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So British

Wimbledon est un tournoi conservateur et excentrique. Chaque année, on y vend 28.000 kilos de fraises, 10.000 litres de crème fraîche, 86.000 crèmes glacées et 320.000 verres de Pimm’s. Voici d’autres curiosités de ce tournoi où l’on ne badine pas avec les traditions.

VOUS VOULEZ ÊTRE MEMBRE ? REMPORTEZ LE TOURNOI !

Cliff Richard est membre à vie de l’All England Lawn Tennis and Croquet Club, dont le président – Edward, le Duc de Kent – remet chaque année le trophée au vainqueur du tournoi masculin. Les lauréates du tournoi féminin reçoivent leur trophée des mains de Kate Middleton, devenue Catherine – Duchesse de Cambridge – depuis son mariage avec le Prince William en 2011.  » Epouser un prince, cela aide, mais si l’on veut devenir membre, le plus simple est encore de gagner le tournoi « , a un jour expliqué Chris Gorringe, l’ancien CEO du club.

Les 375 membres à vie, qui peuvent acheter pour chaque journée 2 des 39.000 tickets disponibles, sont complétés par une septantaine de Membres Honoraires, VIP et vainqueurs du tournoi masculin en simples. Mais, même par cette voie-là, cela ne coule pas de source. Sidney Wood s’en est rendu compte à ses dépens en 1931. Ce jour-là, son adversaire avait dû déclarer forfait, et la direction a estimé que Wood ne méritait pas de devenir membre. La décision a été modifiée plus tard. Même John McEnroe, qui avait remporté la première de ses trois victoires en simple en 1981 mais s’était méconduit pendant le tournoi, a dû patienter une année.

Chaque saison, 120 membres temporaires sont admis. Ils représentent le club en compétitions interclubs, et portent le nombre de membres à 565. Plus d’un millier de noms figurent sur une liste d’attente, dont quelques-uns seulement finissent pas être admis chaque année. Ce qui a fait dire à l’ancien CEO :  » Filling dead men’s shoes. « 

L’HERBE C’EST POUR LES VACHES

 » Sur gazon, j’arriverais même à concéder un set à ma grand-mère « , a un jour déclaré Ivan Lendl. L’ancien numéro 1 mondial a remporté huit tournois du Grand Chelem, mais a échoué deux fois en finale à Wimbledon. Même la légende du tennis espagnol, Manuel Santana, qui a pourtant remporté le tournoi en 1968, avait une aversion pour le tennis sur gazon.  » L’herbe, c’est pour les vaches « , a lâché Manolo, l’une des vedettes de son époque, lorsque trois des quatre tournois du Grand Chelem se disputaient sur herbe. L’US Open (en 1975) et l’Australian Open (1988) ont changé de surface par la suite, mais Wimbledon est toujours resté fidèle à la surface du premier tournoi disputé en 1877.

Mais le plus surprenant, dans tout ce conservatisme du sud de Londres, c’est que des concessions ont été faites. Lorsque Goran Ivanisevic a gagné en 2001 en servant 213 aces en 7 matches, le chief groundsmanEddie Seaward et ses 17 membres du personnel employés à plein temps ont été priés d’ensemencer les courts avec une autre variété de gazon, qui ralentissait les balles et les faisait rebondir plus haut.  » Cela a permis aux spécialistes de terre battue de tirer également leur épingle du jeu « , a expliqué Seaward à la BBC, qui loue chaque année son travail de bénédictin.

Son successeur Neil Stubley, qui n’est que le 8e chief groundsman depuis… 1877, observe la même routine. Après le tournoi, les endroits qui ont été abîmés sont réensemencés et le gazon est maintenu à une hauteur de 12 millimètres. Une semaine avant le début du tournoi, il est coupé à la hauteur idéale de 8 millimètres. Et toute l’année, Rufus – un faucon – est chargé de chasser les… pigeons qui pourraient manger les semences.

