SOMBRE coupe

Chez nous, la Coupe ne déchaîne plus les passions. Comment lui redonner une nouvelle vitalité ?

Les huitièmes de finale de la Coupe de Belgique ont débuté hier soir, avec le choc Genk-Anderlecht. Ils se poursuivront ce soir, avec les sept autres matches. Combien d’entre eux feront le plein ? On peut espérer une bonne chambrée pour Standard-Charleroi, mais pour le reste ? L’épreuve par élimination directe ne fait plus recette dans notre pays. On a, même, parfois l’impression que les clubs eux-mêmes s’en désintéressent. Le discours des dirigeants, expliquant à leurs joueurs qu’il s’agit du chemin le plus direct vers l’Europe, semblent tomber dans des oreilles de sourds. Contrairement à d’autres pays, il ne semble pas y avoir de  » culture coupe  » en Belgique. La tradition du giantkiller, très vivace en Angleterre, n’est guère perpétuée sous nos latitudes.

Comment redynamiser la Coupe ? Il n’y a sans doute pas de solution miracle. On ne changera pas les mentalités sur un coup de baguette magique. Voici toutefois quelques idées que nous avons soumises à quelques dirigeants de tous bords.

1. Jouer à la belle saison

Pour les matches de Coupe de Belgique, les abonnements ne sont pas valables. C’est sans doute l’un des principaux handicaps à la popularité de l’épreuve. Alors, autant mettre tous les atouts dans son jeu pour convaincre les spectateurs de venir au stade. Un jour de semaine, en hiver, lorsqu’il gèle, vente ou pleuve, et qu’on éprouve en outre déjà une certaine lassitude après six mois de football de plus ou moins bonne qualité, on a sans doute moins envie de délier les cordons de sa bourse. Alors, pourquoi ne pas profiter un maximum des mois estivaux, lorsque les gens rentrent de vacances et ont envie de voir à l’£uvre les formations new-look ?

Herman Van Holsbeeck, manager d’Anderlecht :Il est clair que les matches de Coupe de Belgique disputés un mardi ou un mercredi soir sont rarement de grands succès populaires. Mais on se heurte à un problème de calendrier : si on joue la Coupe de Belgique pendant un week-end, c’est un week-end perdu pour les clubs qui ne sont plus en course dans l’épreuve.

Roland Louf, manager de Mouscron :Il faudrait faire entrer les clubs de D1 en Coupe de Belgique beaucoup plus tôt – en août ou en septembre – et jouer les quarts et demi-finales à partir de fin mars ou début avril. Surtout, éviter la période allant de novembre à février : ce que j’appelle les mois frigos. Cela suppose un rythme plus soutenu à une certaine période, mais tout est une question d’arrangement.

Jean-Claudio Olio, président du Comité Sportif (2e chambre) et de l’Entente du Sud : C’est la Ligue Pro qui a souhaité voir entrer les clubs de D1 plus tard. Jadis, le tirage était effectué à l’avance et les clubs de division inférieure savaient que, s’ils atteignaient les 32es de finale, ils affronteraient tel club de D1 ou de D2 lors du dernier week-end d’août. Mais, à l’époque, le championnat de D1 commençait en septembre. Aujourd’hui, il débute en août et certains clubs doivent disputer des tours préliminaires dans les compétitions européennes. Sans parler des matches de l’équipe nationale. En outre, on est obligé de garder des week-ends libres en prévision de remises éventuelles. Le Comité Sportif, qui organise la Coupe, doit tenir compte de toutes ces données et c’est parfois un casse-tête.

2. Interdire les inversions de terrain

Les dirigeants, des petits et grands clubs, rétorqueront que tout le monde trouve son compte dans le point du règlement actuel qui autorise les accords à l’amiable : les ténors diminuent le risque d’une élimination précoce en invitant leur adversaire à venir jouer chez eux, alors que les sans-grade évitent les soucis d’une organisation à laquelle ils ne sont pas rompus tout en se remplissant les poches de quelques deniers bienvenus. D’accord, mais c’est au détriment de toute éthique sportive. Et, à la longue, le public n’est pas dupe : il veut voir du sport, pas des arrangements commerciaux. En Angleterre, c’est le tirage au sort qui prévaut. En France, lorsqu’il y a deux divisions d’écart, on joue d’office sur le terrain du petit. D’aucuns rétorqueront qu’en Belgique, beaucoup de stades de division inférieure ne sont pas en conformité avec les normes de sécurité les plus élémentaires. D’accord, mais pourquoi Denderhoutem ne pourrait-il pas jouer à Alost et Maasmechelen à Genk, plutôt que de se vendre à La Louvière et au Standard ? En France, tout récemment, le petit club breton de Langueux (7e division !) a accueilli le PSG à Guingamp et n’est pas allé jouer au Parc des Princes…

