» Si on échoue, CE SERA MÉRITÉ « 

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Dans les pensées profondes d’un gardien ad intérim.

Kris Van de Putte et Jimmy Schmidt avant-hier. Cédric Berthelin hier. Ivan Willockx aujourd’hui. Si on lui avait demandé de composer une chanson parlant des gardiens de Mons, Jacques Brel aurait écrit : Au suivant !

Actuellement, c’est donc l’ancien pilier du Club Malinois (il y a passé 12 ans) qui défend les perches. On lui avait fait comprendre en début de saison qu’il pouvait se trouver une nouvelle équipe, mais il a remis sa salopette de dépanneur suite à la blessure à l’épaule de Berthelin. Willockx (29 ans) affronte le questionnaire vache !

~Je ne vous demande pas comment ça va…

Ivan Willockx : Ça ne va pas, évidemment. Il ne reste que huit matches et Mons est dernier. Pour le moment, je ne suis pratiquement sûr que d’une chose : la décision ne tombera pas avant la dernière journée, tellement c’est serré.

~Vous n’avez pas les meilleurs atouts.

Si on regarde le classement, St-Trond et Mouscron sont moins mal barrés que Mons, le Brussels et Ostende. Et Ostende est moins contrarié que le Brussels et Mons car cette équipe est dans une spirale positive. Reste à voir si cette belle série peut continuer.

~C’est pourtant Ostende qui a le moins transféré pendant le mercato.

On n’achète pas une équipe, c’est ça le foot. Si c’était le cas, les plus riches seraient continuellement tout en haut du classement et les moins nantis joueraient toujours la descente.

~A quoi cela servait-il de transférer autant de nouveaux joueurs à Mons pendant l’hiver si c’est pour ne pas quitter la dernière place ?

Jos Daerden a évalué le noyau et estimé qu’il fallait des renforts. Quand on n’a que six points à la trêve, c’est logique de faire venir du sang neuf.

150 kg : sans espoir contre De Camargo ?

~Comment est-il possible de s’effondrer complètement après avoir pris rapidement 12 points en début de deuxième tour ?

Bonne question. Notre niveau de jeu n’a pas varié par rapport à la reprise : Mons n’est pas mauvais. La seule différence, ce sont les résultats. A part contre Genk, nous aurions pu revendiquer la victoire dans tous nos matches. Mais nous avons eu pas mal de malchance depuis quelques semaines et nous avons aussi dû jouer deux rencontres presque complètes à 10. C’est dur d’avoir un homme en moins quand on a déjà le couteau sur la gorge à cause du classement.

~Comment un joueur aussi expérimenté que Nicolas Goussé peut-il se faire exclure aussi stupidement qu’au Brussels ?

Il y avait une tension terrible dans cette rencontre et il a perdu ses moyens. Cette claque à un adversaire n’était pas préméditée, c’était une réaction inconsciente. Quand l’arbitre lui a montré la carte rouge, il n’a même pas compris ce qui se passait.

~Est-ce que ce fut la clé du match, selon vous ?

Il y a eu plusieurs clés dans cette rencontre. La première, ce fut la maladresse d’Aliyu Datti sur deux belles balles de break, à 0-1. La seconde, l’égalisation du Brussels, un but qui n’aurait jamais dû être accordé car je maintiens que j’ai été bousculé par Igor De Camargo. Dès ce moment-là, nous avons complètement perdu le fil de nos idées.

~Revenons-y, à ce fameux but. Vous faites 1m93 et plus de 90 kg mais vous vous laissez bousculer comme un gamin !

Attendez… De Camargo me met un coup de coude au visage. Vous pouvez encore faire 150 kg, si on vous donne un coup pareil en pleine face, vous vous écroulerez. Sûr.

~Les images ne confirment quand même pas clairement qu’il vous met un coup de coude.

J’ai vu des ralentis, ça apparaît clairement.

~Si l’arbitre ne l’a pas vu, le juge de ligne aurait alors dû le voir.

Un juge de ligne ose rarement prendre une décision sur une phase aussi importante. Je trouve qu’ils sont beaucoup trop frileux. Ils ont sans doute peur de signaler une faute mais d’être désavoués par l’arbitre. Ils y perdraient tous les deux leur crédibilité et ils estiment peut-être qu’ils n’ont pas besoin de cela.

~Geo Vanpyperzeele a pété les plombs après ce match, en démolissant publiquement l’arbitre : pénible !

C’était une réaction de dépit, de déception profonde. Ce match était tellement important pour Mons. De toute façon, j’étais d’accord avec son analyse : l’arbitre avait été mauvais.

