» Si tu es fatigué en jouant deux matches par semaine, arrête le foot ! « 

Le plus titré des coaches de D1 sur le divan avant son retour à Bruges pour l’autre clash du Super Sunday.

Gand deuxième avec la meilleure attaque de D1, Club Bruges troisième et seule équipe invaincue. Rendez-vous dimanche au Jan Breydel pour un clasico des Flandres souvent agité. Et pour Trond Sollied (52 ans), retour dans un stade où il a bossé cinq ans. Le temps de gagner sept trophées.

Après la victoire contre Louvain, Christian Brüls a dit :  » Nous nous retrouvons en tête ce soir, et cette première place, nous ne la lâcherons plus.  » Présomptueux ?

Trond Sollied : J’aime bien bosser avec des gars qui ont de l’ambition et de la confiance en eux. Et c’est encore mieux quand ils font transpirer leurs certitudes sur les autres joueurs. Dans mon groupe, tout le monde sait qu’il y a plein de qualités. Ce serait une terrible erreur de se sentir… pire que les autres.

Le titre est possible ?

Rien n’est impossible.

Toi-même, tu as déclaré en revenant que tu ferais de Gand un champion de Belgique.

Je ne pense pas que ce sera pour cette saison. Il faudrait que beaucoup de choses s’emboîtent bien pour que mon équipe joue le titre : peu de blessés, peu de suspendus et quelques brins de chance à certains moments.

Il faudra quand même aller vite parce que tu ne resteras pas cinq ans. Ce n’est pas dans tes habitudes !

Comment ça ? Je suis resté cinq ans à Bodo Glimt, puis le même temps à Bruges.

Les deux premières fois où tu as entraîné La Gantoise, tu ne t’es pas éternisé…

OK mais je suis toujours allé au bout de mes contrats. Ici et ailleurs. La première fois, j’étais même prêt à prolonger, après un an et demi de boulot. Mais la direction avait traîné, alors qu’à Bruges, ils n’avaient pas hésité. Sans ça, je pense que je serais resté encore une saison. Cette fois, j’ai signé pour deux ans et j’ai l’intention de les prester.

Ce groupe est le meilleur que tu as eu à Gand ?

(Catégorique). Certainement. Par rapport à mes deux premiers séjours, un truc a changé : le club n’est plus obligé de vendre pour survivre.

Le principal problème la saison passée, c’est que cette équipe était incapable de battre un grand. Ça va changer ?

Nous avons déjà battu le Standard. Et Anderlecht a eu besoin d’un penalty pour gagner 0-1. Sans le mériter.

Clash interdit entre style et résultats

Tu n’es pas en Coupe d’Europe cette année, c’est rare pour toi : il y a un manque ?

Bien sûr. Mais ça ne sert à rien de penser à des choses qu’on n’a pas. C’est une perte d’énergie. Et je le savais quand j’ai signé mon contrat.

Par rapport à Genk, Anderlecht, Bruges et le Standard, vous avez l’avantage de ne pas être européens.

Un avantage ? Tu crois ? Quand tu joues en Coupe d’Europe, toute l’équipe apprend et tous les joueurs se bonifient.

Ils se fatiguent, aussi…

Stop, stop ! Si tu n’es pas capable de jouer deux matches par semaine, arrête tout de suite le foot. J’aimerais bien que ces clubs n’utilisent pas la fatigue comme excuse si ça ne marche pas pour eux en championnat. Si leurs joueurs sont déjà fatigués maintenant… (Il soupire).

Après les premiers matches, on disait que Gand jouait le plus beau foot mais vous aviez peu de points.

Je n’étais pas satisfait de nos résultats mais content de la façon dont mon équipe jouait. Et je le suis toujours. Nous n’aurions pas dû perdre une seule fois. Le Cercle a gagné chez nous mais ce n’était pas mérité. Idem pour Anderlecht. Et au Beerschot, nous aurions dû faire mieux qu’un nul. Mais bon, ce n’était sans doute pas plus mal de rater nos débuts parce qu’on attendait peut-être trop de grandes choses de mes joueurs.

Tu vises un équilibre entre la manière de jouer et les résultats ? C’est du 50-50 ?

Je ne vois pas les choses comme ça. J’essaye toujours de créer des résultats via un certain style de jeu. Si tu joues bien, les résultats suivront. Toujours. En tout cas sur le long terme. Il y a des coaches qui décident subitement de moins bien jouer au foot, sous prétexte que leur équipe ne prend pas assez de points. C’est un raisonnement qui m’échappe. Il ne peut jamais y avoir de clash entre le style et les résultats. Regarde Barcelone, qui produit un jeu fantastique et gagne tous ses matches.

Il y a aussi des équipes qui pratiquent un laid football mais gagnent des grands trophées. L’Inter de José Mourinho par exemple !

Ça, je ne pourrais jamais le faire. J’espère que je ne me retrouverai jamais dans une situation où je déciderai de défendre pour être dangereux… Créer est plus difficile que détruire, mais je veux créer et avoir du succès dans des missions difficiles. C’est important que les joueurs aient l’impression de bien faire leur boulot, que les gens apprécient de nous voir, qu’il y ait un style reconnaissable.

