Sois Belge et joue

Depuis cette saison, les clubs de D1 doivent coucher quatre noms de joueurs belges (ou formés en Belgique) sur la feuille de match comportant un maximum de 18 noms.

Depuis le début de cette saison, les clubs sont obligés de coucher sur la feuille de match les noms de quatre joueurs belges (dont éventuellement un joueur étranger ayant reçu trois ans de formation en Belgique avant l’âge de 23 ans). L’objectif est d’obliger les clubs à favoriser  » les produits du terroir  » au lieu d’engager des étrangers de troisième zone et d’élargir ainsi, on l’espère, le choix du sélectionneur fédéral.

Le nombre de joueurs belges devant figurer sur la feuille de match est appelé à augmenter progressivement au cours des années à venir : cinq la saison prochaine, six dans deux ans.  » Au départ, l’initiative émane de la Ligue Pro « , précise le nouveau directeur général de l’Union Belge, JeanMariePhilips.  » Elle faisait partie du Plan Preud’homme, mais n’a pas été facile à introduire, car les grands clubs n’étaient pas très chauds. Couplée à d’autres mesures, comme les réformes fiscales, on espère que cette initiative incitera les clubs à investir dans la formation et nous évitera de voir, comme dans le passé, des équipes composées de huit, neuf, dix ou onze joueurs étrangers sur les pelouses de la Ligue Jupiler « .

Quatre joueurs belges sur 18, et qui ne sont même pas obligés de jouer : cela n’a l’air de rien, et pourtant, pour certains clubs, c’est un problème.

Les mauvais élèves

MONS

Le cas le plus épineux : Mons, depuis le début de la saison, n’a couché les noms que de trois joueurs belges sur les feuilles de match… mais a été sauvé par RomeoSeka, considéré comme assimilé parce qu’il a reçu trois ans de formation en Belgique avant l’âge de 23 ans. Gilles Colin a même dû être inscrit sur la feuille, alors qu’il était déjà sur le départ, simplement pour faire nombre. Mons se lance à peine dans la formation : Christophe Dessy a été engagé cette saison, signe que le club compte fournir des efforts dans ce domaine. En outre, le club a joué de malchance durant l’entresaison : MaximeAnnys, transféré de Roulers, a vu son contrat annulé pour raisons médicales ; et trois jeunes joueurs belges, qui auraient pu prendre place sur le banc, voire être introduits au jeu en l’une ou l’autre occasion, sont partis à Charleroi : RomainDutrieux, FilippoPorco et BaptisteUlens. Les arrivées de CédricRoussel et de Christian Landu-Tubi vont heureusement augmenter le contingent belge. » Cela m’énerve un peu que l’on tape sans cesse sur le même clou « , s’insurge Jean-Paul Colonval.  » C’est vrai, Mons aligne peu de joueurs belges. Mais il y a des raisons à cela. En 2006, lorsqu’on est monté à la dernière minute, on a dû parer au plus pressé. Les bons Belges sont rares, donc chers. Seuls les plus nantis peuvent se permettre de les engager. Au rapport qualité/prix, il était plus intéressant de faire son marché en France, où l’on pouvait trouver des joueurs qui possèdent déjà une certaine base. La nouvelle règle part d’un bon sentiment, mais dans l’état actuel, elle oblige les clubs à coucher sur la feuille de match des joueurs qui ne sont pas prêts et qui, à la limite, ne joueront pas. Je préfère l’idée du Championnat des Espoirs, même si l’on y occupe la dernière place. Mais là aussi, il y a des raisons à ce mauvais classement. Contrairement à d’autres, on aligne uniquement des jeunes de 17, 18 ou 19 ans. Pas de joueurs qui redescendent de l’équipe Première. Nos jeunes vont s’aguerrir en affrontant des adversaires plus forts qu’eux. Plus tard, on en recueillera les fruits. Déjà aujourd’hui, on tient parfois la dragée haute : contre Charleroi et Lokeren, on s’est incliné 1-0 dans les dernières minutes. Contre Mouscron, en revanche, on a été balayé parce que l’Excel alignait trois joueurs espagnols et quelques très bons jeunes « .

CHARLEROI

Trois joueurs belges sont titulaires à chaque match : FrankDefays, LaurentCiman et TimSmolders. Mais le Sporting sauve la face grâce à son banc : le deuxième gardien DamienLahaye et SébastienVanAerschot y prennent place, alors que DamienMiceli – arrivé de Maastricht – monte au jeu durant quelques minutes.

LOKEREN

Ce n’est pas vraiment une surprise : depuis des années, les Waeslandiens brillent surtout grâce à leurs trouvailles africaines, scandinaves ou balkaniques. Deux joueurs belges sont des titulaires incontestés cette saison : le capitaine OlivierDoll et l’Espoir KillianOvermeire, qui s’affirme de plus en plus. Comme Charleroi, Lokeren sauve la mise grâce à son banc.

