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SIGNORE SVEN

En l’espace d’un mois, Sven Kums est devenu le centre de gravité d’un club qui cherchait son équilibre depuis des années. Mais à Udine, le Soulier d’or doit apprendre à vivre sans le ballon. Il est la ceinture de sécurité de la Dacia Arena.

Au printemps dernier, alors que le football d’Udine frise la dépression, le nom de David Pizarro est chuchoté dans les travées de la fraîchement rénovée Dacia Arena. Cela fait pourtant onze ans que le Chilien a quitté le Frioul, mais son fauteuil de chef d’orchestre, installé devant la défense, n’a jamais trouvé de véritable héritier. Guilherme est trop irrégulier, et l’élégant Francesco Lodi trop lent, à tel point qu’un retour de Pizarro est envisagé, malgré le poids de ses 36 ans.

C’est finalement Sven Kums qui débarquera à Udine. Ses premiers mots visent juste :  » J’espère jouer dans le rôle qui me convient le mieux, devant la défense, pour distribuer des ballons et gérer le jeu.  » Kums atterrit à Udine dans une période trouble. Le club semble loin des années de gloire où Alexis Sanchez et Antonio Di Natale faisaient trembler toute l’Italie.

Il a terminé la saison à une stressante dix-septième place, avec une possession de balle famélique (45,3%) et un football bien trop téméraire (74,9 % de passes réussies) pour la toujours rigoureuse Italie.  » L’arrivée de Kums répond à des exigences précises « , dit d’ailleurs l’ancien coach, Giuseppe Iachini, démis de ses fonctions le week-end passé suite à la déroute des Frioulans face à la Lazio.  » Nous devions augmenter notre possession du ballon et notre qualité de jeu.  »

Iachini, tout juste arrivé dans le Frioul, ne faisait pas l’unanimité chez les tifosi des Bianconeri. Le Mister est surtout connu pour ses exploits en Serie B, où il a hérité du surnom de Mister Promozione grâce à ses quatre montées avec autant de clubs différents (Chievo, Brescia, la Sampdoria et Palerme).

Kums arrive donc dans une fourmilière désordonnée, et doit y donner un grand coup de Soulier d’or.  » Nous avons pris un joueur avec une grande expérience internationale « , confirme le directeur technique Nereo Bonato.  » C’est un signal fort lancé à un groupe si jeune. Sven est un gars simple, en mesure de mettre ses équipiers dans les meilleures conditions.  »

UN PIRLO SOUS LE SAPIN

Ils sont environ 2.000 à avoir fait le déplacement pour les premiers pas de Sven Kums en noir et blanc, à l’occasion d’un match amical contre l’Olimpija Ljubljana. Le Belge récolte les applaudissements du public après un beau solo à la demi-heure, et les compliments de Massimo Giacomini, ancien coach des Frioulans qui avait fait monter Udine de la Serie C à l’élite italienne en deux saisons à la fin des années septante :

 » Kums n’a pas peur. Il donne le rythme, il veut la balle et réussit à la mettre vite et bien dans les pieds d’un équipier, en jouant court ou long. Il empêche ses défenseurs centraux de balancer de longs ballons sans idées.  »  » Trois adjectifs pour décrire Kums ? Il est ordonné dans son jeu, sait tenir sa position tactiquement et est très disponible pour travailler « , abondait Iachini après la rencontre.

Lors des premiers jours de Sven à Dino Bruseschi, le centre d’entraînement de l’Udinese, le coach passe de longues minutes à parler avec sa recrue, afin de le mettre en valeur dans son dispositif. Habituel apôtre du 3-5-2, Iachini troque son module favori pour un 4-3-2-1  » sapin de Noël « , à la Carlo Ancelotti. Avec Kums dans le rôle d’Andrea Pirlo.

Le baptême italien du Soulier d’or a justement lieu à San Siro, face à ces hommes en rouge et noir qui ont écrit les lettres de noblesse du sapin de Noël. Assis dans le fauteuil de David Pizarro, Kums ne tarde pas à ordonner une équipe qui manquait de solidité et de fluidité. Avec 41 passes, il est déjà le joueur le plus influent de l’Udinese pour son premier match officiel.

Son timing en perte de balle (4 tacles réussis, aucune faute) fait le reste.  » Le géomètre de l’équipe, toujours précis et ordonné « , salue le Corriere dello Sport dans son bulletin de notes.  » Kums est déjà très important, il donne de la sécurité à l’équipe « , confirme Molla Wagué, jeune défenseur des Bianconeri.

LA VIE SANS BALLON

Les passes de Kums sont la ceinture de sécurité d’une équipe qui conduit les yeux fermés sur la troisième bande de l’autoroute. Avec 91,3 % de passes réussies pour son premier mois italien, il fait partie de la vingtaine de joueurs du Calcio à dépasser les 90 % dans le domaine. Le problème, c’est que le Belge joue dans une équipe qui ne semble pas savoir vivre avec un ballon dans les pieds.

Udine traîne pour l’instant à 39,1 % de possession moyenne, ce qui en fait largement le cancre de la Serie A dans le domaine (Crotone, 19e de ce classement spécifique, est à 44,2%). La transition est douloureuse pour celui qui touchait une centaine de ballons par match chez les Buffalos amoureux du ballon d’Hein Vanhaezebrouck.

Udine est devenue plus solide, mais se crée péniblement des occasions, et Kums est généralement trop bas sur l’échiquier pour y changer quoi que ce soit. Les six occasions qu’il a créées depuis son arrivée sont toutes survenues sur phase arrêtée (cinq corners, un coup franc), et son poste à responsabilités l’empêche de prendre des risques.

Sven n’a perdu que huit ballons en quatre matches, mais n’a réussi que deux dribbles alors qu’il doit se multiplier pour couper les angles devant sa défense en perte de balle (3,3 tacles par match, parmi les 15 meilleurs de Serie A dans le domaine). Son empreinte sur le jeu des Bianconeri n’a pas encore atteint les trente derniers mètres, cette zone où il avait soigné ses statistiques pour se hisser vers le sommet du football belge.

Mais est-ce ce qu’on lui demande dans le Frioul ? Lors de son arrivée, le président Giampaolo Pozzo a expliqué que  » l’effort pour Kums a aussi été consenti pour positionner au mieux SekoFofana et valoriser Andrija Balic, qui pourra grandir sans pression.  »

Ces deux jeunes sont promis à un grand avenir, et avaient besoin d’un guide pour ordonner leur football et sécuriser leurs arrières. C’est sans doute en les faisant mieux jouer que Sven Kums pourra ressusciter l’Udinese, ce club qui vendait si bien ses jeunes talents. Presque un rôle de vendeur de produits de luxe avec des crampons en guise de cravate.

PAR GUILLAUME GAUTIER – PHOTO BELGAIMAGE

 » Kums donne le rythme, il veut la balle et réussit à la mettre vite et bien dans les pieds d’un équipier, en jouant court ou long.  » – MASSIMO GIACOMINI, ANCIEN COACH DE L’UDINESE

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