Le 4-3-3 que tu as importé en Belgique à la fin des années 90 et qui colle à ton image, tu ne l’abandonneras jamais ?

Je le laisse parfois tomber, mais c’est seulement en cours de match et pour des périodes assez courtes. Ma base, c’est le 4-3-3 et ça ne changera jamais. Je ne me vois pas travailler à chaque entraînement sur un 4-4-2, par exemple.

Tennis, Proto, Anderlecht

C’était combien, le score final contre Louvain ?

6-1.

Qui a joué au tennis ? Gand ou Anderlecht ?…

Je n’ai pas eu raison de dire qu’Anderlecht était venu jouer au tennis chez nous ? Ils marquent très tôt, puis Silvio Proto commence à casser tout le jeu et ça dure jusqu’au bout. Il a détruit bien plus le football de son équipe que le nôtre. C’est nécessaire de faire ça quand on s’appelle Anderlecht ? Si mon gardien avait fait la même chose, je l’aurais directement sorti.

OK, Proto appelait souvent le ballon, mais un gardien est un maillon de la chaîne, il fait partie de l’équipe.

Allez… Le rond central n’est pas sa place. Tu trouves normal qu’il expédie tous les ballons directement vers l’autre but ? Oui, c’était vraiment du tennis, et les gardiens étaient les deux joueurs. Tous les autres formaient un gros filet, la balle passait continuellement au-dessus d’eux. Défensivement, Proto a été bon. Mais pour le reste… J’accepte qu’un gardien aille jusqu’au camp adverse pendant les arrêts de jeu, mais pas pendant 80 minutes.

Proto n’était pas le seul responsable. Tu aurais aussi pu critiquer ses coéquipiers qui lui passaient la balle. Et il ne faisait peut-être qu’appliquer les consignes de son coach ?

Je n’en sais rien. It’s not my business. Tout ce que je peux dire, c’est que des spectacles pareils ne sont pas bons pour le football. Et Anderlecht avait déjà fait la même chose à Lokeren. Donc, ce n’était même pas un one shot.

Il y a des coaches qui ne contrôlent plus leurs émotions après une défaite. Toi, ce jour-là…

(Il coupe)… J’étais très calme et je suis un très bon perdant. S’il y en a bien un qui sait relativiser… J’avais mes certitudes après ce match. Nous avions joué une bonne deuxième mi-temps, nous avions secoué Anderlecht, pris des risques et forcé plusieurs occasions. Il n’avait manqué que des buts. Ce n’est vraiment pas mon style de détruire l’adversaire quand mon équipe a perdu. Je ne gaspille pas mon énergie là-dedans. Mais si on me demande mon avis, c’est normal que je le donne, non ?

Ce jour-là, tu as dit qu’on attendait autre chose d’un club comme Anderlecht. Il y en a qui ont une obligation morale de produire du beau jeu ?

Finalement, tu produis sans doute le jeu que la qualité de tes joueurs te permet de produire… Mais moi, quand j’entends le nom Anderlecht, je pense à du champagne, à un beau jeu de passes, à un football dominant. Chez nous, Silvio Proto et Roland Juhasz ont été les meilleurs Anderlechtois : ça dit tout.

Il y a aussi des artistes là-bas : Fernando Canesin, Matias Suarez,…

Contre nous, je ne les ai pas vus. Contre Genk non plus, d’ailleurs.

 » Va au cirque… « 

Quelle est ta conception exacte du beau jeu ? Du show ?

Si tu veux aller au cirque, tu vas au cirque… Il existe plusieurs conceptions. Dire que le jeu d’une équipe est bon parce qu’il est efficace ? Je ne suis pas nécessairement d’accord. Si elle gagne 1-0, elle a été la meilleure au niveau du résultat, mais il est possible aussi que l’adversaire n’ait pas eu beaucoup de chance.

Gand a la meilleure attaque : parce que tu es l’entraîneur qui a les conceptions les plus offensives ?

Surtout parce que je fais en sorte que toute l’équipe attaque.

Quand Yassine El Ghanassy râle au micro de la radio parce qu’il a été remplacé à St-Trond, quand il dit qu’il va aller te trouver et exiger des explications, qu’est-ce que tu fais ?

Il n’est pas venu me voir. Je ne demande pas aux joueurs remplacés d’être heureux. Je l’ai fait sortir parce que j’estimais que c’était nécessaire. C’est mon job, pas le sien. Son boulot, c’est d’être le meilleur possible, avec les autres.

Il y a un vrai patron dans l’entrejeu : Bernd Thijs.

J’ai trois gars intelligents dans l’entrejeu : Thijs, Tim Smolders et Jesper Jorgensen. Ils sont le coeur de mon équipe.

C’est important d’avoir dans le milieu des gars qui en ont dans la cervelle ?

C’est surtout important de placer les meilleurs dans l’axe. Si tu n’as pas des joueurs sensés à ces places-là, tu ne gagnes peut-être jamais un match.