Van Holsbeeck :Il faudrait, effectivement, laisser aux petits la possibilité d’éliminer un grand : c’est ce qui fait le charme de la coupe. Et les chances de réaliser un exploit sont forcément plus grandes lorsqu’on peut évoluer sur son terrain. Anderlecht, par exemple, est souvent gêné lorsqu’il doit évoluer sur un petit terrain. Au tour précédent, le Sporting a souffert à Bocholt, alors que s’il avait évolué au Parc Astrid, il se serait sans doute promené. A partir du moment où le stade est conforme aux normes de sécurité, je suis favorable à l’idée de jouer sur la pelouse du sans-grade. Il est préférable d’avoir une affiche en finale, car un Westerlo-Lommel disputé dans un stade Roi Baudouin à moitié vide ne constitue pas une bonne publicité, mais aux stades précédents de l’épreuve, ce n’est pas mal de pouvoir assister à des surprises.

Louf : Un tirage est un tirage. Et il faut le respecter. Déjà, au départ, j’estime que les clubs de D1 sont trop protégés : ils ne peuvent pas se rencontrer en 16e de finale, alors qu’en Angleterre par exemple, ils ne jouissent d’aucune protection.

Olio : Cette possibilité d’aller jouer chez l’adversaire est prévue dans le règlement et on ne peut rien y faire. Il faut savoir, d’ailleurs, que cette même possibilité existe également en championnat, moyennant accord des deux clubs.

3. Un tirage au sort régional

Lorsque l’Olympic a éliminé le Cercle, il ne rêvait que d’une chose : affronter son voisin du Sporting. Au lieu de cela, son parcours s’achèvera probablement sur le pelouse du stade Jan Breydel, devant 3.000 spectateurs au maximum. Pourquoi ne pourrait-on pas, jusqu’à un certain stade de la compétition (les 16es ou 8es de finale par exemple), effectuer un tirage au sort régional, afin de favoriser au maximum l’organisation de derbies ? »

Van Holsbeeck : » Un derby suscite toujours un intérêt plus marqué de la part du public de la région.

Louf :Personnellement, je ne chipoterais pas trop.

Olio : Il ne faut pas que la Coupe devienne une deuxième version des différentes coupes provinciales. Par ailleurs, il existe des provinces qui ne comptent aucun club en D1. Les clubs de ces provinces-là n’auraient donc jamais l’occasion d’affronter une formation de l’élite.

4. Un outil promotionnel

Quel est le supporter du Standard qui, au tour précédent, s’est passionné pour la venue de Maasmechelen à Sclessin ? Par contre, il y a peut-être, dans certains coins reculés du pays, des gosses qui rêvent de voir en action les stars rouches dans leur patelin alors qu’ils n’en ont jamais l’occasion. Ne pourrait-on pas utiliser la Coupe de Belgique comme outil promotionnel, en jouant dans des lieux où le football de haut niveau est inexistant ?

Van Holsbeeck :Pourquoi pas ? Lorsque Anderlecht est allé jouer à Bocholt, c’était une fête pour toute la région. Il y avait beaucoup d’animations.

Louf : Lorsque Mouscron est allé jouer à Sprimont, il y avait des gamins qui n’avaient jamais vu un joueur de D1 de près. La Coupe offre une occasion unique de combler ce vide.

Olio : L’idée est belle, mais on se heurte à tout le problème de la sécurité. Aujourd’hui, pour organiser un match avec un club de D1, il faut l’accord du ministère de l’Intérieur. Il faut réquisitionner des forces de police et le bourgmestre de la localité doit autoriser la manifestation sous sa responsabilité. Il faut un stade où les supporters des deux camps peuvent être séparés. Imaginez que le petit club luxembourgeois de Bleid doive accueillir une équipe qui compte en ses rangs des supporters turbulents, style Antwerp, GBA ou même Malines. On n’imagine pas les problèmes que cela pourrait causer.

