© Charel Cambré

Son Eden à lui

Le rêve devait forcément finir par se réaliser. Au bout de douze années passées chez les professionnels, Eden Hazard arrive au Real Madrid. Comme un grand. Comme un galactique.

« Si je quitte un jour Chelsea, ce sera sur un trophée. Il faut toujours partir par la grande porte, histoire que les gens gardent un bon souvenir de toi « , confie Eden Hazard au Guardian en novembre 2016. Après sept saisons, 6 trophées, 352 matches pour Chelsea, le numéro 10 des Blues a dit au revoir de la plus belle des façons. Sur un dernier exploit.

En torpillant le rival londonien d’Arsenal, en finale d’une Europa League qu’il a éclaboussée de son génie, de son intelligence de jeu, et de sa totale décontraction. La mixture Eden Hazard lors d’une dernière partition gargantuesque pour un joueur devenu légende de Chelsea.

Vendredi dernier, sur le coup de 22 h, le Real Madrid officialise ce que tout le monde attend depuis des semaines, des mois, des années même. Quelques heures plus tard, Hazard salue les siens à travers une lettre publiée sur ses réseaux sociaux. Avec des mots simples, touchants et sincères, là où on est généralement habitué à des déclarations platoniques, distillées par de froides boites de com’.

L’hommage en retour est unanime. Le club de Chelsea multiplie les vidéos sur ses réseaux avec le hashtag #thankyoueden. Aucun troll à l’horizon. Seulement beaucoup d’amour . Signed as a boy and left as a club legend, pouvait-on lire en substance.

Le lendemain, rebelote. C’est au tour du stade Roi Baudoin de faire la fête à Eden qui a intégré à Chypre, le 24 mars dernier, le club fermé des 100 en équipe nationale. Des dizaines de milliers de drapeaux à son effigie s’agitent à l’entrée des deux équipes avant que le héros du soir ne pose en famille devant les photographes aux côtés de Carine, sa maman, son père Thierry, et ses frères Kylian, Ethan et Thorgan, symboles aussi et surtout de sa réussite.

Eden Hazard face à Lionel Messi en Ligue des Champions. La saison prochaine,  les deux sont appelés à se rencontrer dans le cadre de la Liga.
Eden Hazard face à Lionel Messi en Ligue des Champions. La saison prochaine, les deux sont appelés à se rencontrer dans le cadre de la Liga.© belgaimage

Cette douce soirée se clôt par un tour d’honneur où les regards sont inévitablement tournés vers le nouveau transfuge du Real Madrid.  » Hey Jude  » revisité en  » Edeeen  » retentit dans les tribunes. La maman Carine observe, fière, se dandine discrètement, alors que le père est quelques marches plus bas dans la tribune d’honneur. A 28 ans, Hazardinho réalise son rêve : jouer pour le plus grand club du monde. Enfin.

Bye bye Eden Wizard

Mercredi dernier, le peu de suspense a pris fin quand le directeur général du Real Madrid, José Angel Sanchez, est tombé d’accord avec son homologue de Chelsea, Marina Granovskaia, dans un hôtel londonien. D’âpres négociations sur le montant à débourser pour s’attacher la star de Chelsea auront duré plusieurs semaines alors que le joueur s’était entendu avec son nouvel employeur dès mars dernier sur la nature d’un contrat de cinq ans.

En incitant le Real à débourser cent millions d’euros, plus des bonus pouvant atteindre quelque 40 millions d’euros, Eden Hazard est devenu le joueur le plus cher de l’histoire du club. Le transfert du siècle même, aux normes belges. Il y a un an, c’est Thibaut Courtois qui avait été le premier depuis 1965 et Fernand Goyvaerts à rejoindre la Maison Blanche.

Dans des conditions très différentes, sur fond de clash entre l’entourage du joueur et son ancien club londonien. Un passage forcé qui n’était pas du tout du goût des fans de Chelsea qui bombardaient alors les réseaux sociaux de  » snake  » pour illustrer le meilleur gardien de la Coupe du monde.

Cette fois, tout le monde semble satisfait. Et ce, même si Chelsea perd un joueur qui portait l’équipe à bout de bras depuis deux saisons. De la fin de la saison 2017-2018 conclue par une victoire en Cup face à Manchester United, jusqu’à aujourd’hui, Eden Wizard marche sur l’eau.

