Son histoire au Zamalek

Je suis originaire de Tanta, une ville située à une centaine de kilomètres au nord du Caire, dans le delta du Nil. C’est là, au sein du club de l’endroit, que j’ai fait mes premiers pas comme footballeur, sous la direction de mon père, ancien joueur de très bon niveau lui-même. Dès mon plus jeune âge, celui-ci ne cessait de me répéter que j’étais plus doué que lui et que je devais essayer d’exploiter ce don. En 1989, alors que j’étais tout juste âgé de onze ans, il me conduisit au Zamalek afin que je prouve mes aptitudes lors de la « journée portes ouvertes » mise sur pied par ce club. Une tradition qui se déroule chaque année. Pas moins de trois mille jeunes avaient répondu présents ce jour-là! Et, incroyable mais vrai, je fus retenu au même titre qu’une trentaine d’autres de mon âge. Nous étions appelés à former l’ossature de la catégorie des moins de douze ans.

Al Ahly ne procède pas autrement. Mais même si j’avais échoué lors de ce fameux test, jamais je n’aurais tenté ma chance chez le voisin. Car dans la famille El Said, nous sommes tous des Zamalkawi, autrement dit des partisans du Zamalek, par opposition aux Ahlawi, les inconditionnels d’Al Ahly. Ici, en Egypte, les gens sont automatiquement pour l’un ou pour l’autre de ces deux clubs, même s’ils ne sont pas des férus de football. En général, au sein d’une même famille, il n’y a jamais de clivages. Mais des ennuis surviennent parfois en cas d’union. Dans ce cas, c’est vraiment pour le meilleur et pour le pire (il rit). La petite histoire veut, en tout cas, qu’un sympathisant du Zamalek ait poignardé sa femme après une défaite car il n’avait pas apprécié qu’elle lui ait servi un morceau de pastèque en guise de dessert. Car il faut savoir que le rouge, ici, est le symbole d’Al Ahly alors que le blanc est la caractéristique du Zamalek.

Al Ahly, créé en 1907, est le plus vieux club d’Egypte. Son nom, en arabe, signifie « le national ». Il représente donc le pays tout entier, par opposition au Zamalek, qui tire son appellation d’un des quartiers les plus chics du Caire, et qui se veut donc le club de l’élite. Avec quarante-deux titres à son actif, pour quinze seulement au Zamalek, Al Ahly est, de très loin, le plus souverain sur ses terres. En Coupe d’Afrique, cependant, le palmarès du Zamalek est beaucoup plus impressionnant, puisqu’il a remporté à quatre reprises la Coupe des Clubs Champions, pour deux fois à Al Ahly, et qu’il a également gagné la Coupe des Coupes la saison passée. Cette hégémonie-là est durement ressentie par les Ahlawi. Aussi loin que je me souvienne, les derbies ont toujours donné lieu à des incidents. C’était déjà valable chez les jeunes et, au plus haut niveau, le climat aura été fréquemment à l’émeute aussi, ces derniers mois. Lors de l’ultime confrontation entre ces deux équipes, par exemple, les joueurs en sont venus aux mains sur le terrain et Ibrahim Hossan s’est même acharné sur un journaliste, qu’il jugeait partial (il rit). Quant au clash de la saison passée, il ne fut pas triste non plus puisque l’arbitre, le Français Marc Batta, dut arrêter la rencontre en cours de deuxième période en raison d’un pugilat général. Comme nous avions mis le feu aux poudres, d’après lui, nous fûmes privés de neuf points par la fédération et dépossédés par là même du titre. Inutile de dire que Monsieur Batta ne nous aura pas laissé de bons souvenirs. Tous les matches entre le Zamalek et Al Ahly sont d’ailleurs confiés à des directeurs de jeu étrangers, car aucun homme en noir égyptien n’ose endosser cette responsabilité ici. Depuis plusieurs années aussi, les derbies se disputent invariablement au stade national du Caire. Car il y avait trop d’actes de vandalisme quand les clubs devaient jouer dans leurs propres installations. They are crazy here, you know(il rit).

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