu compte que Leye savait évoluer dans l’axe. Il peut tout aussi bien jouer du pied gauche que du droit. Il est explosif et sait garder la balle. Il peut marquer sur des centres, dans de petits espaces, de la tête ou des deux pieds et il peut aussi chercher la profondeur. Je le trouve très complet. « 

C’était le temps des amours. Aujourd’hui, quand on demande à Leye ce qu’il pense de Dury, il répond :  » Je préfère ne pas répondre à cette question et me borner à dire que j’ai vécu un an et demi à Zulte Waregem avec un très bon groupe.  » Le départ de Leye au dernier mercato a laissé une plaie béante des deux côtés et Zulte Waregem n’a pas manqué de régler ses comptes dans la presse, accusant le Sénégalais d’avoir privilégié l’argent et d’avoir été manipulé par son conseiller.

Leye :  » Le monde du foot actuel est plein d’hypocrisie. Les dirigeants ont mis en cause mon entourage en affirmant que mon agent avait dormi chez moi trois jours. Je ne trouve pas cela correct de la part d’un club qui s’était permis de vider pendant ses vacances, l’appartement de mon compatriote, Khalifa Sankaré. Cela l’avait obligé à dormir chez moi pendant un mois et demi et à l’époque, personne ne me l’avait reproché ! Le respect, cela va dans les deux sens ! Ils ont vécu un an et demi avec moi. Ils connaissent mon caractère. Ils savent que c’est moi qui décide de mon avenir et personne d’autre. Mon transfert s’est réglé le dernier jour mais cela ne doit pas servir d’excuse au comportement des dirigeants. Si j’avais décidé de partir le dernier jour, j’aurais pu comprendre mais cela faisait plusieurs mois que le club connaissait mes intentions. Ils ont eu le temps de s’y préparer. Finalement, je regrette simplement de ne pas avoir salué les supporters comme il se devait. Je n’ai pas envie qu’ils disent que je suis parti comme un voleur.  »

 » Il faut avoir un nouveau but sinon tu tombes dans la routine « 

Arrivé en droite ligne d’Amiens, Leye a donc réussi son pari, en s’imposant en D1 belge. Lui qui n’a décidé de se concentrer sur le football qu’à 21 ans, après avoir choisi dans un premier temps la voie des études.  » Mais j’ai pu rattraper mon retard en côtoyant le coach Christian Gourcuff à Lorient. Il m’a appris le positionnement tactique.  »

Et comme l’ambition vient en mangeant, c’est en goûtant à la D1 belge que Leye a directement visé un club plus ambitieux :  » J’ai vite compris qu’en Belgique, il fallait être prêt physiquement et que quand tu alliais cela avec un peu de technique, tu pouvais t’en sortir et aller dans une équipe du top. Les gens ne comprennent pas toujours que nous sommes footballeurs professionnels. Chacun a envie de passer des paliers et de construire sa carrière. Il faut sans cesse avoir un nouveau but, sinon tu tombes dans la routine. Moi, j’étais sûr que j’avais le niveau d’un club du top car j’étais régulier depuis un an et demi et toujours présent dans les gros matches. « 

Et pourtant, c’est à Gand, en toute dernière minute, qu’il a abouti. Pas à Rubin Kazan ni au Club Bruges comme évoqué l’été dernier.  » Les Russes de Kazan ont été attirés par le fait que Grozny s’intéressait à moi. Je n’ai pas imaginé une seconde partir en Tchétchénie mais cela a permis à d’autres clubs de penser à moi. A Kazan, tant l’aspect financier que sportif m’attiraient : le club allait disputer la Ligue des Champions. Quand on te parle de Saint-Pétersbourg ou de Moscou, tu réfléchis mais quand on évoque Kazan, la réflexion est plus… longue. Et puis, je trouvais qu’il y avait beaucoup trop d’intermédiaires dans la discussion. Je sentais que je n’étais pas la personne la plus importante des négociations. On ne parlait qu’argent. Quant à Bruges, en une journée, je savais que je n’irais pas. Quand un club pareil est en crise et cherche un attaquant, il doit s’en donner les moyens. Son offre n’était pas intéressante et il n’a jamais montré une réelle volonté de me prendre. Or, je sais que quand un club investit réellement sur toi, tu as plus de chances de jouer… « 

Puis ont commencé les négociations avec Gand :  » Je n’ai jamais compris le rôle de Zulte Waregem. La direction a refusé de parler avec Bruges pour un million d’euros mais elle m’a lâché à Gand pour 500.000. « 

Le choix de Gand est également surprenant pour un joueur qui visait plus haut :  » C’est vrai, c’est un club du subtop mais le plus important pour moi consistait à savoir si l’entraîneur me voulait. J’ai eu une bonne discussion avec Michel Preud’homme. Il connaissait mes qualités et m’a expliqué son projet pour Gand. Il sait ce qu’un joueur peut éprouver. Il connaît le sentiment de déception qui nous anime parfois. Face à lui, j’étais comme un enfant. Je me souviens que, dans mon village, lorsqu’on jouait dans la rue, certains se donnaient le nom de Preud’homme. A Gand, je me sens vraiment dans un milieu professionnel. Si j’avais été motivé par l’argent, je serais parti à Kazan. Mais je cherche un plan de carrière. Une fois le discours de Preud’homme terminé, je savais que c’était cela que je recherchais. J’avais envie de rentrer dans leur projet.  »

 » Le regard des gens a changé au Sénégal « 

Et voilà comment un des meilleurs buteurs de notre compétition a échappé aux grandes cylindrées. En un an et demi, le statut de Leye a évolué. Son intelligence a marqué les esprits.  » J’ai montré une autre image des Africains. Les gens se rendent compte aujourd’hui que nous faisons aussi des études et que nous savons également prendre des décisions nous-mêmes sans être influencés par le petit blanc à côté. Je regrette d’ailleurs de m’être éloigné un peu de mes livres. Aujourd’hui, je suis un vrai footballeur. « 

Son jeu a également suscité beaucoup d’éloges :  » Les choses ont changé. Les défenseurs font plus attention à moi, le marquage est plus serré. Je reçois moins d’espaces.  » Et lui qui n’osait rêver des Lions de la Teranga a reçu sa chance, l’été passé :  » En fin de saison dernière, je savais qu’il y avait une possibilité que j’intègre la sélection. Je faisais partie des meilleurs attaquants sénégalais du moment. La convocation a constitué un premier pas dans mon évolution. Là, je me suis dit – Tu es en train de construire une carrière et tu as posé la première pierre. Je me retrouvais avec El Hadj Diouf (Sunderland), Khalilou Fadiga ou Pape Malickou (Dinamo Kiev) et je pouvais me mélanger à eux sans qu’on perçoive la différence. Cette arrivée a également modifié le regard des gens au pays. Je recevais plus de coups de fils, on me reconnaissait dans la rue lorsque je revenais au Sénégal.  »

A Gand, il devra faire face à une grosse concurrence offensive ( Adekanmi Olufade, Bryan Ruiz, Zlatan Ljubijankic et Adnan Custovic) mais cela ne lui fait pas peur.  » A moi de démontrer que je peux apporter un plus au deuxième tour « . En deux rencontres, il a déjà trouvé le chemin des filets à deux reprises.  » J’ai peut-être marqué deux fois mais j’ai mal joué… deux fois. J’ai effectué beaucoup de replacement et de travail défensif mais sur le plan offensif, je n’ai encore rien apporté à ce club. Je n’ai pas encore intégré cette confiance qui était la mienne à Zulte Waregem. Mais là-bas, on se trouvait les yeux fermés.  »

par stéphane vande velde

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