SLAVEN BILIC

Pour le coach des stars à damiers, y a le droit, le rock et le tabac. Mais rien ne surpasse le foot.

Trente ans séparent le plus vieux coach de l’EURO ( Luis Aragones, 69) et le plus jeune : Slaven Bilic, le rebelle croate. Un homme adulé dans son pays et fort apprécié aussi en Allemagne et en Angleterre, où il a fait une partie de sa belle carrière de défenseur central. Entre le début et la fin de son parcours dans le même club (Hajduk Split), il est passé par Karlsruhe, West Ham et Everton. En France, par contre, sa cote de popularité est rikiki : en demi-finales du Mondial 98, c’est lui qui a simulé et privé Laurent Blanc de sa finale. Blanc avait simplement effleuré Bilic, qui s’est écroulé comme si Mike Tyson était passé par là : carte rouge et frustration énorme chez les Bleus.

1998, c’est l’année phare dans la carrière de Slaven avec la troisième place en Coupe du Monde pour une Croatie créée politiquement sept ans plus tôt seulement. Le coach, c’était Miroslav Blazevic, qui voyait déjà un avenir d’entraîneur à Bilic :  » Je me souviens d’un match au Danemark. On perdait 3-0 et il avait osé me suggérer un changement tactique. Je lui ai dit : – Tais-toi. Mais j’ai dû admettre plus tard qu’il avait raison « .

Bilic (44 sélections) a commencé à Hajduk Split qu’il quitte en 1993 pour Karlsruhe contre un million d’euros. En 1996, West Ham verse 2,3 millions à Karlsruhe pour son transfert : nouveau record dans l’histoire du club anglais. En 1997, Everton débourse 6,6 millions pour le débusquer à West Ham.

Mais il doit arrêter sa carrière plus tôt que prévu, pour raisons médicales. Il a d’ailleurs joué tout le Mondial en France avec une fracture de stress à la hanche. Il se fait les dents comme entraîneur à Split puis hérite des Espoirs croates qu’il qualifie pour le Championnat d’Europe. En juillet 2006, il est nommé à la tête de l’équipe A, 23e au ranking FIFA. Il ne perd pas de temps : qualification pour l’EURO (en battant deux fois l’Angleterre) puis parcours séduisant dans ce tournoi. La Croatie est aujourd’hui dans le Top 15 mondial et il gagne 120.000 euros par an alors que Hambourg lui propose 2 millions par saison pour remplacer Huub Stevens… Mais Bilic sait que le bonheur ce n’est pas que le fric : ambassadeur de l’UNICEF, il avait entamé son mandat de coach en versant 13.000 euros à l’organisation mondiale qui défend l’enfance.

Chevalier intellectuel de Blazevic

Slaven Bilic est l’entraîneur rock and roll de l’EURO. Il joue de la guitare au sein du groupe Rawbau, très populaire en Croatie. Bad boy ? Sa mère a voulu l’écarter de sa passion pour la musique. Il lui a dit :  » Je réussis des études universitaires et tu me laisses jouer, ok ? ». Il a eu son diplôme de droit et a prolongé la belle lignée familiale : son père est doyen de la fac de droit. Et le fils parle quatre langues. L’hymne des supporters croates à l’EURO ( Folie ardente), c’est lui qui l’a écrit. En souvenir du Mondial français. Passages : Nous étions ensemble en 98 (…) Et le monde a entendu parler de nous (…) Le maillot à damiers brille encore (…) Et dix ans plus tard, nous avons le même rêve.

Blazevic l’appelait son chevalier intellectuel. Et Bilic s’abreuve chez des stars du coaching : Arsène Wenger, Fabio Capello, Marcello Lippi, Guus Hiddink, Luiz Felipe Scolari. Avec ses joueurs, c’est main de fer par moments, complice à d’autres – comme lors de cette virée shopping dans le centre de Londres avec tout le noyau, quelques heures avant le match de qualification décisif. Dès qu’il s’est retrouvé à la tête de l’équipe, il a viré des cadres, dont les Belgicains Ivan Leko et Ivan Bosnjak. Et il a directement lancé des joueurs qu’il avait coachés chez les Espoirs et qui ont éclaté à l’EURO : Luka Modric, Ivan Rakitic, Vedran Corluka. Lors de la préparation de son tout premier match comme sélectionneur, contre la Russie, il s’est empoigné avec trois guindailleurs. Bosko Balaban, Dario Srna et Ivica Olic avaient fait le mur pour aller en boîte. Quand Bilic a annoncé qu’il les suspendait, le boss de sa Fédération a fait des pieds et des mains pour qu’il revienne sur sa décision. Le coach a tenu bon : suspension et amende de 21.000 euros. Vedran Runje a eu plus de chance. Surpris par un photographe à fumer sur le balcon de l’hôtel en début d’EURO, il est lui aussi passé près de la correctionnelle. Le règlement interne est clair : dehors. Bilic a dit qu’une simple amende suffirait. Et il a mis Runje dans le but pour le troisième match de poule ! Le coach fume, lui aussi et tirait déjà du temps de sa carrière de joueur : il échangeait conseils et cigarettes avec Blazevic.

Son image de rebelle, il l’entretient également avec sa boucle d’oreille et ses tatouages. Et les provocations qu’il sert à l’occasion. Après la victoire décisive à Wembley en qualifications, il a lancé aux Anglais : Wake up ! En arrivant en Autriche, il a dit :  » La Croatie a assez de talent pour jouer le titre « . Mais encore :  » Seul Kakà est meilleur que Luka Modric « . Et une dernière :  » Avec tout mon respect pour les femmes, le football est la plus belle chose au monde « .

par pierre danvoye – photo: reporters

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