Sir Alex Ferguson

Il a 67 ans mais conserve le feu sacré. Sir Alex Ferguson entraîne Manchester United, tenant de la Ligue des Champions, depuis 22 ans. L’Ecossais explique ce qui le motive et pourquoi il ne craint pas le FC Chelsea de Scolari. Quelle victoire en Ligue des Champions signifie-t-elle le plus pour vous : celle de 1999, quand vous avez vaincu le Bayern 2-1 dans les arrêts de jeu, ou celle de mai dernier, aux tirs au but contre Chelsea, votre rival en championnat ?

Alex Ferguson : Personnellement, aucun titre n’a de signification particulière. Vraiment pas. L’aspect individuel m’intéresse assez peu. Ce qui compte, c’est que Manchester United a remporté pour la deuxième fois la plus importante épreuve pour clubs et je m’estime un privilégié d’avoir contribué à l’événement. United est désormais considéré comme un très grand club, qui est sur le même pied que le Real ou Milan. Ces succès seront désormais l’échelle de tous nos projets.

Ce succès a-t-il influencé vos priorités personnelles ? Est-il peut-être moins essentiel de gagner encore une fois la Ligue des Champions ?

Nous entamons chaque saison avec l’ambition de remporter toutes les épreuves auxquelles nous participons. La Premier League est notre pain quotidien. Cependant, c’est la Ligue des Champions qui définit la puissance réelle de Manchester United. Si nous devions établir des priorités, la Coupe d’Europe serait en tête. Evidemment, nous n’avons pas l’intention de dédaigner le championnat.

Trois des quatre demi-finalistes de la saison passée évoluent en Premier League. Pourquoi les clubs anglais ont-ils dominé cette compétition ? Est-ce une question d’argent ou travaille-t-on mieux en Angleterre ?

L’afflux permanent de joueurs étrangers a influencé le football anglais. C’est évidemment lié à l’argent, qui nous vient en abondance des droits TV. Nous avons tous profité de l’immigration de ces joueurs – les footballeurs anglais et les entraîneurs grâce au perfectionnement du fitness et des méthodes d’entraînement. Je dirais que les clubs anglais sont au top dans leur manière de se préparer aux joutes avec le continent.

Jürgen Klinsmann a effectué beaucoup de changements au Bayern. Son équipe va-t-elle profiter de son travail ?

Il a montré en équipe nationale qu’il est capable de conférer un nouveau visage au football. Il doit cependant prendre garde : il y a un monde entre le travail avec une sélection nationale et celui avec un club, avec des joueurs qui manifestent leurs desideratas tous les jours. Mais je pense que le Bayern va bénéficier de son apport.

Vous avez remporté de nombreux succès durant votre longue carrière. Comment parvenez-vous à vous motiver ? Vous avez atteint tous vos objectifs…

J’ai toujours soif de succès. Les jeunes footballeurs me motivent. Ils m’aident à conserver ma fraîcheur physique et mentale. Je suis en bonne santé. Comme je l’ai déjà dit, je ne me vois pas entraîner à 70 ans. Il y a des choses que j’ai envie de faire après ma vie footballistique…

 » On est plus équilibré que jamais « 

United a-t-il pour l’instant la meilleure équipe avec laquelle vous avez travaillé ?

C’est possible. Nous avons un bon équilibre en jeunes joueurs et éléments chevronnés. Rio Ferdinand est au sommet de son art, Carrick approche de sa maturité. Nous espérons que Giggs et Scholes nous aident encore une saison au moins. Ce mélange est sain et dynamique. Nous avons une défense solide, nous développons un football attractif, en visant toujours la victoire. Même à mon âge, cela me captive.

En quoi le tenant de la Ligue des Champions peut-il éventuellement progresser ?

Nous devons poursuivre notre évolution dans plusieurs domaines. Anderson, Rooney, Tevez et Nani vont encore progresser. Nous devons mieux définir le rôle exact de Rooney. La saison dernière, il s’est sacrifié pour l’équipe, quand nous lui envoyions des longs ballons ou que nous l’alignions à diverses positions. Nous devons l’aider à marquer davantage. Je pense que sa meilleure position est dans l’axe, comme avant-centre ou juste derrière celui-ci. Il excelle dans les deux rôles. Il aurait peut-être besoin d’un avant chevronné à ses côtés mais quand on enrôle un gars de 18 ans, il ne faut pas s’attendre à ce qu’il soit à son sommet. Nous l’avons embauché parce qu’il possède un énorme potentiel pour de nombreuses années…

Qu’attendez-vous d’Hargreaves, qui entame sa deuxième saison à United ?