 » Il a été un modèle de professionnalisme tout au long de sa trajectoire dans le club, et une magnifique personne à côtoyer, avec qui ce fut une joie de travailler « , a même relevé la pourtant très discrète Marina Granovskaia.  » Nous l’accueillerons toujours chaleureusement dans le futur à Stamford Bridge.  »

Bienvenido Hazardinho

1.800 kilomètres plus au sud, c’est Zinédine Zidane qui est tout heureux de l’accueillir. Enfin, doit-il aussi se dire, lui qui lui avait déclaré sa flamme dès 2010 alors qu’Hazard n’a pas encore 20 ans mais émerveille déjà la Ligue 1 depuis quelques années.  » C’est le crack du futur. Je l’engagerais les yeux fermés.  »

En 2012, Zizou est conseiller de Florentino Pérez et lui demande de faire un effort pour acheter la pépite du LOSC, mais Chelsea et surtout son agent de l’époque, John Bico (qui empoche une très importante commission), en décident autrement.

En novembre 2016, les négociations reprennent de plus belle. José Ángel Sánchez, directeur général du club merengue, se rend à Bruxelles pour y rencontrer l’international belge alors que les Diables s’amusent face à Gibraltar (0-6) et l’Estonie (8-1).

La succession de Cristiano Ronaldo est évoquée, son poste aussi, et l’aspect salarial. Quelques semaines plus tard, des avocats proches du Barça contactent à leur tour Hazard, qui les éconduit poliment : ce sera le Real et personne d’autre.

À partir du début de l’année 2017, les négociations se poursuivent épisodiquement, au rythme de voyages fréquents de Sánchez ou de Juni Calafat, responsable du football international au sein de la Casa Blanca, vers Londres.

Hazard, de son côté, ne laisse à personne d’autre le soin de faire du lobbying.  » Dis à ton président de me transférer « , aurait-il un jour déclaré à Roberto Carlos, croisé en vacances.

Alors que Chelsea clôture la saison avec le titre de champion d’Angleterre, le deuxième d’Hazard avec les Blues, une blessure encourue à l’entraînement avec la sélection en juin brise ses rêves de transfert.

Une si longue attente

L’emballement autour du passage du démiurge de Braine-le-Comte vers le Real reprend de plus belle l’été dernier alors que CR7 s’en va rejoindre la Juventus.

Mais le président madrilène, Florentino Pérez, croit toujours en Gareth Bale, double buteur en finale de la Ligue des Champions face à Liverpool, en tant que successeur de l’icône portugaise. De premières tensions naissent entre Zidane et son président qui se chiffonnent sur les noms à attirer.

Avant de partir pour la Coupe du monde, Hazard se montre très clair :  » Si je reste (à Chelsea, ndlr ), c’est pour que l’équipe soit meilleure que lors de la saison que nous venons de vivre. Je n’ai pas envie de rester pour que l’on soit moins bons. Le Real Madrid peut m’intéresser, tout le monde le sait.  »

Malgré une Coupe du monde d’exception, qui réhabilite Hazard parmi les plus grands joueurs actuels, Florentino Pérez est obsédé par la venue de Neymar, bien plus galactique commercialement.

Eden, le sait mieux que quiconque, il ne peut gagner la bataille marketing avec la star brésilienne, voire face à un Kylian Mbappé. Lui, c’est sur le terrain et nulle part ailleurs qu’il devra prouver sa valeur.

Quelques jours après la réception royale sur la Grand-Place, Eden Hazard s’envole vers Marbella pour des vacances en famille. Les rumeurs d’un transfert vers Madrid sont alors à leur climax. L’aîné de la fratrie Hazard est, lui, très tranquille, comme à son habitude.

 » J’étais très serein puisque la direction de Chelsea m’avait fait comprendre dès la fin de la Coupe du monde, que je ne pourrais pas partir. Et je n’avais pas de soucis avec cette décision. Le club voulait se relancer à tout prix, avec de nouveaux joueurs, un nouveau coach, un nouveau style de jeu « , raconte-t-il à Sport/Foot Magazine.

Numéro 7 comme Cristiano

En mars dernier, le retour de Zinédine Zidane aux affaires de la Casa Blanca ne laissait plus de place aux doutes. Hazard sera madrilène. D’autant que le triple vainqueur de la Ligue des Champions a renforcé son pouvoir au sein du club qui reste sur une saison cauchemardesque, pour les normes locales, terminée à 19 points du Barça et éliminé en huitièmes de finale de la Ligue des Champions face à l’Ajax.

