SOLLIED « L’amitié prime tout »

Le Norvégien tient à sa liberté. Celle d’être lui-même. L’homme derrière l’entraîneur.

Trond Sollied: « J’ai été un enfant normal. Je ne me souviens pas de mes rêves ni de mes motivations de gamin mais un enfant aspire avant tout au plaisir et à la découverte.

Nous étions une famille de six, tous sportifs, même si je suis le seul à avoir émergé. J’étais le meilleur de mon village, Mo I Rana. Un enfant suit son instinct, pas son ambition. J’étais un leader naturel, sans beaucoup parler. J’organisais tout. Quand nous jouions, je disais: -Tu vas là, toi là. C’était pareil à l’école: à 13 ans, j’ai été élu représentant de ma classe. J’étais bien organisé. Comme mes frères aînés, j’ai vendu des journaux en rue à partir de neuf ans. Comme ça, je m’achetais ce que je voulais, même si je n’étais pas dépensier. Mes parents n’étaient pas au courant.

Je n’ai pas reçu une éducation stricte. Nous sommes beaucoup plus libres qu’en Belgique. Evidemment, mes parents savaient où j’étais: sur le terrain. J’adorais l’école. Pour apprendre et pour retrouver mes amis. J’étais sociable mais j’aimais aussi la solitude. Il m’arrivait de m’enfoncer dans les bois. L’hiver, j’y skiais. Souvent tôt le dimanche matin, car c’est le meilleur moment pour découvrir la nature. J’y puisais mon énergie, mes idées. C’est un peu comme d’écouter de la musique classique. J’étais très curieux. Un bon étudiant, aussi. J’adorais la biologie et la chimie. Les avions me fascinaient. Je rêvais de devenir pilote, surtout pendant mon service militaire, mais je venais d’entamer ma carrière footballistique. J’ai suivi mon instinct.

Etre footballeur pro n’était pas un rêve. L’argent ne me motivait pas car gagner sa vie avec le football n’était pas évident en Norvège. Je voulais me mettre en évidence. Mes parents ne m’ont poussé dans aucun sens. J’ai donné cours dans l’enseignement primaire puis j’ai étudié à l’université d’Oslo. L’éducation physique puis l’économie. Seule ma grand-mère m’a fait une remarque. Elle trouvait que je ferais mieux de me trouver un vrai travail. J’avais alors 15 ans et le statut de non-amateur. Agée, elle ne pouvait comprendre ce que je faisais. Elle n’a plus rien dit après m’avoir vu à la télévision.

Je faisais ce que je voulais. Grandir en Norvège est fantastique. Le pays est sûr, grand, mais il ne compte que quatre millions d’habitants. Nous produisons du pétrole, du gaz, de l’électricité… tout ce que nous voulons. Ce que je veux dire, c’est qu’en Afrique du Sud, vous pouvez naître séropositif. J’ai traversé des moments difficiles comme tout le monde, mais qu’est-ce que ça représente? Je suis très heureux. Je ne suis pas du genre à me plaindre. J’ai parfois l’impression d’avoir été extrêmement privilégié. Je suis content d’avoir conservé mes amis d’autrefois, ceux avec lesquels j’ai vécu tant de choses.

Je me sens bien à l’église.

Je suis protestant. Mes parents n’étaient pas très croyants mais la religion était partie intégrante de mon éducation scolaire. Même si beaucoup de questions demeurent sans réponse, ma religion ne m’a jamais valu de conflit intérieur. Je me sens bien à l’église. En paix. Il y a beaucoup de religions et je ne suis pas convaincu que la catholique soit la meilleure, au contraire, même. Pour moi, l’homme possède un bon naturel. C’est la culture, dont la religion fait partie, qui rend la vie dangereuse et est à la base de tant de guerres.

Je connais évidemment la mythologie scandinave. Nous l’apprenons à l’école. Ce sont des contes. D’accord, les Vikings… Ils devaient quitter la Norvège, la Suède et le Danemark, c’était leur voie. Ils savaient construire de bons navires et se battre, d’accord. Ils sont nos ancêtres mais… vous ne pouvez pas non plus blâmer tous les Allemands parce que Hitler a déclenché la deuxième guerre mondiale? L’histoire n’est pas fiable puisqu’elle est faite par des hommes.

Je crois en quelque chose mais je ne sais pas vraiment en quoi: quelque chose de mystérieux, au-dessus de nous. Je crois en un Dieu, pas le mien mais plutôt en une force universelle qui nous unit tous. Je n’ai pas le temps de chercher des réponses à mes questions. Et puis, on devient fou à force de chercher une signification à tout. Il faut parfois accepter les choses telles qu’elles sont. Avec l’âge, on comprend mieux les choses. Un jeune s’occupe surtout de lui. Il ne se voit pas comme un objet dans un ensemble mais comme un sujet dont tout doit partir. Je le remarque chez les footballeurs.