~Vous êtes aussi d’accord avec lui quand il dit qu’on pénalise volontairement un club de province comme Mons pour avantager une équipe de la capitale comme le Brussels ?

Ces propos-là, je lui en laisse la paternité et la responsabilité. Je n’irais pas aussi loin. Je continue à espérer que le foot belge n’est pas pourri comme le foot allemand.

 » Anderlecht n’a pas le monopole du cirque avec ses gardiens  »

~Mons a déjà utilisé quatre gardiens depuis le début de la saison : Anderlecht n’a donc pas le monopole du cirque avec ses keepers…

C’est tout à fait vrai. Et cela ne concerne pas uniquement nos gardiens. Mais bon, chaque entraîneur fait ses choix. Jos Daerden estimait qu’il lui fallait un nouveau portier et on lui a offert Berthelin.

~On imagine que vous avez pris son arrivée comme une gifle ?

Je ne pouvais pas sauter de joie. Daerden a été clair dès le début, il m’a dit qu’il allait transférer un numéro 1 parce qu’il n’avait que des numéros 2 ! J’étais conscient qu’il ne faisait pas venir un Berthelin en plein championnat pour le mettre sur le banc.

~Vous êtes un passionné de colombophilie, mais le gros pigeon dans cette histoire, c’était vous !

Quand une nouvelle concurrence débarque dans un noyau, il y a toujours des victimes. Il faut alors avoir la force de ne pas se comporter en victime consentante.

~Etiez-vous d’accord avec l’analyse de l’entraîneur ?

Non, mais ça ne changeait rien à mon problème. Je me suis contenté de répondre à Jos Daerden que j’allais me défoncer pour lui compliquer la vie.

~Qui est le meilleur ? Berthelin ou Willockx ?

Ce n’est pas à moi de juger.

~Donc, le meilleur, c’est Berthelin ?

S’il est meilleur que moi, ce n’est en tout cas pas de beaucoup. Nous avons plus ou moins le même âge et plus ou moins les mêmes qualités.

~Avouez que vous avez sauté de joie quand il s’est blessé à l’épaule.

Je ne vais pas mentir : oui, j’ai été content. J’obtenais enfin une nouvelle chance de me montrer. Revenir dans l’équipe grâce à la blessure de son concurrent n’a peut-être pas la même saveur qu’un retour sur des critères purement sportifs, mais c’est comme ça. Les pépins physiques font partie du jeu et un gardien sait qu’il pratique un sport individuel à l’intérieur d’un sport collectif. Nous occupons un poste spécial, alors on nous traite d’une façon spéciale.

~Jos Daerden vous traite d’une façon spéciale ?

Il a sûrement un grand mérite par rapport aux gardiens : il nous implique dans les discussions devant le tableau. La plupart des entraîneurs n’y collent que dix aimants quand ils parlent tactique : les dix joueurs de champ. Comme si le gardien n’existait pas ou allait jouer un autre match. Avec Daerden, il y a onze pions et c’est important pour la confiance d’un gardien.

 » Je ne suis pas le Czernia des gardiens  »

~Vous pouvez signer cinq arrêts magnifiques avant d’encaisser sur une erreur de gamin : n’êtes-vous pas un nouveau Czernia, qui marquait des buts impossibles mais ratait des goals tout faits ?

Je trouve qu’on grossit beaucoup trop les erreurs des gardiens. Je ne me suis troué qu’une seule fois cette saison : à Westerlo. J’ai bêtement laissé glisser un ballon et ça nous a fait perdre le match.

~A 29 ans, vous êtes à l’âge où un gardien connaît théoriquement ses meilleures années. Mais vous ne jouez en moyenne qu’un match sur trois : c’est ça, votre meilleure saison ?

Certainement pas. J’étais meilleur à Malines. Mais comment voulez-vous jouer une toute grande saison quand on vous donne aussi peu l’occasion de montrer ce que vous avez vraiment dans le ventre ?

~En 1999-2000, vous aviez été le gardien le plus troué du championnat (78 buts) avec Malines : vous laisserez au moins une trace dans l’histoire du foot belge !