Smolders devait partir en début de saison, il est maintenant un des meilleurs joueurs du championnat.

Il ne devait pas s’en aller, il y avait seulement un problème parce qu’il ne lui restait qu’un an de contrat. Il négocie avec la direction pour prolonger. Je n’ai jamais voulu m’en débarrasser. Tu sais qui l’avait lancé à Bruges, dans le temps ? Moi, hein ! Contre qui ? Le FC Barcelone… Ça voulait peut-être dire que je lui trouvais quelque chose…

A côté de la meilleure attaque, vous avez une défense qui souffre, la moins bonne du Top 6. Et Gand a même encaissé quatre buts de plus que le petit Lierse !

Là-dedans, il y a quatre penalties.

Des penalties que tes défenseurs ont commis…

C’est toi qui le dis. Pour moi, un seul était justifié : contre Anderlecht.

C’est le prix à payer quand on n’est pas encore un tout grand club ?

Cela peut avoir une influence, c’est certain. J’essaye de ne pas trop penser à l’arbitrage, je voudrais seulement qu’il soit fair-play. Et que le jour où un arbitre n’est pas en forme, qu’il soit en méforme pour les deux équipes. Dans ce cas-là, je n’ai aucun problème.

Des arbitres ont parfois pénalisé Gand cette saison ?

Yeah…

Je reviens à la défense : 12 buts en neuf matches pour une équipe du top, malgré les penalties, ça reste beaucoup, non ?

Non parce que les styles de jeu de Gand et du Lierse, par exemple, sont complètement différents. Et j’ai aussi eu la malchance de devoir chambouler continuellement ma ligne arrière, à cause de blessures et de suspensions. Toute mon équipe, d’ailleurs : nous avons déjà utilisé 23 joueurs, c’est énorme.

Théorie sur Bruges (et les autres) : 2 minutes max

Tu trouves normal qu’on parle beaucoup plus d’Anderlecht – Standard que de Bruges – Gand ? C’est le troisième qui reçoit le deuxième.

Ce sont deux gros matches, pour le reste… On est encore tellement tôt dans la saison. Dans les play-offs, on pourra parler de clashes, mais en ce moment, il n’y a pas vraiment de rendez-vous plus importants que les autres.

Retourner à Bruges, c’est toujours spécial pour toi.

Absolument pas. Tu veux savoir quand je commencerai à penser à Bruges ? Vendredi, deux jours avant le match. Pour le moment, ce sont les supporters et la presse qui se focalisent là-dessus. Moi, je n’ai pas le temps. Toute mon énergie va dans le travail avec mon équipe, je ne la consacre absolument pas à l’adversaire. Vendredi, j’aborderai le Club avec mes joueurs. Et ça durera deux minutes. Maximum.

Tu trouves que le Bruges de cette saison a un style plutôt nordique ou plutôt hollandais ?

(Il réfléchit). Hollandais.

Le style Sollied, avec un 4-3-3 qui est parfois beau à voir ?

Non, pas directement.

Quelles sont les grandes différences entre le 4-3-3 d’Adrie Koster et le tien ?

Demande à Koster.

Tu as un avis !

Oui, mais sur des sujets pareils, je le garde pour moi… Je peux être très bavard sur certaines choses. Mais beaucoup moins sur d’autres.

La saison dernière, tu étais sous le charme de la ligne médiane du Standard avec Mehdi Carcela, Steven Defour et Axel Witsel. Et le Standard d’aujourd’hui, qu’est-ce qu’il vaut pour toi ?

Il lui faudra du temps pour revenir tout au sommet. Mais le Standard restera toujours un club du top.

Avant les play-offs, tu avais négocié avec sa direction…

Je ne suis pas obligé de dire avec qui je parle…

C’étaient des négociations concrètes ?

Je ne fais pas de commentaires.

Tu ne dis pas que tu n’as pas discuté là-bas…

Je dis simplement que je ne commente pas ce sujet-là…

A l’école de champions du monde et champions olympiques

C’est utile d’avoir un diplôme de prof de gym pour entraîner une équipe de foot ?

Je peux enseigner plein de choses : le sport, l’économie et l’histoire. J’ai tous les diplômes. De là à dire que mes études en éducation physique m’ont permis de devenir l’entraîneur que je suis… A cette université du sport, j’ai surtout appris au contact des autres étudiants. J’étais avec des champions du monde et des champions olympiques de disciplines variées : ski de fond, kayak, etc. Il y avait peu de joueurs de foot. J’ai été le premier footballeur à avoir fait carrière en D1 et en équipe nationale après être sorti de cette école.

Un coach comme Tomislav Ivic s’intéressait beaucoup au basket et appliquait certains principes de ce sport au foot. Toi, tu t’inspires de quels sports ?

Il y en a plusieurs. Je suis le handball et le hockey sur glace, deux disciplines où on maîtrise l’art du passing, où on apprend à arriver très vite près du but adverse. Et dans les matches de basket, j’étudie la façon de créer des espaces.

PAR PIERRE DANVOYE – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » J’espère que je ne me retrouverai jamais dans une situation où je déciderai de défendre pour être dangereux… « 

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