Avec la venue de l’international belge, Florentino Pérez fait une entorse à sa politique sportive basée sur de jeunes stars étrangères, à la valeur marchande importante.  » Coach Zizou  » en a fait son choix numéro un. Il compte sur l’intensité des percussions offensives d’Eden pour redonner de la vie au jeu madrilène. Paul Pogba est lui aussi souhaité par Zidane alors que les dirigeants madrilènes se tournent davantage vers Christian Eriksen.

Le nouveau numéro 7 du Real (chiffre ô combien prestigieux porté par le passé par Cristiano Ronaldo, Raul ou Raymond Kopa) devra  » mener à bien le plan de la rénovation madrilène « , comme le souligne le quotidien espagnol AS. Pour Eden Hazard le défi est de taille. Sans être de nature à l’effrayer. Il sait qu’il fait partie des meilleurs joueurs de la planète. Depuis longtemps.

La dernière Coupe du monde n’a été qu’une confirmation pour lui, moins pour le grand public qui pointait régulièrement ses faibles statistiques en Ligue de Champions. En mars 2018, Chelsea affronte le Barça en huitièmes de finale de la Ligue des Champions. Lionel Messi versus Eden Hazard. Mais le duel tourne court, les Blues sont balayés et le Belge passe à côté de cette double confrontation. Son arrivée au Real doit lui permettre de mettre tout le monde d’accord, d’intégrer la caste des plus grands, et pourquoi pas d’enfin soulever la Coupe aux Grandes Oreilles.

A la faveur de sa 101e cap, Eden Hazard s'est montré en verve face au Kazakhstan.
A la faveur de sa 101e cap, Eden Hazard s’est montré en verve face au Kazakhstan.© belgaimage

Des louanges de partout

 » Il peut tout faire : marquer, donner des assists, jouer en faux 9, aller sur le flanc gauche, sur le flanc droit… Il est très rapide, puissant, très bon en 1vs1, il joue bien dos au but… Pour moi, c’est le meilleur joueur de Premier League. Je le mets dans les 5 meilleurs joueurs du monde « , a récemment déclaré son ex-coéquipier, Kepa, en guise d’hommage.

 » C’est un joueur qui fait des différences. Avec son style et son football offensif, il s’intégrera parfaitement au Real Madrid « , certifie Fernando Morientes. Rares sont ceux à douter de sa réussite.

Après avoir été coaché par Thierry Henry, Hazardinho va désormais côtoyer au quotidien, son autre idole de jeunesse, Zinédine Zidane. Comme dans un rêve ou presque.  » Il y a douze ans, Eden m’avait dit que le sien était de jouer au Real Madrid « , a raconté en conférence de presse son grand pote Christian Benteke.

Big Ben avait été le confident d’une autre prophétie, peu de temps après l’arrivée d’Hazard à Chelsea.  » Je joue quelques saisons en Premier League, puis je signe au Real Madrid, et je gagne le Ballon d’Or.  » Et si tout était écrit ?

Soigner les chiffres du Real

Eden Hazard n’arrivera pas les mains vides à la Casa Blanca. Dans ses valises, le Diable rouge emmène toute une série de qualités qui vont servir de thérapie de choix pour les maux madrilènes. Illustration en chiffres.

16 + 15 = 31

Confronté à une panne offensive rare cette saison, avec seulement 63 buts marqués en Liga, le Real accueille un Hazard qui sort d’un exercice très abouti en terme d’influence au marquoir. Avec seize buts et quinze passes décisives, le Belge a été impliqué dans 31 buts pour sa dernière Premier League. Presque 50% du total madrilène.

3,7

Longtemps éclipsé par l’efficacité de Cristiano Ronaldo sur les centres, le manque de dribble du Real a explosé au visage de ses supporters cette saison. Vinicius Junior a apporté un vent de fraîcheur et est rapidement devenu le dribbleur de référence de la Casa Blanca, mais aussi bien en termes de quantité (2,3 contre 3,7) que de qualité (58 contre 67% de réussite), Hazard le surpasse largement.

98

Pour se créer des occasions cette saison, le Real a surtout dû compter sur Toni Kroos (2,3 passes-clé par match) et ses phases arrêtées. L’arrivée d’Hazard devrait permettre aux Madrilènes de briller dans le jeu en combinaisons car le Belge a délivré 85 de ses 98 key-passes sur des passes courtes. Avec 2,6 passes-clé par match, il a fait mieux que n’importe quel joueur de Madrid cette saison.

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