Les écoles de jeunes

Certains clubs ont une bonne réputation en matière de formation. C’est particulièrement le cas de Genk, qui comptait neuf représentants dans l’équipe nationale des -17 ans qui a participé au Championnat du Monde en Corée. Le Standard, depuis l’ouverture de l’Académie Louis-Dreyfus, veut aussi accentuer ses efforts dans ce domaine. Mouscron a mis sur pied le Futurosport, un bel outil. Et le Brussels attend beaucoup de sa collaboration avec 14 clubs de la Région bruxelloise. Pourtant, ce ne sont pas ces clubs-là qui alignent le plus de jeunes en équipe Première.

BRUSSELS

Si la volonté de JohanVermeersch est d’intégrer, progressivement, des jeunes Bruxellois en équipe fanion, elle ne se matérialise pas dans les faits. Le président a déclaré, un jour, qu’il voulait dix jeunes dans l’effectif en 2007. On y est, en 2007, mais les seuls produits du club sont des anciens : AlanHaydock (RWDM) et Christ Bruno (Strombeek). Le malheureux Steve Colpaert est toujours en rééducation. Sven Verdonck est prêté par Genk tandis que les autres Belges sont Patrick Nys et Eric Deflandre. Quant à des garçons comme MichaelJonckheere, CédricDeTroetsel ou CédricDellevoet : on ne compte plus sur eux. ArnaudSutchuin, l’un des jeunes les plus prometteurs, est même parti en catimini voir à Saint-Etienne si l’herbe – comme le maillot – n’y était pas plus verte.

STANDARD

Le Standard n’a aligné que quatre joueurs belges titulaires depuis le début du championnat. Toujours les mêmes : Olivier Renard et le triangled’or de l’entrejeu composé de StevenDefour, MarouaneFellaini et AxelWitsel.  » On commence seulement à récolter les premiers fruits de l’Académie Louis-Dreyfus « , relativise DominiqueD’Onofrio.  » Mais je peux vous dire que nos équipes de -21 ans et de -19 ans sont composées exclusivement de joueurs belges. On espère que certains d’entre eux atteindront la Première. Lorsque ce sera le cas, le nombre de nationaux dans le noyau A augmentera forcément. Je trouve cette mesure positive pour l’avenir du football belge « .

MOUSCRON

Mouscron avait sept joueurs belges au coup d’envoi de la première journée contre Gand, mais les blessures de DaanVanGijseghem et de PacoSanchez (tous les deux victimes de tackles d’ AlinStoica, qui a décidément bien changé) ont réduit ce contingent. Il n’y a désormais plus que cinq ou quatre joueurs belges titulaires, selon que le coach opte pour AlexTeklak ou JérémySapina en défense centrale.

GENK

Genk n’a aligné que cinq joueurs belges titulaires depuis le début de la saison : SébastienPocognoli et KevinVandenbergh, partis aux Pays-Bas, ont été remplacés par des étrangers. On voit toutefois apparaître de nouveaux talents, comme le jeune JelleVossen.

Bruges le meilleur grand

BRUGES

Les BlauwenZwart n’ont pas perdu l’habitude d’acheter du Belge, comme en témoignent les acquisitions de KarelGeraerts, JeroenSimaeys, FrançoisSterchele ou WesleySonck. Certains piliers sont toujours là, comme StijnStijnen, PhilippeClement, BirgerMaertens, SvenVermant, GaëtanEnglebert, KoenDaerden ou JonathanBlondel. Et on voit apparaître de nouvelles têtes, comme BrechtCapon ou JornVermeulen. GertjanDeMets aurait également fait partie du noyau A s’il n’avait pas été blessé lors de la Supercoupe.

ANDERLECHT

Changement de politique : alors qu’à l’époque d’ HugoBroos, plusieurs jeunes furent lancés dans la bagarre, le club semble désormais se tourner surtout vers l’étranger. Le temps où les Mauves achetaient systématiquement ce qui se faisait de mieux en Belgique est révolu. Ils ont, certes, vaguement songé à Geraerts et GuillaumeGillet, mais ont finalement acheté leur boxtobox à Nuremberg : le Tchèque JanPolak.  » Lancer des jeunes alors qu’on attend toujours des résultats immédiats est difficile « , se défend Herman Van Holsbeeck.  » Pensez-vous que les supporters et les sponsors accepteraient qu’on ne gagne aucun trophée pendant trois ou quatre ans, le temps que les jeunes arrivent à maturité ? ».

Le manager a aussi tiré sa conclusion du faible rendement obtenu jadis en Ligue des Champions.  » Il y a trois ans, on avait affronté l’Inter Milan avec VincentKompany, AnthonyVandenBorre, GoranLovre et LamineTraoré. Au bout des matches de poules, on s’est retrouvé avec 0 point sur 18. A Milan, les Italiens m’ont conseillé de choisir :  » Que souhaitez-vous ? Lancer des jeunes ou gagner des trophées ? Si vous optez pour les jeunes, on vous félicitera pour votre travail de formation. Mais si vous voulez gagner des trophées, vous devez aligner 95 % de joueurs expérimentés « .