Owen a été blessé au genou. La saison dernière, il n’a pu livrer le meilleur de lui-même. Il constitue une bonne assurance pour l’entrejeu, il est polyvalent et travaille au profit de l’équipe, en s’effaçant. En finale de la Ligue des Champions, je l’ai préféré à Park car il avait déjà disputé et gagné une finale avec le Bayern, en 2001. Sa performance a confirmé ce que je pensais de lui.

En été, on a spéculé sur le transfert de Cristiano Ronaldo au Real Madrid. Il reste, peut-être contre son gré. Comment allez-vous le gérer ?

Comme d’habitude. Il aime jouer. Il apprécie chaque entraînement et est toujours le dernier à s’en aller. Cela ne changera pas. Tout jeune joueur qui remporte un tel succès se trouve sous les feux de la rampe. Ce qui compte, c’est leur manière de gérer cette attention. Nous savons tous que le succès peut changer les gens. Le changement que je veux voir consiste en plus d’assurance, ce qui lui permettrait d’être encore meilleur. Il a 23 ans, il atteint un âge où sa maturité et sa personnalité devraient l’aider sur la scène mondiale.

Décelez-vous des parallèles avec Beckham ? Depuis longtemps, celui-ci n’est plus considéré que comme une pop star, plus comme un footballeur.

Je ne souhaite pas m’étendre sur les différences entre Ronaldo et Beckham mais elles sont manifestes.

Qu’avez-vous pensé quand Blatter, le président de la FIFA, a déclaré que Manchester traitait Ronaldo comme un esclave ?

C’est une déclaration malheureuse dans la bouche d’un homme qui occupe une position aussi élevée. L’esclavage a été aboli depuis longtemps. A l’heure actuelle, un footballeur peut gagner six ou sept millions d’euros par an.

Carlos Queiroz, votre adjoint durant de longues années, est devenu sélectionneur du Portugal. A quel point vous manque-t-il ?

Je suis toujours sur le terrain d’entraînement. Il n’y a donc pas eu de bouleversement. Le départ de Carlos constitue une perte car il est un excellent organisateur et il était très sérieux dans son travail. Il nous a apporté bien plus encore. Tous les changements engendrés par la science au sport étaient son domaine. Par exemple, c’est grâce à lui que nous avons trois médecins au lieu d’un seul.

Chelsea est-il plus dangereux cette saison, entraîné par Luiz Felipe Scolari ?

En fait, je ne m’occupe absolument pas de Chelsea. Avram Grant a fait du bon travail et José Mourinho a gagné deux championnats d’affilée. Il nous a aussi battus en finale de la Cup. Personne ne peut faire mieux que lui. L’équipe est très chevronnée mais c’est précisément ce qui peut entraver sa progression. Je ne dis pas que Chelsea a une équipe trop âgée car les méthodes d’entraînement modernes permettent d’être performant bien au-delà de trente ans. Ce que je veux dire, c’est ce que je ne puis imaginer aucun progrès exceptionnel d’une équipe trentenaire.

Sir Alex Ferguson est né le 21 décembre 1941 à Glasgow (Ecosse)

Attaquant efficace, il a joué 257 matches de D1 écossaise (135 buts), 71 matches de D2 écossaise (32 buts) et 22 matches de Coupe d’Europe (12 buts). Ses clubs entre 1957 et octobre 1974 : Queens Park Glasgow, FC St. Johnstone, Dumferline Athletic, Glasgow Rangers, FC Falkirk, Ayr United, East Stirlinsgire FC.

Manager depuis le 21 octobre 1974 au FC St. Mirren où il reste quatre ans avant d’en passer huit à Aberdeen. Il poursuit avec un job d’adjoint puis de sélectionneur de l’équipe nationale d’Ecosse (Mondial 1986). Débarque à Manchester United le 6 novembre 1986.

Son palmarès : 2 Ligues des Champions (1999, 2008), 2 Coupes des Coupes (1983, 91), 2 Supercoupes d’Europe (1983, 91), 10 x champion d’Angleterre (1993, 94, 96, 97, 99, 2000, 01, 03, 07, 08) 5 Coupes d’Angleterre (1990, 94, 96, 99, 2004), 2 Coupes de la Ligue (1992, 2006), 8 Charity/Community Shield. 3 titres, 4 Coupes, Coupe de la Ligue 1986. 3x champion d’Écosse (1980, 84, 85), 4 Coupes d’Écosse (1982, 83, 84, 86), Coupe de la Ligue d’Ecosse 1986

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