TICKETS PLEASE !

Queuening : les Anglais ne connaissent que trop bien ce terme. D’abord se procurer un ticket pour la file d’attente, puis faire la queue pendant des heures – certains depuis la veille au soir – dans l’espoir de pouvoir encore acheter une place à 28,5 euros le lendemain matin. Les 500 premiers peuvent prétendre à un billet pour le CentreCourt, y compris pour les deux jours de finale : 177 euros pour la finale féminine, 219 pour la finale masculine.

Participer au PublicBallot, instauré en 1924, est plus confortable, mais les chances de réussite ne sont que de 10 %. Autre inconvénient : l’attribution des tickets se fait de façon arbitraire. Les plus malchanceux reçoivent un ticket pour le dernier vendredi sur le CourtNumberTwo, où ne jouent plus que les vétérans et les Juniors. Seuls les plus chanceux obtiennent un ticket pour les demi-finales sur le CentreCourt.

Si l’on ne veut pas se fier au hasard, il vaut mieux acheter une obligation de cinq ans.  » Avec la vente d’obligations, nous finançons les travaux d’infrastructure « , a expliqué le président Philip Brook l’an passé, lorsque le club debentures (2017-2021) a souscrit pour le CourtNumberOne, qui sera couvert à partir de 2019. Coût : 35.000 euros.

Les 2.500 obligations pour le CentreCourt ont été écoulées pour 57.000 euros. Les détenteurs ont alors droit à un ticket par jour. Petit calcul rapide : les 65 tickets (13 par an, pendant cinq ans) reviennent dans ce cas à 877 euros pièce, mais on peut les revendre légalement. Une opération qui peut s’avérer lucrative, surtout si un Britannique atteint la finale : l’an passé, un couple a déboursé 45.614 euros pour deux billets pour la finale entre Andy Murray et Milos Raonic.

PLUS BLANC QUE BLANC

 » Ce que nous voulons éviter à tout prix, c’est voir les joueurs déambuler dans les travées de notre club comme des hommes-sandwiches « , s’est défendu l’ancien CEO en expliquant l’obligation de porter une tenue blanche quasiment dépourvue de publicité. Dans le règlement de chaque tournoi du Grand Chelem, la dimension que peut avoir le logo du sponsor est spécifiée au centimètre carré près. Dans le cas de Wimbledon, on y a ajouté la petite phrase  » almost entirely white’. Mais, affirme Gorringe :  » Les fabricants cherchent par tous les moyens à dépasser les limites.  »

Comme Adidas, qui avait prétendu en 2006 que les trois bandes n’étaient pas un logo, mais une partie du design. Le tribunal a donné raison à la marque allemande, mais le club s’est pourvu en appel et a fini par obtenir gain de cause. Les trois bandes ont dû disparaître, mais en contrepartie, le logo a pu être légèrement agrandi…  » La tenue doit surtout être digne et adaptée au tennis.  »

Pas comme le débardeur que portait Linda Siegel en 1979 pour provoquer la féministe Billie Jean King. Pendant les rallies, sa tenue descendait si bas qu’elle laissait à peine place à l’imagination… Anne White a interprété le règlement à la lettre en 1985, lorsqu’elle est apparue dans un bodysuit blanc (une combinaison une pièce la couvrant du cou aux chevilles).

 » Pour éviter toute autre forme de publicité, nous avons distribué des serviettes gratuitement, à un moment donné. Une opération onéreuse, car plusieurs milliers d’exemplaires disparaissaient chaque année. Pour résoudre le problème, nous avons offert à chaque joueur un beau coffret-souvenir comprenant une serviette, mais cela n’a servi à rien.  » L’an passé, la facture pour les serviettes s’est élevée à 197.000 euros…

PAR CHRIS TETAERT – PHOTO BELGAIMAGE

 » Sur gazon, je concéderais même un set à ma grand-mère.  » – Ivan Lendl

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