C’est à la fois vrai et faux. A l’époque, effectivement, Anderlecht n’avait pris aucun point en six matches dans les poules. Mais au moins y avait-il participé. Cette saison, inutile de remuer le couteau dans la plaie : avec les stars achetées à l’étranger, le Sporting n’a pas réussi à se qualifier pour les poules. Le nombre de joueurs belges dans l’équipe de base d’Anderlecht se réduit donc de plus en plus. Le seul inamovible est OlivierDeschacht. JelleVanDamme est présent quatre fois sur cinq. Le reste du contingent est complété, en fonction des choix du coach, par MboMpenza, BartGoor, MarkDeMan ou JonathanLegear. Ce dernier est le seul jeune qui perce encore aujourd’hui. Plus tard, on peut éventuellement espérer l’éclosion de VadisOdjidja, retenu avec l’équipe nationale des -19 ans. Mais, parmi les -17 ans en Corée, il n’y avait aucun Anderlechtois : NielsRingoot, le seul qui aurait pu y prétendre, a dû déclarer forfait sur blessure.

Durant l’entre-saison, RolandLamah et CheikhTioté sont partis aux Pays-Bas. Comme TomSoetaers et MaartenMartens autrefois. Rien n’a vraiment changé, sinon une petite différence : ces joueurs ont été prêtés, pas vendus.

Les bons élèves

Les premiers de classe sont Dender et Westerlo. Ces deux formations ont parfois aligné jusqu’à dix Belges au coup d’envoi. Chez les promus, le seul étranger était au départ HenriMunyaneza. Depuis, les arrivées de deux Espagnols, Juanma et Irribaren, ont réduit le contingent.

WESTERLO

Le seul étranger fut souvent PatrickOgunsoto. Sur le banc aussi, on trouve essentiellement du Belge.  » C’est un choix sportif « , assure le manager campinois HermanWynants.  » Je pars du principe qu’on doit prioritairement recruter du Belge, et que si l’on engage exceptionnellement un étranger, il doit constituer un réel renfort. Ogunsoto s’est révélé, je pense, un réel renfort même s’il connaît un début de championnat plus difficile actuellement. La question de savoir si j’approuve l’initiative de la Ligue Pro ne se pose pas puisque… je l’ai moi-même appuyée. Elle s’accompagne d’autres mesures, comme les indemnités de formation versées aux clubs lorsqu’un jeune joueur signe un premier contrat professionnel ailleurs, ou la création d’un fonds de solidarité qui a été votée par la Ligue et est d’application depuis le 1er janvier. Combien de fois ne s’est-on pas plaint, en Belgique, qu’on n’accordait aucun crédit à la formation ? Les clubs avaient beau jeu de répondre : – Aquoiboninvestirdanslaformation, puisquelesclubsétrangersviennentnouschipernosmeilleursjeunes ? Aujourd’hui, des mesures sont prises. Peut-être pas encore assez contraignantes, mais c’est un début. Je suis un peu frustré qu’on en parle si peu, on fait toujours la part plus belle aux critiques et aux faits divers négatifs. Je tiens aussi à souligner que, dans le nouveau championnat des Espoirs, six joueurs belges doivent obligatoirement figurer au coup d’envoi. On ne peut aligner au maximum que trois joueurs de plus de 23 ans et un seul joueur à l’essai par match. Les sanctions, en cas de non-respect des règles, peuvent aller jusqu’à la perte de points. On commence enfin à avancer, lentement certes, mais sûrement « .

Y a-t-il un lien avec le classement ?

Malheureusement, oui. Les clubs qui alignent le plus de joueurs belges sont les moins bien classés : Dender a eu du mal à décoller, Malines (malgré des répliques courageuses) n’a encore conquis que deux points, et l’actif de Saint-Trond est toujours vierge. Mais la règle ne doit pas être généralisée : des équipes comme Westerlo, Roulers, Zulte Waregem et le Cercle Bruges ont prouvé (et prouvent encore) qu’on peut réaliser des championnats très honorables avec un nombre élevé de joueurs du cru. A l’opposé, on constate que l’équipe qui aligne le moins de joueurs belges (Mons) reste collée en queue de classement, avec 1 point sur 15, malgré un jeu souvent chatoyant.

L’engagement de joueurs étrangers est souvent une question de moyens : les salaires pratiqués en dehors de nos frontières sont généralement plus élevés, et donc, pour attirer ces joueurs-là chez nous, il faut s’aligner. Jusqu’ici, les clubs qui faisaient largement appel aux jeunes du cru y étaient obligés pour respecter leur budget. C’est cela aussi que la nouvelle règle veut changer : la formation doit devenir un choix sportif, pas uniquement un choix financier.

par daniel devos

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