5. Un prize-money plus conséquent

Evidemment, c’est plus vite écrit que réalisé. Trouver un sponsor important n’est pas évident. Mais, si d’aventure le miracle survenait, on pourrait peut-être songer à répartir l’argent différemment. Au lieu d’offrir le pactole aux meilleurs (ce qui favorise à nouveau les grands clubs), on pourrait offrir des compensations aux petits clubs qui accepteraient de jouer à domicile, et couvrir de la sorte les frais d’organisation et le manque à gagner au niveau des recettes aux guichets.

Van Holsbeeck : Dans la plupart des grands pays étrangers, la Coupe est sponsorisée. En ce qui concerne la répartition de l’argent, c’est toute une réflexion qui devrait être faite avec des personnes de bonne volonté qui ne voient pas uniquement leur intérêt personnel. Et, après les discussions, il faut encore passer aux actes.

Louf : Ah ! Le prize-money… Je me souviens de la manière dont on a négocié les droits TV pour la Coupe. RTL voulait acquérir les droits pour les Diables Rouges, mais un accord était difficile à trouver. On a inclus la Coupe dans le package. Forcément, l’épreuve a perdu de l’argent dans l’affaire. Aujourd’hui, un club ne rentre dans ses frais qu’à condition d’atteindre les demi-finales, car jusque-là, les rentrées ne couvrent pas les primes aux joueurs.

Olio : Dans un grand pays comme l’Angleterre ou la France, il est beaucoup plus facile de dénicher un partenaire financier. En outre, la fédération est tributaire des contrats de partenariat signés par la Ligue Pro. Dans le système actuel de la Coupe, on n’accorde une prime qu’aux clubs qui atteignent les quarts de finale. Ceux qui sont éliminés précédemment n’ont rien.

6. Une Coupe du Benelux

A défaut de championnat du Benelux, pourquoi pas une Coupe du Benelux ? Elle aurait au moins l’avantage d’offrir des affiches inédites alors que celles de la Coupe de Belgique ont forcément des allures de déjà-vu. On entend déjà les jérémiades : Anderlecht-Ajax ferait recette, d’accord, mais La Louvière-Roda JC ? Peut-être, mais est-on certain que le La Louvière-Beveren de ce soir attirera davantage de monde ?

Van Holsbeeck : Une Coupe du Benelux pourrait être un premier pas avant la création d’une véritable Bénéligue. Mais l’organisation devrait être bien réfléchie, il y aurait tout un appareillage commercial qui devrait être mis en route.

Louf : Une coupe supplémentaire ? Non, merci ! On a vu ce que cela avait donné jadis avec la Coupe de la Ligue… Je ne vois pas Sprimont aller jouer à Feyenoord. Mais, si l’on organise d’abord une phase préliminaire dans les pays respectifs et que l’on réunit ensuite les meilleurs clubs belges et néerlandais, pourquoi pas ?

Olio : Organiser une Coupe du Benelux, ce serait la mort de la Coupe de Belgique. On supprimerait aussi tout l’attrait que représente la Coupe de Belgique pour les clubs de division inférieure.

7. Autre chose ?

En dehors des six points précités, nos interlocuteurs ont-ils d’autres idées ?

Van Holsbeeck : Il y aurait certaines leçons à tirer de la manière dont la coupe est organisée à l’étranger. Il faudrait aussi que les dirigeants voient davantage l’intérêt du football en général plutôt que leurs intérêts particuliers. Force est de constater que l’état général de notre football se dégrade : il y a moins d’argent, moins d’intérêt. En améliorant la globalité, chacun y trouverait son compte.

Louf : La Coupe devrait être mieux mise en valeur. Je ne veux pas critiquer RTL, mais lorsqu’une chaîne de télévision acquiert les droits de retransmission d’un événement, elle doit le promouvoir. Et pour cela, elle doit s’en donner les moyens. On est loin du compte : au tour précédent, on a eu droit à des résumés de 1 minute 30, alors que d’autres ne sont jamais arrivés. La chaîne a le droit de retransmettre quatre ou cinq matches en direct, mais la Coupe de Belgique est un produit qui n’attire pas.

Olio :. Je crois que la formule actuelle est la moins mauvaise pour toutes les parties : les clubs de division inférieure sont assurés de tomber sur un club de D1 s’ils atteignent les 16es de finale et les clubs professionnels ont de fortes chances de se retrouver entre eux à partir des quarts de finale.

Daniel Devos

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