A 42 ans, je n’ai plus besoin de voir ma tête et mes analyses dans les journaux tous les jours. Il ne m’en faut pas beaucoup pour être heureux. Les amis occupent la première place dans ma vie. Ils priment tout le reste. Un ami de plus ou de moins ne fait pas la différence mais sans amis, vous n’êtes rien. Jamais je ne me suis senti seul, bien que j’aie parfois besoin de m’isoler, d’être à l’écoute de moi-même, surtout maintenant: tant de gens m’entourent que j’ai besoin de respirer. Mes besoins matériels sont limités. Mon amie a le dernier mot. Je ne m’achète presque jamais rien. Par contre, j’adore offrir de beaux cadeaux de Noël aux autres.

L’argent n’est pas davantage une source de bonheur, ce qui ne veut pas dire que je travaille pour rien. J’ai mon prix, comme tout le monde. Des membres de ma famille peuvent avoir besoin d’argent. J’ai placé le mien à la banque, dans un fonds qui doit rapporter de 8 à 10%, mais je ne pense pas à ce qui pourrait m’arriver. Si je ne devrais pas songer à être père? J’aime les enfants mais qui vous dit que je ne suis pas déjà père, en fait? (il éclate de rire)

Des enfants? Pas maintenant

Enfant, je n’ai jamais rêvé de fonder une famille. Ça vient plus tard. Non, ce n’est pas un rêve car tout le monde peut le réaliser en moins d’un an. Il faut trouver une femme dont on pense: -C’est elle, avec elle, je le fais. Je ne sais pas quand ça se produira mais je suis sûr qu’on le sent. Quand je ne suis pas sûr, je préfère attendre. Se marier, c’est marquer son territoire, comme un chien qui pisse. Notez, je ne suis pas contre le mariage. J’ai l’intention de me marier un jour. Je dois trouver la partenaire idéale. Se marier à 23 ans n’amène rien de bon. C’est bien trop tôt. C’est pour ça qu’il y a tellement de divorces. Il faut avoir une certaine expérience de la vie avant de prendre une telle décision.

L’être humain doit se sentir libre. Bien entendu, qu’est la liberté? Pour moi, c’est celle de penser et d’être soi-même. Le mariage et les enfants n’ont rien à voir. Il faut croire en quelque chose et pouvoir l’exprimer. Ça peut être un dieu, des hommes ou des principes. La liberté, c’est pouvoir faire ce que vous pensez devoir. Par exemple, si vendredi, je ressens le besoin d’aller à Paris ou en Norvège, je dois pouvoir le faire. Dans ce cas, je suis libre. Je suis moi-même, je peux suivre mon moi intérieur. Beaucoup de gens ont une opinion différente mais mon amie et moi discutons beaucoup de ce genre de choses.

D’accord, bien manger et boire contribue à mon bonheur. Y compris boire trop? Ecoutez, je ne peux pas consommer trop de bière puisque j’en supporte trente verres. Ce sont les mélanges qui sont dangereux: le cognac et la bière, par exemple. Ça, j’essaie d’éviter.

J’aime voyager, découvrir d’autres contrées, d’autres gens, tenter de les comprendre. Il y a deux mois, à Lisbonne, j’ai rencontré un vieil homme. Il m’a parlé de Lisbonne et du Portugal. C’était formidable. Regarder et parler avec les gens suffit parfois à mon bonheur.

Je n’étais pas sûr de mon coup quand La Gantoise m’a contacté mais je voulais essayer. Je n’avais rien à perdre. Je pouvais rentrer chez moi, où un travail m’attendait. Ce défi a fouetté ma curiosité, je devais progresser. En le faisant, je me suis confronté à mes angoisses et à mes doutes. Ça m’a permis de m’en libérer.

Durant les années 1985 à 1987, j’avais le sentiment de devoir quitter la Norvège. J’avais atteint un niveau suffisant. Les circonstances en ont décidé autrement: j’ai dû attendre d’être entraîneur.

Mon principal objectif est de faire du bon travail là où je suis. J’ignore ce qu’il en ressortira mais je veux gagner avec panache. In my way, not in another way. C’est essentiel à mes yeux.

Je vise l’élite. Qu’est-ce que c’est? Même les grands clubs ont des hauts et des bas. Toutefois, ce que je veux est plus facile à réaliser dans un grand club car ma méthode de travail est très exigeante. Meilleurs sont mes joueurs, meilleure sera mon équipe.

Si je restais en Belgique, ce sera plutôt pour mon amie. Si je songe à l’épouser? Je ne fais pas de projets. Mais ne vous tracassez pas, vous le saurez à temps! ( il rit) ».

Dia 1

Christian Vandenabeele

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