Je n’ai vraiment pas honte de cette saison-là. Ce fut même la meilleure de ma carrière ! Gunther Jacob avait fait le pari d’un foot hyper offensif. Malines jouait en 4-3-3 mais il ne restait bien souvent que deux défenseurs derrière. Nous pratiquions le même football contre Anderlecht que contre St-Trond. Nous avons pris des raclées mémorables mais terminé à la 11e place. Après 10 matches, nous étions même dans le Top 5 alors que nous arrivions de D2. Nos supporters étaient aux anges parce qu’ils voyaient toujours plein de goals. Et moi, j’ai été élu meilleur gardien du championnat, avec Frédéric Herpoel, par La Dernière Heure. Pourquoi devrais-je donc garder un sale souvenir de cette année-là ? Aujourd’hui, le Cercle fait un peu le même choix que le Malines de l’époque : cette équipe a déjà pris une soixantaine de buts mais elle est sauvée à la fin mars.

~Contre Genk, vous encaissez un goal stupide à cause d’une mauvaise communication avec Ivan Milas : avec plus de joueurs francophones dans l’équipe, cela ne serait pas arrivé !

Toutes ces langues différentes, ce n’est effectivement pas une bonne chose. Pour le moment, on en parle plusieurs sur le terrain et c’est parfois déstabilisant. Il arrive qu’un francophone s’adresse en anglais à un autre francophone, dans le feu de l’action, parce qu’il n’a pas eu le temps de voir à qui il parlait. Il faudrait fixer une langue véhiculaire, une fois pour toutes. Cela devrait alors être l’anglais car nos Argentins ne comprennent rien en français. Mais pour en revenir au but que je prends contre Genk, ce n’était pas un problème de communication. A partir du moment où je ne crie rien, Milas doit savoir que je ne vais pas prendre le ballon et il doit le dégager au lieu d’attendre qu’un adversaire arrive dans son dos et marque. En attendant, tout le monde a dit que Nenad Stojanovic avait été l’homme du match, avec son but et son assist, alors que j’avais pratiquement tout sorti avant ces deux phases. Cela prouve encore toute l’ingratitude du rôle de gardien : nous sommes jugés en fonction d’un tas de paramètres extérieurs, dont le score final.

 » Un calendrier infernal ? Pas si sûr  »

~Van de Putte avait été un des meilleurs Montois de la saison dernière mais il a dû partir comme un voleur : c’est scandaleux, non ?

Vous avez raison mais c’est typique du foot moderne. Vous êtes le roi aujourd’hui mais vous serez peut-être un moins que rien demain. Ce n’est pas humain mais c’est une analyse très réaliste de ce monde.

~Vous marquez autant de buts que Charleroi mais vous en encaissez presque deux fois plus. Mons, c’est donc une très bonne attaque mais une très mauvaise défense ?

Il faut nuancer. Charleroi n’a jamais joué avec le stress du maintien : ça aide. Quand on n’a pas la confiance, on encaisse logiquement beaucoup plus.

~Aliyu Datti, Nicolas Goussé et Jérémie Njock méritent un autre club !

S’ils peuvent signer à Anderlecht ou au Standard, tant mieux pour eux ! Je les féliciterai.

~Avouez que les transferts de Mons depuis le début de la saison dernière, c’est vraiment n’importe quoi.

Vous avez raison. Quand on voit le nombre de joueurs qu’il a fallu faire venir en été puis en hiver, on peut difficilement dire que ce fut une réussite sur toute la ligne. On n’a pas compté les soi-disant renforts qui n’ont rien apporté du tout.

~Jos Daerden fait finalement à peine mieux que Sergio Brio.

Il n’y a peut-être pas une différence énorme en termes de points, mais c’est beaucoup plus agréable de travailler avec Daerden et, au moins, nos supporters voient aujourd’hui un beau football. Je suis certain d’une chose : si Brio était resté, nous serions aussi derniers mais avec encore moins de points.

~Si on analyse le calendrier de fin de saison, Mons n’a aucune chance de s’en sortir.

Ici, tout le monde continue à y croire. Et ce n’est peut-être pas plus mal d’affronter maintenant des équipes de la première moitié du classement parce que nous nous débrouillons mieux contre les adversaires qui jouent au foot que contre ceux qui bétonnent.

~Et si les 12 points pris en début de deuxième tour n’étaient finalement dus qu’à une énorme dose de chance ?

Nous en avons eu à ce moment-là mais elle nous a quittés entre-temps.

~En cas de chute en D2, on dira donc à Mons que c’est la faute à la malchance et aux arbitres ?

Non, ce serait exagéré. Personne ne bascule en D2 de façon illogique. Et personne ne se maintient sans le mériter. Si l’échec est au bout du chemin, il faudra chercher les explications à Mons et nulle part ailleurs.

Pierre Danvoye

 » On serait aussi DERNIERS SI BRIO ÉTAIT RESTÉ « 

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